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Fermes laitières d’Europe de l’est : quelle est leur vision de la résilience ?

En juillet 2023 et janvier 2024, des éleveurs laitiers wallons, accompagnés de membres du Cra-W, participaient à des échanges en Slovénie et en Hongrie dans le cadre du projet européen « Resilience for Dairy ». L’opportunité, pour eux, de visiter des fermes hongroises et slovènes, mais aussi de discuter avec leurs propriétaires de leur vision de la résilience.

Temps de lecture : 6 min

Kasz Farm LTD est une ferme située dans le village de Derecske à l’est de la Hongrie. Elle a été créée en 2006 avec le rachat d’une ancienne exploitation rénovée cette même année avec le placement d’un carrousel de traite et la construction d’une nouvelle étable. L’entreprise emploie aujourd’hui 45 personnes.

Cette dernière dispose d’un troupeau de 700 vaches laitières de race Prim’Holstein, d’un plus petit troupeau de Simmental conduites en allaitantes (environ 100 vaches) ainsi que d’un cheptel d’environ 200 brebis historiquement présentes sur l’exploitation. Leur production laitière annuelle est proche des 12.000 l par vache, à 4,1 % TB (taux butyreux) et 3,5 % TP (teneur en protéines). Chaque année l’exploitation vend 8 millions de litres de lait.

Concernant l’alimentation, la surface agricole utile est répartie en 150 ha de luzerne, 250 ha de maïs ensilage et 150 ha de céréales. Cette ferme possède également 200 ha de prairies permanentes, rarement destinées à l’alimentation du troupeau laitier. Par ailleurs, les vaches sont nourries avec 54 kg de matière fraîche composée de 30 % de concentrés, 16 kg d’ensilage de maïs, 5 kg de maïs grain et le reste de luzerne, paille et mélasse.

Le renouvellement des vaches, après 2,5 lactations en moyenne, est assuré par la présence de 650 génisses. L’intervalle vêlage-vêlage est de 380 jours, tandis que l’âge au premier vêlage est de 23,2 mois. Il s’agit d’une des priorités pour la gestion du troupeau.

Ces performances sont notamment atteintes grâce aux nombreux investissements techniques réalisés au sein de la ferme. Les vaches sont, en effet, équipées de collier pour détecter les chaleurs et les anomalies (manque de rumination, de mouvements…). De plus, les bêtes sont toutes sous traitement hormonal 25 jours après le vêlage pour synchroniser les chaleurs. Le taux d’insémination est de 2,0 pour les génisses et de 3,2 pour les vaches. L’exploitation a commencé le transfert d’embryon des meilleures vaches sur les génisses, mais importe également des embryons français. Le tarissement a lieu 220 jours après la gestation. Certains bovins produisent encore 40 l de lait par jour lors de cette période. De ce fait, des tubes de tarissement ne sont introduits que sept jours après la dernière traite.

Gérer 700 vaches laitières à la traite

Les vaches laitières sont réparties en 10 lots productifs et 1 lot de taries. Il y a également un groupe d’animaux malades (généralement des boiteries) et un pour celles à contrôler par prise de température pendant deux jours à partir du vêlage.

L’exploitation avait commencé par un carrousel de traite, mais ce système semblait trop contraignant. C’est pourquoi, aujourd’hui, cette opération est réalisée par trois ouvriers dans une salle en épis, trois fois par jour (de 6h du matin à 2h du matin), bâtiment par bâtiment. Pour ce faire, six ouvriers se relaient un jour sur deux.

Notons aussi qu’il y a une petite salle de traite pour les vaches malades et celles fraîchement vêlées. Leur lait est stérilisé et distribué aux veaux. Le taux d’hémoglobine du colostrum est analysé. De la meilleure à la moins bonne qualité, le colostrum est distribué aux veaux issus de transfert d’embryons, puis aux autres femelles et enfin aux mâles.

Des étables en rénovation

La moitié des bâtiments sont équipées de logettes paillées et de racleur. Pour la partie plus récente, les animaux disposent de matelas à eau. Ce nouveau bâtiment est réservé aux primipares lors de leurs deux premiers mois de lactation. Les logettes paillées sont nettoyées à la main, deux fois par semaine. C’est 3 fois par semaine pour celles avec matelas avec l’aide d’une machine stérilisante. Les effluents sont séparés en phase liquide et solide grâce à un séparateur pour permettre une fertilisation plus précise des surfaces agricoles.

Un robot de traite à l’étude

Les stratégies de résilience définies par l’exploitation sont la recherche d’une génétique de haut niveau et d’une bonne efficience technique. De plus, à l’avenir, les objectifs poursuivis sont notamment l’augmentation de l’efficience de production, la rationalisation de l’utilisation d’intrants et l’amélioration du bien-être animal par la rénovation des étables. La robotisation de la traite est également à l’étude, mais pour le moment les ouvriers sont expérimentés et le système fonctionne correctement.

Enfin, les menaces citées par les éleveurs sont notamment liées aux sécheresses et à la fluctuation du prix du lait.

Les vaches de race Brune Suisse en Slovénie

Direction à présent la Slovénie. C’est dans ce pays, qu’en 2010, Toni Kukenberger a repris l’exploitation de ses parents. Avec une ferme de petite taille et une capacité d’expansion restreinte due à la présence des étables en plein cœur du village de Trebnje, il a amorcé une conversion en agriculture biologique et créé un atelier de transformation du lait. Six personnes y travaillent à temps plein et actuellement 24 Brune Suisse y vivent. Elles produisent annuellement 181.000 kg de lait (4,0 % de TB et 3,8 % de TP), soit 8.700 kg par animal. L’âge au premier vêlage est de 27 mois, quant au taux de renouvellement, il est de 33 %.

L’exploitation possède deux stabulations : une pour l’hiver avec logettes et caillebotis et une libre au sein des pâtures avec lit de compost pour l’été. Durant la saison la plus froide, les vaches sont traites en bâtiment dans une salle de traite fixe. L’été, cela se déroule en pâture grâce à une salle de traite mobile faite « maison ».

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La SAU de l’élevage est composée de 28 ha dont 15 ha de prairies permanentes et 13 ha de terres arables. L’exploitation dispose également de 11 ha de forêt. Les animaux pâturent au fil durant la saison estivale avec une complémentation en foin séché en grange (pour la qualité fromagère du lait) et concentrés. En hiver, elles disposent une ration totale mélangée, distribuée en continu par un robot.

Une transformation sur place

Avec comme contrainte l’absence de collecte de lait bio dans la région, l’entièreté de la production est transformée sur place en fromages, yaourts et autres produits. L’exploitation mise tout sur la qualité du produit avec des certifications bio, lait de foin et fromage au lait cru.

Les vaches sont également sélectionnées avec la génétique A2A2 pour une meilleure digestibilité de la bêta caséine. En outre, Toni Kukenberger dispose d’un point de vente à la ferme et d’un site internet où des commandes peuvent être réalisées directement en ligne. Il fournit également plusieurs magasins. Et c’est un beau succès puisque ses produits ont déjà remporté plusieurs prix dont notamment une médaille d’argent au World Cheese Awards.

L’exploitation mise tout sur la qualité du lait avec des certifications bio, lait de foin et fromage au lait cru.
L’exploitation mise tout sur la qualité du lait avec des certifications bio, lait de foin et fromage au lait cru.

Se simplifier le travail pour dégager du temps libre

Pour garantir la résilience de son exploitation, Toni mise premièrement sur l’herbe avec une gestion technique du pâturage et le séchage de foin en grange afin d’atteindre une bonne autonomie et une faible utilisation de concentrés.

La transformation et la vente directe lui permettent de gérer entièrement ses débouchés. Il essaie également de simplifier son travail au maximum pour se dégager du temps libre. Cet éleveurmentionne aussi l’importance d’une bonne relation avec ses employés, les consommateurs et la société.

Ce qu’il craint ? Les difficultés d’agrandissement et le dérèglement climatique, plus particulièrement au niveau des sécheresses et des tempêtes.

Sylvain Hennart

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