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Désherbage du maïs (1/3): adaptation et précaution rythment la stratégie en l’absence de nouveauté

Depuis la saison dernière, de nouvelles contraintes pèsent sur les herbicides utilisés en maïs et compliquent le travail des agriculteurs… Tenant compte de celles-ci, le Cipf expose ses recommandations pour un désherbage réussi, en pré ou en postémergence, face aux dicotylées annuelles et autres graminées estivales.

Temps de lecture : 12 min

Les précipitations tombées depuis le mois de novembre ont rendu de nombreuses terres inaccessibles en hiver, ce qui a fortement perturbé l’implantation des cultures de céréales. De nombreuses parcelles d betteraves et pommes de terre récoltées dans de très mauvaises conditions n’ont pu être emblavées en automne. Une partie de ces surfaces sera vraisemblablement consacrée à de la culture de maïs. Alors que les semis tardent à démarrer, les conseils et recommandations du Centre indépendant de promotion fourragère (Cipf) en matière de désherbage (produits disponibles et schémas préconisés) permettront d’assurer la maîtrise des adventices une fois le moment venu.

Il faut à tout prix éviter l’installation des daturas dans les parcelles. En culture, on prendra soin de les arracher manuellement, en portant des gants, et de les sortir de la parcelle.
Il faut à tout prix éviter l’installation des daturas dans les parcelles. En culture, on prendra soin de les arracher manuellement, en portant des gants, et de les sortir de la parcelle. - J.V.

Plusieurs retraits du côté des matières actives

Outre le retrait des autorisations des produits à base de S-métolachlore (lire par ailleurs), plusieurs autres points sont à épingler du côté de la liste des produits phytosanitaires disponibles.

  Nouvelles conditions pour Callisto, Lumica 100 et Meristo

La dose maximale d’homologation de ces trois produits à base de 100 g/l de mésotrione a été réduite depuis le mois de décembre dernier. Ils ne peuvent donc être utilisés qu’à une dose maximale de 0,6 l/ha. L’agréation ne concerne plus que la lutte contre dicotylées annuelles. Par contre, le contrôle des panics pied-de-coq n’est plus envisageable à cette dose. Sur base des essais réalisés depuis plus de 20 ans sur des flores dicotylées, une dose de 0,75 l est nécessaire pour permettre un contrôle satisfaisant et assurer une rémanence de 3 à 4 semaines nécessaire avant la fermeture des lignes.

À la dose de 0,6 l, l’efficacité et la rémanence de ces produits étant fortement amputées, leur utilisation n’est pas recommandée. Une alternative à cette contrainte est d’utiliser les formulations Callisto 100 SC ou Lumica 100 SC, composées également de 100 g de mésotrione mais qui peuvent encore être appliquées à une dose maximale de 1,5 l/ha. Des jets antidérives à 90 % sont toutefois obligatoires pour leur utilisation.

  Retrait des autorisations de Zeus et Dractar

Ces deux produits, constitués de 300 g/l de sulcotrione, ne seront plus utilisables à partir du 14 décembre prochain. Passé cette date, il ne subsistera plus que le Sulcogan (sulcotrione 300 g/l) qui peut encore être appliqué jusqu’à 1,5 l/ha.

En culture de maïs, la sulcotrione présente un intérêt indirect dans le cadre de la lutte contre les chiendents. En effet, pour obtenir un contrôle satisfaisant de cette graminée vivace, les antigraminées « nicosulfuron ou foramsulfuron » doivent être appliqués à des doses plus élevées qui, selon le partenaire associé, peuvent provoquer des symptômes de phytotoxicité au niveau de la culture principale. La sulcotrione, une des tricétones les plus sélectives vis-à-vis du maïs, permet de réduire ces risques.

  Limitation pour l’application de la terbuthylazine

Depuis le 21 mai 2021, un nouveau règlement d’exécution de la Commission européenne concernant les conditions d’approbation de la substance active « terbuthylazine » a été voté afin d’éviter la contamination des eaux souterraines

Faisant suite à cette décision, le Comité d’agréation avait revu les autorisations de l’ensemble des produits à base de terbuthylazine pour en limiter l’usage à une seule application tous les trois ans sur une même parcelle et à une dose maximale de 750 g/ha à partir de 2022, avec effet rétroactif. Les utilisateurs doivent tenir compte des applications effectuées les années précédentes sur une même parcelle.

Cette restriction s’appliquant depuis 2022, cela signifie que les agriculteurs qui ont utilisé un produit à base de terbuthylazine sur une parcelle en 2022 et 2023 ne pourront pas appliquer cette matière active en 2024.

Sont concernés par cette modification les produits suivants : Akris, Andes, Aspect T, Promess, Calaris, Callistar, Click Pro, Click Premium, Deluge Extra, Gardo Gold, Gardoprim et Primagram Gold.

Réussir le désherbage de préémergence

Les produits racinaires agissent principalement sur les graines en germination par absorption par le coléoptile (gaine protectrice des cotylédons) ou les racines séminales. Ils doivent être appliqués avant la levée des adventices, bien répartis sur le sol, en l’absence de grosses mottes et de semences de maïs en surface. L’efficacité d’un herbicide de préémergence est dépendante de trois paramètres : la présence d’eau dans les premiers centimètres du sol, la teneur en argile et la teneur en matière organique.

L’humidité du sol est le facteur essentiel. En effet, seule la partie qui est dissoute dans la solution du sol sera efficace vis-à-vis des adventices. On notera toutefois des différences de solubilité dans l’eau entre substances actives. À titre d’exemple, l’efficacité du diméthénamid P (1.499 mg/l à 20°C) très soluble dans l’eau sera moins affectée en conditions plus sèches que la pendiméthaline qui est nettement moins soluble (0,33 mg/l à 20°C). Dans les mêmes conditions, le S-metolachlore et la pethoxamide se situent respectivement à 480 mg/l et 400 mg/l.

Les teneurs en argile et matière organique influencent également le contrôle des adventices. Des taux élevés bloquent les substances actives qui ne seront plus disponibles pour assurer la destruction des mauvaises herbes.

La réussite d’un traitement de préémergence est fortement tributaire de la qualité de préparation de sol et des conditions d’humidité au moment de l’application. Privilégier les interventions dans les 48 heures après le semis permet souvent de bénéficier de l’humidité en surface du sol et de favoriser la bonne régularité du film herbicide formé.

La pluviométrie post-application est également importante. En effet, pour obtenir une efficacité optimale des produits racinaire, 1 à 15 mm de pluies sont nécessaires dans les dix jours.

Avec quels herbicides ?

En présence de terbuthylazine, lorsque ces conditions favorables sont réunies, il est possible de composer des associations permettant d’éliminer l’ensemble des annuelles classiques. Par contre, les vivaces (liserons, rumex, chardons, chiendents…) imposent une intervention en postémergence. Un traitement Aspect T 2,0 l + Stomp Aqua 2,0 l peut s’avérer complet si les conditions d’applications sont optimales.

Certaines substances actives (flufénacet, isoxaflutole, pendiméthaline) utilisées en préémergence ont une sélectivité de position. Elles ne peuvent entrer en contact avec la graine de maïs en germination (profondeur de semis 3 à 5 cm nécessaire). L’application sur un sol sec avant une pluie abondante n’est donc pas sans risque, surtout s’il s’agit d’un sol léger.

Sans terbuthylazine, l’Adengo TCMax permet de sécuriser le contrôle des adventices plus difficiles. En effet, les associations Adengo 0,25 l + Camix 1,25 l ou Adengo 0,25 l + Stomp Aqua 1,5 l présentent toutes deux un spectre quasi complet, la renouée liseron étant la seule faiblesse de ces combinaisons. Attention toutefois à bien nettoyer le pulvérisateur si ces traitements maïs s’intercalent entre des pulvérisations de parcelles de betteraves !

La réussite est toutefois liée à une bonne préparation du sol (terre suffisamment émiettée) et à une humidité suffisante au moment du traitement. Les traitements conseillés sont décrits dans le tableau 1. En fonction de la combinaison choisie, quelques adventices peuvent leur échapper.

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La « post », avec recours à la terbuthylazine

En présence de dicotylées annuelles, le schéma de base sera constitué d’une association d’une tricétone (mesotrione, sulcotrione ou tembotrione) combinée à la terbuthylazine et d’un radiculaire.

Si des graminées annuelles (vulpins, pâturins, ray-grass…) sont présentes, l’ajout de 0,4 à 0,5 l de Samson Extra 60 OD ou Monsoon Active 0,75 l permet de les détruire (tableau 2). Ces antigraminées apportent un complément d’efficacité nécessaire si on se trouve en présence de mercuriales de 4 feuilles et plus et que l’on utilise la mésotrione ou la sulcotrione.

En présence d’amarantes, le Callisto ou le Laudis ont une efficacité nettement supérieure à celle du Zeus (ou Sulcogan). La sulcotrione et la tembotrione sont un peu plus « douces » lorsque les plantes ont une croissance ralentie par un temps frais.

Dans les situations où l’on rencontre une flore de dicotylées annuelles ainsi que des panics et/ou sétaires, diverses associations sont possibles (tableau 2). Elles font intervenir, pour combattre ces graminées estivales, des matières actives telles que le nicosulfuron (Samson Extra 60 OD), le thiencarbazone + foramsulfuron (Monsoon Active) ou la tembotrione (Laudis). Dans ce contexte, le Laudis agit à la fois sur les dicotylées annuelles et les graminées estivales.

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La sulcotrione et la mésotrione sont notamment utiles contre les chénopodes et arroches moins bien contrôlés par tous les produits radiculaires (excepté la pendiméthaline). En cas d’utilisation de la sulcotrione ou de la mésotrione, les panics pied-de-coq et sétaires doivent être détruits par l’action de contact d’un nicosulfuron ou du Monsoon Active ou du Maïster Power TCMax. Leur action est assez lente mais généralement très efficace contre ces deux graminées. Vu leur faible rémanence, il faudra ajouter au traitement 2,0 l de Gardo Gold ou 1,6 l d’Aspect T ou 2,0 l d’Akris. Ceux-ci renforceront l’action par contact par leur apport en terbuthylazine tout en apportant une rémanence efficace contre les graminées annuelles.

Le stade optimum de traitement pour une bonne efficacité (destruction des adventices présentes et rémanence suffisante) se situe entre le stade 4è et 5è  feuille visible du maïs (post-précoce) lorsque le traitement inclut de la terbuthylazine. Les panics et sétaires les plus développés ont alors généralement atteint le stade 3 feuilles à début tallage.

Le Capreno TCMax est composé de tembotrione et renforcé par la thiencarbazone méthyl qui apporte un complément d’efficacité sur renouées des oiseaux et matricaires.

Lorsque le recours à la terbuthylazine n’est pas possible

Pour les agriculteurs qui souhaitent ou doivent traiter sans terbuthylazine, il faudra traiter plus tôt, de préférence au stade 3 à 4è  feuille visible du maïs, et être attentif à la flore observée sur la parcelle.

La présence de vulpin, pâturin, jouet du vent, mercuriale, renouée des oiseaux, renouée liseron et matricaire repiquée imposera bien souvent l’ajout d’un produit complémentaire (tableau 4) au schéma de base (tableau 3). Le pyridate (présent seul dans l’Onyx ou associé à la mésotrione dans le Botiga) renforce l’action de la mésotrione et de la sulcotrione (vitesse d’action et meilleure efficacité sur adventices moyennement sensibles telles que les véroniques).

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Il convient toutefois d’être vigilant vis-à-vis de certains mélanges. En effet, le Monsoon Active 0,75 l et le Maïster Power 0,75 l ne peuvent pas être associés à Laudis OD lorsque la dose appliquée est supérieure à 1,5 l (risque de phytotoxicité).

Eviter la présence de matricaires repiquées

La matricaire n’est difficile à éliminer que si elle a été repiquée par les travaux de sol (cas de non labour ou de labour reverdi). En postémergence, lorsque les matricaires ont moins de 10 cm, les associations classiquement utilisées (Laudis 1,75 l + Aspect T 1,75 l) les contrôlent parfaitement

En présence des matricaires repiquées (tableau 5), les meilleurs résultats sont obtenus avec l’ajout de 20 g de Peak aux mélanges classiques à base de Callisto 100SC. Le Peak (75 % de prosulfuron) peut être appliqué du stade 2 à 9 feuilles du maïs mais agit assez lentement. Il faudra donc être patient avant de voir ses effets.

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Sur digitaires : Laudis reste la seule solution !

Si les parcelles où on retrouve des digitaires restent nettement moins fréquentes que les parcelles avec sétaires et panics, les cas rencontrés sont de plus en plus courants et les régions concernées plus nombreuses d’année en année. Si le nord du pays est le plus concerné, on rencontre également la digitaire filiforme et occasionnellement la digitaire sanguine dans certaines parcelles dans l’ouest du Hainaut, au nord-est de Liège, en Brabant, surtout en sols légers et sols sablonneux de la région jurassique. Leur levée est plus tardive que celles des autres graminées.

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^P^A - J.V.

Le Laudis (tembotrione + isoxadifen éthyl) + un antigraminée rémanent (Aspect T , Akris ou Gardo Gold) reste la seule solution de référence contre les flores complexes de graminées estivales avec digitaires filiformes, digitaires sanguines, sétaires verticillées, sétaires vertes et panics pied-de-coq, du stade 1 feuille à début tallage, par contact. La garantie d’un contrôle satisfaisant des digitaires filiformes est un traitement très précoce, pas plus tard qu’au stade tout début tallage des digitaires (tableau 6).

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Quel traitement face aux panics dichotomes et panic schinzii ?

Ces graminées essentiellement localisées en régions sablonneuses du nord du pays et en Campine se retrouvent depuis quelques années dans quelques régions de Wallonie (Pays de Herve, Brabant wallon).

Le traitement Laudis 2,0 l à 2,25 l + Aspect T 2,0 l ou Akris 2,0 l a confirmé son excellente efficacité contre ces graminées. En préémergence, en conditions humides, leur destruction était complète en apportant comme radiculaire le Frontier Elite 1,4 l ou Akris 2,25 l. L’Adengo 0,33 l en préémergence et le Laudis 2,0 l + Frontier Elite 1,0 l au stade « 1 à 3 feuilles » des graminées assurent également un contrôle total des panics schinzii. En 2021, sur une parcelle fortement envahie de panics dichotomes, en absence de terbuthylazine, les meilleurs résultats ont été obtenus en un seul passage soit en préémergence avec Adengo 0,25 l + Frontier Elite 0,8 l ou soit en post précoce avec Laudis 2,25 l + Frontier Elite 0,75 l + Samson extra 60OD 0,3 l.

Enfin, il ressort que le succès d’un traitement de postémergence face à ces nouvelles graminées n’est garanti que par une pulvérisation en conditions d’humidité satisfaisante et à des stades très précoces des adventices (maximum au stade deux à trois feuilles étalées à talle 1 cm).

Passé ce stade, la destruction devient nettement plus problématique.

Le vulpin et le ray-grass résistants aux sulfonylurées, une nouvelle difficulté !

Dans quelques parcelles, le ray-grass et les vulpins résistants aux sulfonylurées, ont fait son apparition. L’importation de paille provenant du bassin parisien en est à l’origine, dans certaines situations, de l’extension du ray-grass.

Cette résistance est une capacité naturelle et héritable qu’ont certains individus issus d’une population déterminée de survivre à un traitement herbicide létal pour les autres individus de la population. Il existe deux formes de résistance, celle par mutation de cible qui empêche l’herbicide de se fixer sur celle-ci (mutation au niveau d’un acide aminé) et une autre par laquelle la plante développe des enzymes qui dégradent les molécules d’herbicides (détoxification).

Les premiers essais, réalisés en 2019 et 2020, avaient montré les limites des herbicides disponibles en maïs. En 2023, un nouvel essai a été installé à Orp-le-Petit sur une parcelle présentant une infestation moyenne de vulpins résistants (6/m²). Aucun traitement de préémergence n’a permis de limiter suffisamment leur développement. Par contre, en post précoce du maïs (vulpins au stade 1 à 3 feuilles), les associations comportant les matières actives flufénacet + terbuthylazine + foramsulfuron freinent fortement le développement de cette graminée et évitent la production de semences. Les meilleurs résultats étaient obtenus avec les associations suivantes : Callisto 0,7 l + Monsoon Active 0,9 l + Aspect T 1,75 l et Laudis 1,8 l + Monsoon Active 0,75 l + Onyx 0,75 l + Aspect T 1,75 l

Outre la lutte chimique, la rotation reste certainement la meilleure voie dans ces situations.

F. Renard, G. Foucart, J-P. Mazy et M. Mary

Centre pilote maïs, Cipf

UCL – Louvain-la-Neuve

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