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Le cœur en jachère

Les dossiers agricoles n’étaient pas à l’ordre du jour de la réunion des chefs d’États et de gouvernement du 1er février dernier. Mais l’amplitude des manifestations d’agriculteurs a poussé l’Exécutif européen à concéder quelques marches arrière.

Temps de lecture : 4 min

Cela fait de longs mois que la fronde s’organise contre le Pacte Vert.

Les agriculteurs européens se rebiffent

L’explosion de colère du monde agricole en est la traduction. Elle raconte un ras-le-bol des contraintes liées à la transition écologique.

Les partisans d’une « pause réglementaire » ont été de plus en plus nombreux, à mesure que le prix de l’énergie a augmenté, que l’inflation a flambé, que les produits ukrainiens se sont déversés sur l’UE, que l’on assomme les agriculteurs de contraintes environnementales toujours plus lourdes et complexes.

Il faut bien l’admettre, l’Europe n’a pas de politique agricole claire à long terme. Pour l’instant, il s’agit d’un catalogue de mesures à courte échéance.

La situation a provoqué un soulèvement du secteur qui a poussé la commission à plusieurs reculs. Le plus emblématique d’entre eux fut sans doute l’autorisation du glyphosate pour dix années supplémentaires.

Recul de la commission sur la BCAE 8

Et ce n’est pas tout. Cela faisait des mois que le commissaire européen à l’Agriculture affirmait qu’une nouvelle dérogation aux obligations de la conditionnalité sur les surfaces non productives ne pouvait pas être adoptée en 2024 sans rouvrir le règlement sur la Pac.

Mais sous la pression des manifestations aux quatre coins de l’Europe, l’Exécutif a fini par céder.

Les agriculteurs seront donc autorisés à cultiver sur les 4 % de leurs terres arables chaque année censés être réservés à des éléments non productifs, des jachères en particulier, pour les consacrer à des légumineuses, des cultures fixatrices d’azote ou des cultures dérobées sans utiliser de produits phytosanitaires.

Implantation de cultures dérobées

En 2023 une dérogation totale avait été accordée à cette BCAE 8 mais aussi à la BCAE 7 (imposant une rotation des cultures).

Au lieu de laisser les terres en jachère ou improductives sur 4 % de leurs terres arables les agriculteurs pourront donc implanter des cultures dérobées sur 7 % d’entre elles qui seront alors considérées comme répondant aux exigences européennes.

Dans le cas d’une culture dérobée sans utilisation de produits phytopharmaceutiques mise en place à la suite d’une culture principale sur la superficie désignée pour répondre cette exigence, les États membres devront appliquer un facteur de pondération de 0,3 % qui reflète l’avantage plus limité d’une culture dérobée pour la biodiversité par rapport à d’autres options.

Cette mesure sera votée dans les prochains jours par les États membres en comité de gestion. Ils auront ensuite quinze jours pour signifier à la commission leur intention de l’appliquer, ou non, au niveau national. Puis elle s’appliquera rétroactivement à compter du 1er janvier.

Un premier signal qui devra en appeler d’autres

Pour les agriculteurs, il s’agit d’un premier signal qui est envoyé. Mais il faudra clairement aller plus loin en simplifiant la Pac actuelle sans attendre 2027.

L’Exécutif semble avoir entendu le message puisque la présidente de la commission, Ursula von der Leyen, a ainsi annoncé qu’une proposition visant à réduire la surcharge administrative liée à la Pac serait présentée avant le prochain conseil de ministres de l’Agriculture prévu pour le 26 février prochain.

Mais encore ? Il faudrait que les ambitions de la stratégie « De la fourche à la fourchette » soient absolument revues à l’aune d’un objectif de souveraineté alimentaire.

Le Pacte Vert menacé ?

Compte tenu de la montée des résistances contre le Pacte Vert, la transition verte européenne joue en partie, avec les élections européennes, son avenir.

Si Ursula von der Leyen ne peut renoncer à ce marqueur central de sa propre politique, elle devra composer à la fois avec un secteur agricole revendicatif et des eurodéputés conservateurs de plus en plus rétifs.

Pour les partis eurosceptiques, qui ont toujours combattu le Pacte Vert, ces retours en arrière sonnent comme une victoire.

Même chez les centristes du groupe Renew, l’évolution de la conjoncture économique en a refroidi certains. Seuls les Verts restent sur la ligne d’un soutien inconditionnel. C’est relativement peu.

Marie-France Vienne

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