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A l’ISIa Huy: le biochar, une alternativeà portée de tous, pour tous?

L’Institut Supérieur Industriel agronomique de Huy (ISIa-HECh) et l’un de ses diplômés de la section Développement International, David Lefèbvre, s’intéressent de près au biochar. Les objectifs ? Accroître la fertilité des sols tropicaux, diminuer la consommation de bois de chauffage, lutter contre les feux de brousse, fixer du carbone dans les sols… Tant de solutions multifactorielles transférables en Europe et déjà exploitées en Allemagne notamment.

Temps de lecture : 5 min

Matériau riche en carbone, le biochar résulte de la pyrolyse – combustion à haute température (450 – 800 ºC) et sans apport d’oxygène – de matières organiques.

Rétention d’éléments nutritifs…

L’intérêt porté au biochar est récent, mais son utilisation en tant qu’amendement remonte à l’ère précolombienne en forêt amazonienne Brésilienne. En effet, des chercheurs ont découvert des terrains agricoles dotés d’une fertilité étonnamment supérieure aux terrains avoisinants. Ces sols, appelés « Terra Preta » (terre noire en portugais), chargés en matériau montrent des rendements jusqu’à 300 % supérieurs aux sols environnants.

Parmi ses caractéristiques, on retient surtout sa forte concentration en carbone et sa durée de vie dans les sols de plusieurs centaines d’années. Il constitue donc une solution réaliste à la séquestration du carbone. Son enfouissement est un processus dit « carbone négatif », car il augmente le pool de carbone stable dans les sols réduisant ainsi la concentration en dioxyde de carbone de l’atmosphère.

Quant à sa structure poreuse offrant une forte capacité d’absorption (propriété similaire au complexe argilo-humique), elle en fait un amendement limitant la lixiviation des nutriments des systèmes cultivés ; problème fréquemment rencontré sous les tropiques (intensité des précipitations, température, pH, méthodes culturales…), mais également sous nos latitudes.

Mais pas que…

Outre la rétention d’éléments nutritifs, il :

– présente un pH compris entre 7 et 10. Il est donc une alternative bon marché et accessible au chaulage ;

– augmente la capacité de rétention en eaux des sols, résultant en une meilleure résilience des écosystèmes agraires face aux périodes de sécheresse ;

– favorise le développement des micro-organismes et l’activité biologique des sols grâce à sa structure poreuse ;

– réduit les émissions de méthane et d’oxyde nitreux par les sols.

Il peut être produit à partir de plantes comme le miscanthus. Or, en Afrique, des milliers d’hectares de « brousse » sont chaque année brûlés puisque les graminées des savanes (similaires au miscanthus) ne présentent aucun intérêt pour la population. Mais si ces graminées devenaient un moyen plus aisé que le bois pour cuire les aliments… ?

Une cuisinière-biochar pour les « ruraux »

Le projet actuel consiste en la construction et la dissémination dans les populations rurales d’un four à biochar utilisant la chaleur produite durant le processus de pyrolyse pour la cuisson d’aliments.

Outre la cuisson des aliments et la production d’un amendement, la combustion complète des gaz nocifs, constituant en partie la fumée d’un feu de bois traditionnel serait un autre intérêt. Les populations utilisant encore du bois pour cuisiner par ce système vivraient dans une atmosphère plus saine, libre de fumées générant généralement des pathologies respiratoires et oculaires.

Quant au matériau produit, il pourrait, soit être incorporé aux sols agricoles – afin d’augmenter leur fertilité –, soit vendu et constituer une source de revenu stable, soit encore être stocké pour une combustion future, permettant aux utilisateurs une moindre consommation en biomasse (bois surtout).

Un premier prototype de cette cuisinière a été construit lors du stage de fin d’études de D. Lefèbvre en forêt amazonienne péruvienne. Après quelques tests et améliorations, ce prototype a fini par atteindre les objectifs de cuisson et de production sans dégagement de fumées.

De retour du Pérou, M. Lefbvre avec l’aide de M. Coutenier, professeur d’agronomie tropicale à l’ISIa Huy, travaille, en collaboration avec l’atelier mécanique de l’orientation Agro-Equipements de l’EPASC (école d’agriculture de Ciney), à la mise au point d’un second prototype expérimentale. Ce prototype servira de base pour des mesures précises de rendements, températures et type de biochars produits. De même qu’à identifier de nouvelles pistes en termes de coût de production, solidité… Le sujet intéresse la faculté d’agronomie de Gembloux qui a développé un projet de coopération au Burkina Faso dont l’objectif est de promouvoir et disperser l’usage de cuisinières biochar à des fins domestiques dans le but de réduire ces problèmes respiratoires et oculaires liés aux fumées d’un feu de bois traditionnel. Le biochar produit peut ensuite être utilisé, revendu ou amendé au sol.

Suite à ces actions, le responsable de projet est reparti au Pérou où il travaille aujourd’hui toujours sur le biochar, mais en production industrielle pour un projet de reforestation d’une université américaine (Wake Forest University NC). Le biochar va aider à la reforestation de zones de la forêt amazonienne détruites par les orpailleurs illégaux, véritable fléau là-bas.

D’autres pistes de projets sont en cours, notamment des essais de cuisinière dans la ferme semencière Mbeko-Shamba (Katanga, R.D.C.). Cette dernière désire vulgariser le four auprès des planteurs qu’elle encadre, ceci après avoir réalisé des essais scientifiques avec l’orientation Développement International de l’ISIa Huy. Des essais vont probablement être réalisés également avec R. Koechli (ferme Arc-en-Ciel, Wellin), très engagé dans la vulgarisation pour le matériau en Wallonie.

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