Accueil Droit rural

Droit de préemption: toujours applicable? Je peux le céder?

Depuis des années, je suis preneur de plusieurs parcelles agricoles appartenant à une dame âgée qui est décédée il y a quelques mois. J’ai appris que ses enfants étaient en discussion pour la succession et que l’un d’entre eux lançait une procédure afin de la liquider. On me dit qu’il y a donc beaucoup de chance que les parcelles que je loue soient vendues. Ai-je, dans ce cas, un droit de préemption ? Comment se déroule la procédure vu la multiplicité des parcelles ? Puis-je céder mon droit de préemption à ma tante qui n’a rien à voir avec mon exploitation agricole ?

Temps de lecture : 5 min

En tant que preneur, vous jouissez en principe du droit de préemption. Celui-ci doit vous être offert en cas de vente du bien loué. Ce principe est inscrit dans l’article 47 de la Loi sur le bail à ferme. Néanmoins, le législateur a prévu plusieurs exceptions sur le droit de préemption. Deux de ces exceptions peuvent jouer dans votre cas : la vente à des membres de la famille du propriétaire-bailleur bénéficiaires aux yeux de la loi ou encore la vente d’une part indivise à un copropriétaire.

Deux exceptions

En vertu de l’article 52,2º, al.1 de la Loi sur le bail à ferme, le propriétaire d’un bien faisant l’objet d’un bail à ferme peut vendre le bien en toute liberté, c’est-à-dire sans devoir notifier le droit de préemption au preneur en cas de vente du bien au conjoint, aux descendants ou enfants adoptifs ou à ceux du conjoint du propriétaire ou d’un des copropriétaires ou aux conjoints desdits descendants ou enfants adoptifs, achetant pour leur propre compte et pour autant qu’il n’y ait pas revente avant deux ans. L’exception de l’article 52,2º est évidente : les membres de la famille susmentionnés sont proches du propriétaire et ne peuvent pas être traités comme s’il s’agissait de simples tiers.

L’article 52,4ºde la Loi sur le bail à ferme prévoit quant à lui que le preneur ne jouit pas du droit de préemption en cas de vente à un copropriétaire d’une quote-part dans la propriété du bien loué. Cette exception ne peut être invoquée que par les personnes devenues copropriétaires par héritage ou par testament ou qui étaient déjà copropriétaires au moment de la conclusion du bail à ferme ou qui ont acheté le bien en indivision pendant la durée du bail à ferme sans que le preneur ait usé de son droit de préemption.

Le droit de préemption en pratique

Lorsque plusieurs parcelles d’un seul propriétaire ont été louées au même agriculteur, le propriétaire peut choisir de vendre chaque parcelle séparément, voire toutes les parcelles ensemble (ou toute autre combinaison à la guise du propriétaire).

En cas de vente de gré à gré, le preneur ne peut demander la scission de la masse vendue, pour autant qu’il soit le preneur de toutes les parcelles vendues. Sinon, c’est la règle de l’article 50, alinéa 3 de la loi sur le bail à ferme qui s’applique : « Lorsque le bien loué ne constitue qu’une partie de la propriété mise en vente, le droit de préemption s’applique au bien loué, et le propriétaire est tenu de faire une offre distincte pour ce bien ».

En cas de vente publique, le propriétaire, de nouveau, a le libre choix de vendre le bien loué en lots séparés ou en masse. Toutefois, lorsque le bien loué est initialement vendu en lots, la formation de masse au cours de la vente n’est possible que moyennant l’accord du preneur. L’article 50, alinéa 2 de la loi sur le bail à ferme, dispose comme suit : « Si un bien loué ou un ensemble de biens objet d’un même bail est offert en vente publique par lots, toute masse totale ou partielle ne peut être présentée aux enchères que si sa composition a reçu l’agrément du preneur ; l’absence ou le silence de celui-ci vaut agrément. »

Cession du droit

Dans tous les cas, si vous n’êtes pas intéressé ou pas en mesure d’acquérir l’ensemble des biens loués, vous pouvez user de votre droit de préemption pour les parcelles qui vous intéressent, tout en cédant votre droit de préemption à un tiers pour les autres parcelles. L’article 48bis, alinéa 1er de la loi sur le bail à ferme stipule que le preneur peut céder son droit de préemption pour la totalité du bien, ou pour partie s’il l’exerce lui-même pour le surplus, à un ou plusieurs tiers aux conditions suivantes.

L’article 48 bis de la Loi sur le bail à ferme pourrait aussi être utilisé pour faire bénéficier du droit de préemption les membres de la famille ou apparentés qui ni tombent pas sous les conditions d’application de l’article 47 de la Loi sur le bail à ferme, comme par exemple les membres privilégiés de la famille qui ne participent pas à l’exploitation du bien loué. (N. RAEMDONCK et A. VANDEWIELE, L’aliénation du bien faisant l’objet du bail à ferme et le droit de préemption, dans G. BENOIT, R. GOTZEN et G. ROMMEL, Le bail à ferme, La Charte 2009, p.358) Vous pouvez donc céder votre droit de préemption à votre tante, même si elle n’a rien à voir avec votre exploitation agricole.

Notons encore que l’exercice du droit de préemption vous interdit de céder le bien lui-même ou son exploitation à des tiers pendant une période de 5 ans. En cas de cession du droit de préemption, l’interdiction dure 9 ans.

A lire aussi en Droit rural

La cession privilégiée en gelée…

Droit rural Qui veut bien se prêter à l’exercice de la comparaison entre l’ancienne version de la loi sur le bail à ferme et sa nouvelle version wallonne, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, fera le constat que, ci-et-là, apparaissent parfois de nouvelles dispositions légales, autrement appelées de nouveaux articles, souvent affublés d’un « bis » ou d’un « ter » : 2bis, 2ter, 57bis…
Voir plus d'articles