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Michel Broze donne une nouvelle vie au matériel équestre

Rencontrer Michel Broze, c’est s’assurer de parler avec un homme pleinement investi dans son métier. Passionné par le cuir, ce sellier-bourrelier fait des miracles dès qu’il s’agit de réparer ou d’adapter une selle, un bridon, ou tout autre type de matériel d’équitation. Des doigts de fée qui lui ont permis de se forger une belle réputation dans le milieu équestre. Au volant de sa camionnette floquée « MB », il n’hésite d’ailleurs pas à sillonner les routes belges et étrangères pour venir en aide aux cavaliers.

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Un regard et quelques gestes précis suffisent à Michel Broze pour savoir si une selle est adaptée ou non à un cheval. Après avoir vérifié le matériel, ce professionnel peut prodiguer ses précieux conseils au cavalier. Précieux, pourquoi ? Tout simplement parce que, comme beaucoup de mordus d’équitation le savent, avoir une selle non adéquate, c’est l’assurance d’avoir un cheval qui ne saura pas tout donner au travail. Il pourra notamment souffrir de douleurs dorsales qui limiteront grandement ses performances sportives, mais aussi son bien-être.

Si ce sellier-bourrelier sait de quoi il parle, c’est grâce à la solide expérience qu’il a acquise durant de nombreuses années. « J’ai commencé à travailler le cuir en 1976. Avant cela, j’allais chez un sellier au Grand-Duché du Luxembourg pour apprendre mon métier. Cela s’est déroulé suite à un concours de circonstances… Je suis allé dans un zoo alors que j’étais en vacances dans ce pays. La personne qui s’occupait des animaux était sellier. Il a vu que ce qu’il réalisait m’intéressait fortement, et lorsque j’ai eu 18 ans, je suis retourné chez lui pour me former. Puis un jour, j’ai cassé du matériel d’équitation, et j’ai décidé de le réparer. C’est comme ça que tout a commencé, et depuis, je ne me suis jamais arrêté», se souvient-il.

De la laine de mouton… et d’alpaga !

Dès lors, aujourd’hui, ce Blegnytois est un des rares selliers-bourreliers encore présents en Belgique. Et attention à ne pas le confondre avec un sellier-harnacheur dont le travail consiste à s’occuper principalement des colliers et des harnais pour les chevaux attelés. Ici, ce sont les équidés montés et l’ensemble de leur matériel qui sont concernés. «Ce sont vraiment des professions différentes. Un bourrelier pour les chevaux de trait ne travaillera pas de la même manière que moi. Il va faire des gros trous, par exemple. Du moment que ça tient, c’est le principal. Les cuirs sont épais. De mon côté, je dois travailler de manière beaucoup plus fine… ».

Au sein de son atelier, on trouve donc des bridons, des selles en passant par les licols, etc. Bref : toute la sellerie du parfait cavalier peut passer entre ses mains. Un travail d’orfèvre durant lequel il faut être certain de ne pas se tromper puisqu’il travaille sur de l’équipement assez onéreux. En effet, si comme dans tous les sports, il existe des produits plutôt «bon marché », si l’on souhaite une certaine qualité, sachez que pour s’acheter une bonne selle, il faudra débourser entre 3.000 et 4.000 euros. Bref, de la maroquinerie de luxe version équine.

Et lorsque l’on voit toute la kyrielle d’outils utilisée par le professionnel, on comprend vite qu’ici, tout est fait de façon artisanale, principalement à la main. Par ailleurs, pour le rembourrage, il utilise de la laine de mouton ou plus originale, de l’alpaga. Une technique qui lui permet de donner un second souffle aux cuirs. « Et il m’arrive aussi de refaire des pièces comme un quartier de selle usé ».

De la laine de mouton, mais aussi d'alpaga peut être utilisée pour rembourre

Un passé de jockey

Son travail, Michel Broze l’exerce chez lui, en qualité d’indépendant complémentaire. En effet, s’il est aujourd’hui pensionné, avant sa retraite, il occupait d’autres fonctions pour différentes sociétés. Citons notamment les pneus Continental ou encore une entreprise active dans la maroquinerie industrielle. « Mais même quand j’avais une activité principale à côté, lorsque ma journée était terminée, je revenais travailler dans mon atelier ». Son atelier justement, ce sellier-bourrelier l’a décoré avec plusieurs photos et trophées d’équitation. Plus qu’un professionnel du cuir, Michel Broze a toujours baigné dans ce monde. Un univers qui a réussi à le séduire alors qu’il était adolescent. « En face de chez moi, il y avait des chevaux. J’allais avec leurs propriétaires aux courses. Puis, de fil en aiguille, j’ai commencé à monter à cheval. J’ai fait un peu de tout. De la monte classique, du western, et même jockey avec des galopeurs ».

Grâce à son travail, il a la chance de pouvoir perpétuer cette passion en se rendant dans des centres équestres situés aux quatre coins du pays. « Je vais même parfois à l’étranger, comme en France ou au Grand-Duché du Luxembourg. Me déplacer me permet de voir comment se place la selle directement sur le cheval. Mais c’est très rare les bourreliers qui vont sur place, comme moi. Grâce au bouche-à-oreille, les gens le savent et me contactent ».

Un monde en perpétuelle évolution

Ce rapport au terrain lui permet de garder ses connaissances à jour. En effet, le monde équestre évolue. Les tendances d’aujourd’hui ne seront peut-être pas celles de demain. « Si on ne suit pas tous ces changement, on devient vite obsolète. Par exemple, si je ne savais pas qu’on mettait de la mousse dans certaines selles au lieu de la laine, j’aurais été totalement dépassé. Les coussins ne sont pas du tout pareils. Il y a de plus en plus de recherche et de développement dans ce domaine ».

Il lui arrive également de réaliser des pièces, comme des montants de licols

Outre les équipements, la morphologie des chevaux a aussi changé. « Quand j’ai commencé à monter, nous prenions les animaux directement dans la prairie. Il s’agissait d’équidés qui travaillaient durant la semaine. Les races étaient plus ou moins les mêmes. Pour augmenter leurs performances sportives, ils ont fait l’objet de différents croisements. Les chevaux sont donc tous différents à présent. C’est même parfois très compliqué d’adapter correctement la selle au cheval, pour qu’elle se mette correctement sur son dos ».

Malgré ces différentes évolutions, et le nombre important de cavaliers, la profession de sellier-bourrelier est en voie de disparition. « Je veux bien parier que nous ne sommes pas dix en Belgique… Le problème aussi est de plus en plus de magasins où l’on trouve du matériel pour les chevaux. Des produits peu chers… Certaines personnes préfèrent donc jeter que réparer…», déplore-t-il.

Cependant, celles et ceux qui désirent se lancer dans la profession peuvent suivre des formations, telles que celle proposée à l’école de maréchalerie logée au cœur de l’Hippodrome de Ghlin, près de Mons. Mais selon lui, l’idéal est d’apprendre le métier au contact d’un autre bourrelier. « Ma porte est grande ouverte ! Par contre, si quelqu’un passe par mon atelier et me demande si on gagne bien sa vie, je ne veux pas qu’il rentre. Cependant, s’il est passionné, et qu’il a vraiment envie de se lancer, je suis prêt à le former », sourit-il. Alors qui sera partant pour reprendre le flambeau, et donner ses lettres de noblesse à ce beau métier ?

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