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Le chanvre textile: le petit frère du lin, ou presque...

Dans le cadre d’un projet Interreg NWE Hemp4Circularity, Valbiom et ses partenaires tentent de développer la filière chanvre textile « fibres longues » au niveau européen. Afin d’atteindre cet objectif, des essais et formations à la culture et la récolte du chanvre sont proposés. Le point sur les premiers enseignements.

Temps de lecture : 7 min

L e chanvre industriel fait partie de la famille des Cannabaceae, comme le houblon. Il appartient plus particulièrement à l’espèce botanique Cannabis sativa L., avec une concentration en tetrahydrocannabinol (THC- molécule psychotrope) inférieure à 0,3 %. Sa famille étant peu utilisée chez nous, la culture est intéressante pour casser les cycles des maladies dans la rotation. Son caractère étouffant représente également un atout pour limiter la pression en adventices. Enfin, l’absence d’utilisation de produits de protection des plantes est un autre avantage et lui confère un intérêt en agriculture biologique.

Tout y passe

Toutes les parties de la plante peuvent être valorisées.

Les graines sont très nutritives, riches en protéines et acides gras, oméga 3 et oméga 6. Elles peuvent être utilisées entières, décortiquées ou sous forme d’huile pour l’alimentation humaine ou animale. Elles sont également appréciées en huile cosmétique.

La fibre , située au niveau de la tige de la plante, est utile en papeterie, dans les bio composites, les isolants ou encore sous forme de mulch. La fibre dites longue, de qualité supérieure, permet une utilisation textile.

Au creux de la tige, on trouve la chènevotte employée en construction, paillage ou litières pour animaux.

Les fleurs de chanvre ont quant à elles un intérêt dans le domaine pharmaceutique du fait de la présence de CBD (cannabidiol) et THC, de même que les feuilles qui sont aussi appréciées en alimentation animale ou encore en thé et en infusion.

Toutes les parties de la plante peuvent être valorisées.
Toutes les parties de la plante peuvent être valorisées. - D.J.

 

Un itinéraire cultural calqué sur le lin

Pour produire des fibres longues de chanvre, Valbiom s’est basé sur le modèle du lin et de ses équipements. « La culture est assez récente et innovante, un parallèle est à faire avec le lin et, les personnes qui ont l’expertise dans ce domaine tendent à s’y intéresser », explique l’organisme.

Le semis : l’étape clé !

Le chanvre est une plante de printemps semée vers le 15 mai, après les dernières gelées, avec une température idéale au niveau du sol de 12ºC. L’implantation est cruciale et nécessite une bonne humidité sans néanmoins que l’eau stagne. Cette étape délicate réussie, on peut être confiant pour la suite. Les premiers retours d’expérience ont d’ailleurs montré une bonne résistance à la sécheresse en phase de croissance, avec des plantes restées vertes là où le maïs souffrait significativement.

En chanvre récolté pour la graine, on tablera sur une densité de 30 à 45 kg/ha mais pour la production de fibres longues celle-ci sera portée à 85-100 kg/ha, c’est-à-dire 500 grains/m² pour obtenir 250 à 300 plants/m² à la récolte. Cette densité importante poussera à la croissance de fines tiges, idéales à la production de fibres longues.

La fumure NPK est basée sur un rapport 70-50-150. En fibres longues, l’apport d’azote doit se limiter à 70 unités contrairement à la valorisation en graines qui peut monter jusqu’à 120 unités. Une fumure azotée trop importante risque d’avoir un impact sur la qualité des fibres, il est donc conseillé de réaliser au préalable des analyses de sol.

Les variétés testées par Valbiom sont françaises (Santhica et USO) et polonaises (Bialobrzeskie et Tygra). À long terme, ces essais permettront peut-être de mettre en évidence les variétés adaptées à chaque valorisation. Pour la production de graines, on préféra par exemple des variétés pas trop hautes et précoces afin de faciliter la récolte et d’avoir des conditions les plus favorables possibles pour le rouissage (voir ci-après).

Une floraison minutée

La phase de croissance active du chanvre se termine à la floraison, vers la troisième semaine de juillet. Le chanvre étant une plante photopériodique, qui réagit à une durée de jour et de nuit précise, la floraison aura toujours lieu à la même période. Un semis tardif n’aura pas d’impact sur son déclenchement mais bien sûr la production de paille.

Fauchage en fonction de la valorisation

Pour le chanvre fibres longues , la culture sera coupée encore verte, à pleine floraison. C’est à ce moment que les fibres primaires sont remplies et prêtes à être coupées. Si le fauchage a lieu plus tard, le développement de fibres secondaires est engagé. « Selon les premiers essais menés, ces fibres sont moins adaptées au textile. On se calque donc sur le modèle du lin mais il ne faut pas intervenir trop tard au risque d’engager la qualité ».

D’une hauteur de près de 2 mètres, le chanvre textile est coupé en deux brins égaux de 90 cm et déposées parallèlement au sol. Cette étape doit être correctement réalisée afin que le retournement soit possible et que le rouissage soit réalisé dans de bonnes conditions.

Pour le chanvre graines , on laisse la floraison se poursuivre jusqu’à maturation des graines, fin septembre. En fonction de la précocité de la variété, la récolte a lieu fin septembre à début octobre. Comme le sarrasin, les graines de chanvre ne sont pas matures en même temps. Elles sont collectées à une humidité de 25 %, avec une moissonneuse classique mais il existe également des machines spécifiques. On peut espérer un rendement en graines de 1t/ha (voire un peu plus selon les conditions) mais celles-ci doivent être impérativement séchées 6 à 8h après la récolte pour atteindre 8 % d’humidité.

Le rouissage de la paille

Une fois les nappes posées au sol, le chanvre entre en phase de rouissage, c’est-à-dire que les micro-organismes du sol dégradent les pectines liant les fibres à la chènevotte. Cela permettra de les détacher plus facilement lorsque les pailles seront conduites en unités de défribage. Le rouissage dure de 4 à 8 semaines, en fonction des conditions. Il va déterminer la qualité et le prix final des fibres. Pour les fibres longues, après plusieurs retournements, la paille est enlevée en septembre. Elle ne présente alors plus de partie verte et est de couleur beige-grise. Elle est enroulée en ballots pour partir au teillage.

Les pailles du chanvre récolté sous forme de graines entrent en phase de rouissage plus tard et sont donc généralement pressées plus tard mais, avant la fin octobre afin de rentrer une matière la plus sèche possible.

En 2023, la Belgique comptait 7 ha de chanvre textile en test. La France en accueillait quant à elle 1000 ha.
En 2023, la Belgique comptait 7 ha de chanvre textile en test. La France en accueillait quant à elle 1000 ha. - D.J.

De la paille au tissu

En cultures de chanvre textile, le rendement en paille est estimé à 6,5 tonnes/ha avec 35 à 40 % de fibres longues et courtes et 50 % de chènevotte.

En effet, les pailles roulées passent en teillage et sont séparées en fibres longues (20 %), étoupe (15 %) et chènevotte (50 %).

L’étoupe correspond aux fibres courtes. Elle est cardée et ensuite filée dans une filature à sec. Elle donne un fil relativement épais qui est ensuite tissé.

Les fibres longues représentent la partie la plus noble obtenue au teillage. Elles sont classées selon leur qualité et peignées. Elles sont ensuite filées dans une filature au mouillé ou semi-mouillé. Les filatures au mouillé donnent un fil relativement fin qui est finalement tissé.

Les fibres longues donnent des tissus légers avec une qualité semblable à celle du lin. Néanmoins, leur couleur est plus rustique et le toucher est différent. La concurrence entre les deux tissus est donc faible. L’étoupe, de seconde qualité, est utilisée pour les tissus plus épais, de jean et d’ameublement.

 

Le textile de chanvre a une couleur un peu plus rustique et un toucher un peu différent de celui de lin. La concurrence entre les deux tissus est donc faible.
Le textile de chanvre a une couleur un peu plus rustique et un toucher un peu différent de celui de lin. La concurrence entre les deux tissus est donc faible. - D.J.

Prix et rentabilité

La rentabilité du chanvre varie en fonction des années et des débouchés. Ainsi, il y a peu, le prix des graines avoisinait 1.800 euros/tonne. Pour la paille, il n’existait pas de solutions en Wallonie mais l’implication d’une unité flamande a porté son prix à 175 euros/tonne.

En ce qui concerne les fibres longues, « Le prix a tendance à suivre celui du lin qui, bonne nouvelle, a augmenté du fait d’une demande plus importante et de récoltes moins bonnes. On est passé de 2,5 euros/kg à 5 à 7 euros/kg pour les fibres longues. La fibre courte est évidemment moins chère, à environ 1,10 euro/kg ».

« Il est important d’avoir des unités de teillage à proximité et des machines de récoltes adaptées disponibles, avec, pourquoi pas, l’organisation en groupement et la mutualisation des équipements. Ce sont ces points qui contribueront à la rentabilité de la culture et au développement de la filière », concluent les porteurs du projet.

Delphine Jaunard

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