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La biosécurité, une stratégie pour relever les défis en matière de santé animale

Normes, défis, menaces, mise en œuvre… Où en est la biosécurité en Europe ? Brûlante d’actualité, la question a été au cœur du symposium organisé début mars à Bruxelles par la Fédération européenne pour la Santé animale et la Sécurité sanitaire (Fesass) sous l’égide de la présidence belge.

Temps de lecture : 8 min

Pierre angulaire de toute stratégie de prévention, de lutte et de contrôle des maladies animales, la biosécurité est l’un des fondements de la Loi de santé animale européenne (LSA).

La biosécurité dans la législation européenne

La législation sur la santé animale fait partie d’un train de mesures proposé par la commission en mai 2013 visant à un meilleur respect des normes de santé et de sécurité applicables à l’ensemble de la filière agroalimentaire.

Outil indispensable pour protéger les troupeaux, la biosécurité doit être « adaptée  à chaque élevage et adoptée par tous les éleveurs » a insisté le président  de la Fesass, Didier Delmotte (au centre).
Outil indispensable pour protéger les troupeaux, la biosécurité doit être « adaptée à chaque élevage et adoptée par tous les éleveurs » a insisté le président de la Fesass, Didier Delmotte (au centre). - M-F V

Au sens de cette législation-cadre européenne, le règlement 2016/429 relatif aux maladies animales transmissibles définit la biosécurité comme l’ensemble des mesures de gestion destinées à réduire le risque d’introduction, de développement et de propagation de maladies vers ou à l’intérieur d’une population animale, un site, une zone, ou un moyen de transport.

Cette législation soutient le secteur de l’élevage européen dans son objectif de compétitivité, mais aussi d’un marché sûr et fluide des animaux et de leurs produits dans l’UE.

Un enjeu européen de taille

On se souviendra que la Belgique a fait de la santé animale l’une des priorités de sa présidence en ce qui concerne l’agriculture.

En janvier, le ministre David Clarinval soulignait d’ailleurs qu’il fallait travailler à favoriser les mesures préventives telles que la biosécurité et la vaccination dans la production animale.

Sur le terrain, la biosécurité est un outil indispensable pour protéger les élevages. Si la marge de progression est toutefois encore importante dans l’UE, il faut qu’elle soit « adaptée à chaque élevage et adoptée par tous les éleveurs » a insisté le président de la Fesass, Didier Delmotte, lors de son allocution.

Pour y arriver, vaste tâche s’il en est, il est utile de rappeler les menaces qui pèsent actuellement sur les élevages européens avant de se pencher sur la manière dont la biosécurité peut aider à les en éloigner.

Ces maladies qui frappent l’Europe

Cheffe adjointe de l’unité « Santé animale » de la DG Santé à la commission, Barbara Logar, a brossé un panorama des différents types de maladies auxquelles l’Europe a été confrontée au cours de ces dernières années.

Ce sont, tout d’abord, les maladies de catégorie A normalement absentes de l’UE et soumises à éradication immédiate, telles que la grippe aviaire hautement pathogène, la peste porcine africaine, la variole ovine et caprine, la dermatose nodulaire contagieuse.

Les maladies de catégories B et C doivent respectivement être contrôlées par tous les États membres et soumises à éradication obligatoire et à leur contrôle volontaire avec une éradication facultative. On parle ici de brucellose (B), tuberculose, rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), diarrhée virale bovine (BVD), ou encore de la maladie d’Aujeszky, ces dernières étant de type C.

Enfin, l’Europe est confronté à l’irruption de maladies à transmission vectorielle qui touchent certains États membres depuis plusieurs années, par exemple la fièvre catarrhale ovine (FCO) ou la maladie hémorragique épizootique (MHE).   

Grippe aviaire et peste porcine africaine

Parmi toutes ces épizooties, certaines ont marqué le secteur européen de l’élevage au fer rouge. C’est le cas de la grippe aviaire hautement pathogène qui a occupé le devant de la scène entre 2020 et 2023. Propagée en Europe par des oiseaux migrateurs, elle a malheureusement touché de nombreuses zones à forte densité avicole.

L’impact est moindre en 2024, et c’est une embellie que la représentante de la commission attribue aux mesures de biosécurité adoptées par les États membres.

Le secteur de l’élevage porcin a, quant à lui, payé un lourd tribut à la peste porcine africaine, laquelle a été enregistrée pour la première fois en 2014 dans l’UE en provenance de l’est.

Mme Logar a souligné l’efficacité de la Belgique qui a réussi à éradiquer la maladie sur son territoire grâce à une bonne collaboration entre les différents acteurs et des normes de biosécurité strictes dans les élevages porcins. C’est ainsi que notre pays a pu retrouver, le 21 décembre 2020, son statut indemne chez tous les suidés (porcs domestiques, sangliers sauvages et en captivité).

Retour de la clavelée en Espagne fin 2022

Il n’y a pas de répit sur le front sanitaire en Europe. D’autres maladies ont fait irruption sur notre continent au cours de ces dernières années.

moutons

Ainsi, alors que la maladie était considérée comme éradiquée depuis 1968, l’Espagne (en Andalousie et dans la région de Castille-la-Manche) a rencontré en 2022 un épisode de clavelée dont l’origine de l’émergence reste inconnue. Il s’agissait de la première déclaration de la maladie dans l’UE et en Europe géographique (hors Turquie) depuis 2018.

Les autorités sanitaires andalouses ont immédiatement adopté les mesures de contrôle prévues dans le règlement délégué 2020/687 de la commission : zonage de 3 et 10km, dépeuplement des élevages foyers sur place, élimination des cadavres par équarrissage, élimination des litières, fumiers et aliments présents, investigation des liens épidémiologiques. Il aura fallu un an pour éradiquer la maladie dans la péninsule ibérique.

En 2023, quelques foyers de clavelée ont été signalés en Grèce (sur l’île de Lesbos et en Phthiotide) et en Bulgarie où la situation est redevenue normale en décembre dernier. Quant à la Grèce, elle n’a plus enregistré le moindre foyer depuis le 24 janvier de cette année.

La stratégie vaccinale au secours des troupeaux

La vaccination a permis de circonscrire des maladies. La dermatose nodulaire contagieuse fait partie de celles-ci.

Cette maladie virale enzootique qui sévit en Afrique sub-saharienne a été détectée pour la première fois en Turquie en novembre 2013. Elle s’est ensuite étendue à l’Europe, tout d’abord à la partie européenne de la Turquie en mai 2015, puis dans les Balkans en 2016.

En 2016, la mise en œuvre par l’UE d’une stratégie vaccinale a eu un effet protecteur pour les pays qui ont bénéficié d’une forte couverture et a permis d’arrêter la progression vers d’autres.

Aujourd’hui, seules la Bulgarie et la Grèce continuent à vacciner leurs troupeaux.

Qu’en est-il des maladies résiduelles ?

L’Europe est sur le point de se débarrasser de la tuberculose et de la brucellose. Seuls quelques territoires en son sein mettent encore aujourd’hui en œuvre des programmes d’éradication.

Pour certaines maladies de catégorie C, l’éradication est optionnelle. Certains pays bénéficient déjà d’un statut indemne de rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) et de diarrhée virale bovine (BVD). C’est le cas de l’Allemagne, du Danemark, de la Finlande, de la Suède et de l’Autriche pour ces deux maladies.

La fièvre catarrhale ovine est quant à elle beaucoup plus difficile à maîtriser, notamment en matière de biosécurité. De bons vaccins existent néanmoins pour la majorité des sérotypes, ce qui rend l’éradication de la maladie possible. De nombreux États membres sont d’ailleurs indemnes de cette maladie.

Préservation d’un statut zoosanitaire élevé dans l’UE

La lutte contre les maladies est multifactorielle. Elle dépend de leur type (virale, bactérienne) ou leur transmission (vectorielle, contact, aérosol, fomite…) tandis que l’on peut aussi questionner les comportements des opérateurs ou encore les éventuels contacts avec la faune sauvage.

Quant au niveau de biosécurité, il sera déterminé, lui aussi, par une série de facteurs tels que la taille et la structure de l’exploitation, le type d’élevage, sa densité ou encore le climat, pour ne citer que quelques éléments.

Préserver un statut zoosanitaire élevé en Europe passe par une garantie de la biosécurité au niveau de l’exploitation en elle-même mais aussi des produits germinaux (semences, embryons, ovules) et le transport des animaux et des personnes aux frontières.

Bref, pour Barbara Logar, la biosécurité procède de la sensibilisation et de la responsabilisation de tous.   

 

Mise en œuvre de la biosécurité, mais encore ?

S’il est aisé d’évoquer et d’encourager la biosécurité, la mettre concrètement en œuvre peut s’avérer parfois plus complexe que prévu.

Acheter des produits adéquats, nettoyer scrupuleusement son exploitation, restreindre ou empêcher l’accès des bâtiments à des personnes non autorisées sont en effet des mesures peu onéreuses et faciles à appliquer, la biosécurité peut aussi mobiliser des fonds conséquents.

C’est le cas quand il s’agit de construire de nouvelles infrastructures ou de former du personnel et des exploitants pour leur permettre d’acquérir les compétences plus élevées en la matière.   

 

Le concept « One Health »

Définie comme un travail de stratégie, d’efforts et de planification visant à protéger la santé humaine, animale et environnementale contre les agents pathogènes, la biosécurité s’inscrit dans le concept « One Health » (une seule santé) et repose sur l’importance d’une collaboration multidisciplinaire coordonnée au niveau local, national et international, afin d’atteindre un niveau de santé optimal pour l’homme, l’animal et notre environnement.

C’est justement cette imbrication évidente des différentes santés qui démontre tout l’intérêt des efforts de prévention mis en œuvre notamment vis-à-vis des zoonoses, des travaux autour de la biosécurité ou encore des stratégies de diminution de l’utilisation des antibiotiques ou des antiparasitaires.

Autant d’orientations déjà appliquées par des agriculteurs dans leurs exploitations. Nous y reviendrons dans une prochaine édition.

Marie-France Vienne

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