Y a-t-il de la place pour un forçage du chicon en terre?
La production du chicon est très dépendante de la qualité des racines. La qualité des racines est elle-même largement influencée par la réussite du semis.
Ces aspects de la production des racines ont été abordés régulièrement dans ces colonnes, voir aussi notre édition du 1er avril 2021.
Nous aborderons également quelques aspects de la saison de production des racines et leur influence sur le forçage en général.
Le point sur le forçage
La météo de l’année influence l’état des racines dans nos parcelles, en particulier suite à la minéralisation des matières organiques du sol. Quelles en seront les conséquences pratiques ?
Influence des conditions météo
Les conditions météo très pluvieuses de juin à août ont favorisé la minéralisation des matières organiques du sol. Ce n’est pas l’idéal pour la production des racines de chicon. Le poids par racine est très variable d’une parcelle à l’autre, mais est plutôt élevé.
Les teneurs en matières sèches sont faibles, ce n’est pas l’idéal non plus pour commencer la saison de forçage tôt.
Le chicon peut développer un enracinement profond et performant, le rendant peu sensible aux déficits hydriques. Mais si une semelle de labour ou de pseudo-labour bloque ce développement en profondeur dans une parcelle, la sensibilité à la sécheresse peut être un frein. Cette année, les parcelles inondées ont aussi une structure compactée qui a perturbé l’enracinement.
Aux différences sous-régionales liées aux hétérogénéités des précipitations s’ajoute une hétérogénéité entre parcelles suivant la structure du sol.
L’azote
Les précipitations un peu plus normales de septembre ont joué en faveur du maintien assez sain des collets. Mais c’est trop beau ! Les plus très abondantes de fin septembre et début octobre vont impliquer directement l’état sanitaire des racines peu avant l’arrachage. Les quantités de pluies ont été très hétérogènes dans les différentes sous-régions, en même d’un village à l’autre. La minéralisation tardive attendue dans les prochains jours pourrait favoriser les maladies bactériennes du collet (Pectobacterium carotovora entre autres). Il faudra donc bien vérifier l’état de maturité de chaque parcelle indépendamment du planning prévu initialement d’après les dates de semis.
Notons qu’il peut être intéressant de faire analyser, peu après la récolte des racines, le profil à 90 cm du sol pour vérifier que le reliquat après culture est inférieur à 30 U. C’est un bon contrôle a posteriori de la conduite de la culture et du pilotage de la fertilisation en fonction de la richesse du sol et du type de variété concernée (sensible, tolérant ou préférant en besoin azoté). Attendons-nous à des surprises cette année.
En pratique
Pour les premières parcelles semées sous voile ou sous plastique perforé, nous sommes proches de la maturité, à vérifier au cas par cas. Le poids des racines donne une première indication : nous espérons nous approcher de la fourchette de 130 à 170 grammes. La teneur en nitrates de la racine est une deuxième indication avec un maximum de 100 mg d’N nitrique par kg de matière sèche (MS) et une teneur en azote total entre 8 et 12 grammes /kg de MS. D’autres critères peuvent être choisis, comme le rapport pondéral feuilles/racines (
En théorie, les variétés les plus hâtives ont besoin de 20 semaines de culture, les variétés de mi-saison ont besoin de 24 semaines. Les variétés actuelles, plus productives, se rapprochent plus de ce deuxième type.
Vu les conditions de l’année, les racines de beaucoup de parcelles semées sans voile ni plastique ne seront pas mûres début novembre. À la récolte, après une cicatrisation des plaies de récolte 24 à 48h et un séjour d’une semaine au frigo, les racines devraient pouvoir entrer en forcerie. En cas d’absolue nécessité pour le calendrier de forçage, il reste la possibilité de récolter avant maturité et de laisser les racines séjourner 7 à 21 jours en frigo à température réglée entre 0 et 4ºC.
En cas de collets gras (pourritures d’origine bactérienne), la bonne mise en œuvre des mesures prophylactiques contre ces maladies du collet a tout son sens. Il s’agira notamment de diminuer quelque peu la température de forçage. Les dégâts sont beaucoup moins importants à 17ºC qu’à 20ºC et le sont encore beaucoup moins à 14ºC. Ce sera la recherche d’un compromis entre l’état sanitaire des racines et les besoins organisationnels de chauffage pour s’accorder au planning de production. Comme les premières productions d’automne demandent une température de 20ºC, nous commencerons par les parcelles aux racines les plus saines.
Garder une activité en hiver a du sens!
Finalement, les deux types de forçage ont encore leur place. Ce seront la taille de l’entreprise maraîchère et ses conséquences sur les économies d’échelle d’une part, et les types de débouchés locaux (vente directe, grossistes ou criées) qui seront les paramètres à étudier au cas par cas. D’une ferme à l’autre, ce sont les charges fixes qui détermineront le niveau de rentabilité potentielle de la culture. La question de la demande de la clientèle locale est la base de la réflexion.