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Un accès de lucidité, enfin?

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Ils sont revenus à Bruxelles le 26 février avec leurs creux, leurs failles, leurs élans généreux, leur force ouverte, leur connaissance de la vie subtile et souvent cruelle qu’ils commuent en paroles, nous obligeant à quitter le seuil de simple spectateur. La colère des agriculteurs se nourrit encore et toujours du feu de l’incompréhension envers une Europe qui semble s’être trop éloignée d’un secteur qu’elle ne protège plus assez.

En Pologne, des agriculteurs arboraient la semaine dernière des slogans évoquant « la mort des campagnes » ou proclamaient « le paquet climat, c’est la famine ». En République tchèque, les tracteurs défilent pour dénoncer le coût élevé de l’énergie, la bureaucratie et le Pacte Vert, cible majeure du courroux agricole. La commission a bien eu un soudain accès de lucidité, on en espère d’autres. Le gendarme bruxellois a ainsi promis d’encadrer strictement sa feuille de route vers la neutralité carbone en 2050 qui sera sagement présentée après les élections européennes et devra garantir la compétitivité des industriels, des conditions de concurrence équitables à l’international, ainsi que des emplois stables et pérennes.

Mais encore à la veille de l’ouverture du conseil des ministres européens de ce mois de février, la Fédération des jeunes agriculteurs dénonçait l’attitude de la commission qui ne propose que « des ajustements minimes dont certains ne concernent même pas notre région, rejette volontiers la patate chaude aux états membres ou aux régions, ou vient avec des engagements illisibles et sans agenda ». Pour la Fugea, « le coup d’arrêt à différentes mesures visant à protéger l’environnement est une solution de facilité qui ne répond, ni aux enjeux actuels, ni aux demandes répétées des agriculteurs. ». Il faudra que la commission aille (beaucoup) plus loin que ce qu’elle a déjà proposé (voir en pages intérieures). Car l’agriculture européenne, soumise à une réglementation plus tatillonne et restrictive que nulle part ailleurs dans le monde, se retrouve victime du zèle de l’Exécutif.

La commission de l’Agriculture du parlement européen n’est pas restée les bras croisés devant l’amplitude de la contestation. Elle a envoyé un courrier à la commission réclamant la réciprocité dans tous les accords commerciaux présents et futurs, des dérogations aux BCAE6, 7 et 8 jusqu’en 2027, une révision de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Sur ce dernier point, les eurodéputés demandent d’envisager un mécanisme de transmission de prix équitables tout au long de la chaîne de valeur pour améliorer la situation des agriculteurs tout en tenant compte des règles de concurrence. Enfin, ils ont appelé à lancer une évaluation du Pacte Vert et déterminer la nécessité de prévoir des exceptions, des périodes de transition ou des propositions alternatives afin de faciliter la mise en conformité des agriculteurs. Avec toutes les demandes qui ont déjà atterri sur son bureau, plus toutes celles qui viennent d’arriver à l’issue du conseil du 26 février, la commission a matière à travailler.

Marie-France Vienne

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