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Vacciner ou l’art de prévenir tôt plutôt que guérir tard

Vacciner n’est pas aussi anodin qu’il n’y paraît. Cet acte doit, en effet, être réfléchi en tenant compte de divers paramètres, tels que les pathogènes ciblés, l’âge du cheptel, l’état de santé des animaux… Il doit également s’envisager lorsque le troupeau semble sain mais pourrait être menacé par un pathogène émergent ou réémergent, ou en cas de risques liés à l’achat d’un animal.

Temps de lecture : 6 min

La vaccination fait souvent parler d’elle, à tort ou à raison. Nombreux sont les éleveurs d’ovins et de caprins se questionnant sur le bien-fondé de l’application d’une telle mesure prophylactique dans leur troupeau compte tenu du coût qu’elle représente, du travail à déployer et de sa réelle plus-value sanitaire. Des questions qui méritent d’être posées car vacciner n’est pas la solution miracle à tout trouble rencontré.

Une discussion franche sur le rapport coûts-bénéfices doit être menée avec son conseiller en élevage, à moins que la vaccination, et c’est parfois le cas, ne revête un caractère obligatoire…

Qui et contre quoi ?

La gamme des vaccins disponibles sur le marché pharmaceutique vétérinaire belge à destination des ovins et caprins est relativement limitée. Les formulations accessibles ciblent des pathologies d’origine bactérienne et/ou virale atteignant les systèmes digestif, reproducteur, locomoteur et mammaire pour la toute grande majorité d’entre elles. Il va sans dire que cette liste pourrait être complétée par des solutions vaccinales disponibles dans d’autres pays européens et disponibles via le système de la cascade.

Une enquête menée en 2021 par l’Arsia au sujet de la vaccination des ovins et caprins sur le territoire wallon montrait que les principales pathologies visées étaient, par ordre décroissant d’importance : l’entérotoxémie, le piétin, la fièvre Q et la fièvre catarrhale ovine. Les autres maladies étant visées de manière plutôt confidentielle (figure 1).

Figure 1: principales pathologies visées par une vaccination dans le secteur ovins-caprins (enquête menée par l’Arsia en 2021; nombre de répondants: 86).
Figure 1: principales pathologies visées par une vaccination dans le secteur ovins-caprins (enquête menée par l’Arsia en 2021; nombre de répondants: 86).

À la question « qui vacciner ? », une réponse simple et exclusive ne peut être apportée dans le cadre d’une primovaccination, c’est-à-dire dans la démarche initiale de mise en application du vaccin dans son troupeau. Il faut aiguiller impérativement sa prise de décision en apportant des réponses aux quatre questions suivantes :

– dispose-t-on d’un diagnostic clairement établi ? ;

– a-t-on identifié précisément le ou les agent(s) pathogène(s) responsable(s) ? ;

– quelle(s) est/sont la/les catégorie(s) d’âge concernée(s) ? ;

– à partir de quel âge les premiers signes de la maladie apparaissent-ils ?

Le schéma de vaccination pourra se construire précisément sur base de ces réponses, tout en tenant compte des recommandations établies par la firme pharmaceutique produisant le vaccin concerné.

Vacciner, même sans souci particulier ?

« Et si je ne rencontre aucun souci sanitaire particulier, je vaccine ou non ? », entend-on parfois. On peut répondre de manière plus catégorique à cette question : non ! Imaginer qu’un élevage peut n’héberger aucun agent pathogène est surréaliste, certes. Mais lorsqu’aucun tableau clinique n’est décelé dans le troupeau et/ou que les paramètres zootechniques sont maîtrisés (fertilité, fécondité, prolificité, gain moyen quotidien…), il n’y a pas de péril en la demeure. L’immunité du troupeau est solide et la gestion de la régie est optimale. Vacciner n’est donc pas une mesure prioritaire.

La vaccination n’est pas une solution à tous les problèmes rencontrés. Elle doit s’accompagner d’une réflexion quant à l’environnement de vie des animaux au sens large.
La vaccination n’est pas une solution à tous les problèmes rencontrés. Elle doit s’accompagner d’une réflexion quant à l’environnement de vie des animaux au sens large. - J.V.

Par contre, aucun éleveur n’est à l’abri de connaître un jour ou l’autre un point de fracture de la balance immunitaire de son cheptel. Pensez à l’émergence de pathogènes comme le virus responsable de la fièvre catarrhale ovine ou au risque sanitaire lié à l’achat d’un animal…

Dès lors, deux conditions devraient inciter à une vaccination volontaire du troupeau en l’absence même de tout tableau clinique et/ou désordre zootechnique. Premièrement, citons la notification par les autorités et un conseiller de la circulation d’un agent pathogène émergent ou réémergent contre lequel les moyens de lutte sont, par définition, limités. Deuxièmement, épinglons le fait que les introductions d’animaux sont nombreuses, fréquentes et issues de troupeau(x) au(x) statut(s) sanitaire(s) incertain(s).

Concernant la seconde condition, autant dire qu’elle est quasi systématiquement d’application. Rappelons que les exigences sanitaires en termes d’échange d’ovins et de caprins sont limitées et que la dynamique de dépistage des maladies à l’achat doit encore faire son chemin.

De bonnes pratiques souvent mises à mal

L’échec vaccinal est malheureusement une réalité rencontrée dans certains troupeaux. Lorsque du temps et de l’argent ont été investis par l’éleveur, c’est une situation difficile à admettre et à supporter. Cet échec est très fréquemment lié à un « couac » dans la procédure de vaccination. À toutes fins utiles, quelques petits rappels :

– sauf indication contraire, un vaccin se conserve à température de frigo ;

– seul un individu en bonne santé peut faire l’objet d’une vaccination ;

– une première vaccination est généralement composée de deux injections (primo et rappel) séparée de trois à quatre semaines.

Ces règles, vous les connaissez. Vous les avez entendues de la bouche du pédiatre ou du médecin de la consultation de l’One lorsque votre bambin était en âge d’être vacciné. Peu importe l’espèce, les bonnes pratiques sont les mêmes !

Au-delà de ces trois éléments somme toute basiques, en voici un autre qui peut compromettre le bénéfice attendu de la vaccination : ne pas calibrer son protocole de primo-vaccination (voire de rappel) par rapport à la fenêtre à risque. Quelques explications s’imposent…

Le vaccin ne protège pas tout de suite

Dans un protocole de primovaccination, deux doses de vaccin vont être administrées à l’animal avec un écart de trois à quatre semaines. Comme l’illustre la figure 2, la production d’anticorps faisant suite à la première injection est limitée et fugace. C’est en réalité la seconde injection qui génère une réponse immunitaire durable. En outre, on estime qu’un délai de 15 à 20 jours est nécessaire pour que le système immunitaire de l’animal produise des anticorps après vaccination. La protection n’est donc pas immédiate.

Figure 2: dynamique de production des anticorps suite à l’administration des deux doses vaccinales d’un protocole de primovaccination.
Figure 2: dynamique de production des anticorps suite à l’administration des deux doses vaccinales d’un protocole de primovaccination.

Dans le cadre d’un rappel de vaccination, une seule injection (annuelle, généralement) est suffisante pour « réactiver » durablement la réponse immunitaire de l’organisme.

La connaissance de ces informations est fondamentale pour calibrer de manière optimale le protocole de vaccination par rapport à la fenêtre de risque.

À titre d’exemple, une vaccination contre l’agent responsable de la fièvre Q, pathologie sexuellement transmissible et responsable d’avortement, dans un troupeau caprin doit s’envisager

– avant la période des saillies (= période à risque) ;

– en tenant compte que le protocole complet de primovaccination (deux doses espacées de 3 semaines) doit être finalisé 3 semaines avant la période des saillies (= temps nécessaire à disposer d’une réponse immune durable) ;

– en tenant compte que la vaccination de rappel (une dose) doit être effectuée 3 semaines avant la période des saillies.

De manière générale, les schémas de vaccination sont repris dans le tableau 1, selon les pathologies ciblées.

12-schéma de vaccination-web

Un levier d’action, parmi d’autres !

Penser que la vaccination viendra à bout de tous les maux rencontrés est un leurre. C’est un levier d’action parmi d’autres qui ne peuvent en aucun cas être négligé. Ainsi, la prise en charge d’un ou plusieurs troubles sanitaires doit être réfléchie à hauteur des animaux comme de leur environnement de vie au sens large (bâtiment, litière, conduite, alimentation…). Pensez-vous régler d’un seul coup de seringue une maladie respiratoire lorsque la bergerie est une véritable passoire et que les loges sont surchargées ? Restons logiques et pragmatiques !

François Claine

Arsia asbl

francois.claine@arsia.be

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