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La stratégie recommandée par le Livre Blanc pour la protection fongicide des escourgeons

La volatilité des prix ne facilite pas les prises de décision en ce qui concerne la protection fongicide de l’escourgeon. Il n’est en outre pas coté sur Euronext, ce qui complique l’estimation du prix avant la récolte.

Temps de lecture : 8 min

Trois leviers agronomiques sont à actionner avant d’envisager la lutte à l’aide de produits chimiques.

  Privilégier les variétés les plus résistantes

Il est certain que l’agriculteur a toujours intérêt à privilégier les variétés les mieux classées pour la résistance aux maladies, moyen le plus simple pour augmenter ses chances de pouvoir se passer du traitement fongicide de montaison. De plus, en cas de longue période de pluie, c’est-à-dire de longue période d’impossibilité d’application du fongicide, les variétés les plus sensibles seront plus affectées par les maladies que les variétés résistantes.

  Semer à une densité peu élevée

En général, les semis d’escourgeon sont réalisés dans une période favorable pour travailler dans de bonnes conditions de préparation du sol, la levée est souvent rapide et le tallage démarre tôt. Les essais montrent qu’une densité de semis de 170 à 200 grains/m² (135 à 160 grains/m² pour les hybrides) est largement suffisante, surtout avec les semoirs de précision.

  Ne pas intensifier exagérément la fumure azotée

Il ne faut pas rechercher absolument les rendements les plus élevés, surtout avec les variétés les plus sensibles à la verse ou aux maladies. Viser l’optimum de fumure permet de moins stresser la céréale. L’erreur la plus fréquente en sortie d’hiver est d’apporter une fumure au tallage alors que la population de talles est déjà suffisante. Dans cette situation, l’impasse de la fumure de tallage améliore très sensiblement la résistance à la verse et diminue nettement la sensibilité aux maladies du feuillage pendant la montaison. Cette technique n’est pas envisageable dans certaines situations pédoclimatiques (sol plus froid, sol superficiel, tallage réduit) où trois apports restent indispensables.

Le traitement de montaison

Il ne faut pas traiter systématiquement à ce stade, mais aller observer l’état sanitaire de la culture dans chaque parcelle. Les critères de décision sont cependant difficiles. Des maladies sont en effet presque toujours détectables en début de montaison et leur progression sur le feuillage supérieur est difficile à prédire. Suivant les maladies qui se développent en fin de saison, le fractionnement en deux de l’investissement en fongicides peut parfois conduire à des résultats en retrait par rapport aux traitements uniques au stade dernière feuille étalée (BBCH39).

Le traitement montaison ne doit donc être appliqué qu’en présence significative de maladies sur les trois derniers étages foliaires, et suivant les avis émis par le Cepicop. Ce devrait être le cas pour les variétés les plus sensibles. Il faut empêcher que ces maladies ne s’installent sur les deux dernières feuilles. Si le développement de la culture est rapide durant cette période et que le délai avec un second traitement est réduit, la rémanence n’est pas primordiale. Pour alterner les substances actives, on privilégiera à ce stade un fongicide à base de triazole voire un mélange triazole et strobilurine. En pression faible des maladies et/ou de marché défavorable, on pourrait se contenter d’une dose réduite de fongicide à ce stade.

Le traitement fongicide de dernière feuille

Compte tenu du risque élevé de développement de rhynchosporiose, d’helminthosporiose, de ramulariose, de rouille naine et d’oïdium en fin de végétation, un traitement fongicide actif sur l'ensemble des maladies doit être systématiquement effectué dès que l'ensemble du feuillage est déployé.

Le traitement fongicide de « dernière feuille » à base de strobilurine et triazole ou de SDHI et triazole (et/ou strobilurine) demeure fortement conseillé même si un traitement de montaison a déjà eu lieu.

L’ajout d’un multi-sites tel que le folpet est préconisé lors du traitement au stade dernière feuille étalée.

L’expérimentation montre qu’il est possible de réduire les doses, notamment lors du traitement de montaison.

Savoir identifier les pathogènes

Connaître les pathogènes et cibler les plus importants sont des points essentiels à l’élaboration d’une bonne protection fongicide.

  La rhynchosporiose

À la sortie de l’hiver, la rhynchosporiose est très souvent présente sur les feuilles les plus anciennes. La propagation de la maladie sur les feuilles supérieures sera d’autant plus rapide durant la montaison que l’inoculum est abondant et que les conditions climatiques sont fraîches et humides. Ce n’est que lorsque la maladie parvient sur le feuillage supérieur que les dégâts peuvent être significatifs.

Les variétés présentent des sensibilités assez contrastées vis-à-vis de cette maladie, mais aucune n’est totalement résistante.

La pression de rhynchosporiose observée dans les champs doit être interprétée principalement en fonction de la variété et des conditions climatiques. À partir du stade 1er nœud (BBCH31), une intervention peut être nécessaire sur les variétés les plus sensibles. Dans ce cas, un traitement relais doit être envisagé 3 à maximum 4 semaines plus tard. Lorsque la maladie est peu développée au début de la montaison ou que les conditions climatiques sont défavorables au repiquage de la maladie, le contrôle de la rhynchosporiose peut être obtenu par un seul traitement fongicide. Celui-ci est alors réalisé lorsque la dernière feuille est complètement développée.

À la montaison, le contrôle de la rhynchosporiose repose principalement sur les triazoles  : prothioconazole > autres triazoles. Il est possible d’utiliser les strobilurines en montaison, tout en respectant l’alternance des produits.

Au stade dernière feuille, les associations triazole et SDHI et/ou strobilurine sont les plus efficaces.

  L’helminthosporiose

Pour se développer, l’helminthosporiose nécessite des températures plus élevées que la rhynchosporiose. Son apparition sur le feuillage supérieur est de ce fait généralement plus tardive.

Les variétés présentent des sensibilités assez contrastées vis-à-vis de cette maladie.

Actuellement, la lutte contre l’helminthosporiose se base principalement sur les triazoles et leur mélange avec un SDHI. Parmi les triazoles, le prothioconazole se démarque positivement.

Les populations d’helminthosporiose sont cependant de plus en plus résistantes aux SDHI et des pertes d’efficacité s’observent déjà au champ. C’est pourquoi, un regain d’intérêt envers les strobilurines est observé en Belgique. En effet, malgré la présence d’une proportion non négligeable de souches résistantes dans les populations d’helminthosporiose, les strobilurines, et tout particulièrement la pyraclostrobine, restent efficaces contre ce pathogène. À l’heure actuelle, leur efficacité semble même dépasser celle des SDHI.

Les produits associant un triazole à une strobilurine doivent donc être favorisés pour lutter contre l’helminthosporiose sur les variétés uniquement sensibles à cette maladie. Pour une lutte complète contre l’ensemble des pathogènes de l’escourgeon, un mélange trois voies : SDHI + triazole + strobilurine, le tout complété par un multi-sites est conseillé mais uniquement pour les variétés très sensibles à l’helminthosporiose, en plus des autres maladies.

  La rouille naine

La rouille naine est très fréquemment observée dans l’escourgeon. Cette maladie peut y causer des pertes de rendement sensibles, c’est pourquoi elle justifie qu’un traitement fongicide soit effectué systématiquement au stade dernière feuille, voire en cours de montaison en cas d’infection précoce. Ce sont les mélanges triazole + strobilurine et triazole + SDHI qui donnent les meilleurs résultats.

  L’oïdium

L’oïdium est une maladie qui s’observe couramment en escourgeon mais qui provoque généralement peu de dégâts. Néanmoins, en cas de forte présence durant la montaison, il peut être judicieux de tenir compte de la maladie en appliquant, lors du traitement au stade 1e nœud, une substance active efficace contre celle-ci comme le cyflufenamide, la metrafenone, la spiroxamine ou la pyriofenone.

  Grillures et ramulariose

Depuis le début des années 2000, des «brunissements» se développent régulièrement et de manière très importante dans les escourgeons. Il peut s’agir de «grillures» polliniques, de «taches physiologiques» aussi appelées «taches léopard» ou de ramulariose. De fait, en 2006, cette dernière maladie a été identifiée formellement pour la première fois un peu partout en Belgique, en toute fin de saison.

La ramulariose en escourgeon tend à se généraliser dans les pays voisins depuis quelques années. Elle forme de petites taches de 2 à 5 mm de long qui suivent les nervures et sont visibles sur les deux faces de la feuille. Il n’est pas facile de la distinguer des grillures polliniques, si ce n’est qu’elle provoque rapidement une sénescence des feuilles. La ramulariose est toujours impressionnante visuellement et son impact sur le rendement semble varier assez fortement en fonction de la précocité de son développement. Les symptômes apparaissent généralement de manière très soudaine à un moment qui varie de l’épiaison à la maturation de la céréale.

L’utilisation des SDHI et du prothioconazole lors du traitement effectué à la dernière feuille permet de contrôler le développement de la ramulariose. L’efficacité et la rémanence du prothioconazole et des SDHI dépendront cependant de leur concentration dans la bouillie.

Cette maladie est résistante aux strobilurines.

Le mefentrifluconazole est réputé pour avoir une action sur cette maladie. Celle-ci a pu être vérifiée au sein du réseau d’essais fongicides wallons en 2022. Le prothioconazole n’est donc plus considéré comme la seule substance active efficace contre la ramulariose. Que l’une ou l’autre soit utilisée, il est conseillé de l’associer avec un produit à base de folpet afin de renforcer leur efficacité.

D’après le Livre Blanc

février 2024

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