Objectif préventif chez les Bossut à Chapelle-à-oie: bien-être et hygiène, tant au niveau des sols, des animaux que de l’humain

Dès les premières minutes de notre rencontre, on se rend compte que Gauthier Bossut est quelqu’un qui aime s’ouvrir vers l’extérieur et échanger ! « C’est vachement important pour avancer », sourit-il. Il est de ces entrepreneurs entiers, exigeants qui ne savent faire les choses à moitié. Et cela se ressent au niveau de son organisation, de sa planification… « Notre niveau d’exigence dans notre travail est tel que l’on n’arrive pas à déléguer… », regrette-t-il. « À l’heure d’aujourd’hui, il ne nous est pas encore possible de quitter l’exploitation plusieurs jours l’esprit tranquille. » Si lui et sa famille ne s’octroient pas vraiment de vacances, leur organisation leur permet de dégager du temps pour leur famille, les loisirs et les activités sportives qu’ils affectionnent !

Un équilibre entre performances et main-d’œuvre

Une organisation qu’ils ont peaufinée avec le temps. Retour à leurs débuts. Après avoir travaillé à l’extérieur, c’est en 2007 que Gauthier revient sur l’exploitation familiale. À cette époque, il reprend une exploitation dans le village d’Aubechies, à 4km de là, pour les terres et bâtiments. « Mes parents pouvaient ainsi profiter de la maison de plain-pied qui s’y trouvait pour leur pension. J’ai donc repris les quotas, les terres et une partie de l’exploitation familiale pour être à 50-50. Nous avons toujours été en polycyulture-élevage : le blanc-bleu pour la viande, la holstein pour le lait et les cultures traditionnelles, telles que pommes de terre, betteraves, maïs, céréales, et cultures d’herbes.

Dès la reprise, Gauthier est très pointilleux sur sa gestion de l’élevage. Il commence à rationner les vaches. « C’était alors assez compliqué. Nous n’avions rien pour peser nos aliments. Il s’est alors équipé d’un peson sur le godet distributeur. Autre frein ? La distribution de la fibre. Il investira plus tard dans une mélangeuse qui lui permettra alors de franchir un nouveau palier dans la gestion des rations des animaux.

C’est en 2011 que naît le second enfant de la famille. Le moment choisi par Aurore, son épouse, pour arrêter de travailler à l’extérieur et s’occuper de l’exploitation, dont le développement de la vente directe. Outre le beurre, le lait et les pommes de terre, elle valorise désormais le lait en yaourts, glaces, fromages frais… Aurore reprendra les 50 % des parts restantes en 2013.

Une des premières grosses décisions du couple : séparer les spéculations viandeuse et laitière au niveau de la comptabilité. Si l’aspect économique n’est pas bon, l’éleveur se rend compte des problèmes de fertilité de ses animaux au vu du suivi de fécondité. « Avec les mêmes protocoles mis en places sur les troupeaux laitiers et viandeux, nous n’arrivions jamais à avoir les mêmes résultats. » Nous avons dû faire des choix et notre mentalité nous a poussés à arrêter cette spéculation pour garder un niveau d’exigence élevé dans tous les autres secteurs. Nous avons d’ailleurs aujourd’hui réduit notre cheptel laitier car nous sommes à la recherche constante d’un équilibre entre gestion de la main-d’œuvre et de la performance.

Le fait d’avoir mis des freins sur la production tant sur la quantité et sur notre gestion de la main-d’œuvre nous a permis de gagner du temps pour développer l’aspect social, de pouvoir échanger et de se faire un carnet d’adresses. Toutes les personnes qui gravitent autour de l’exploitation savent que nous sommes dans une démarche d’amélioration continuelle par la mise en place d’actions pour remédier aux problèmes. Je veux qu’on m’ouvre les yeux sur les problèmes pour les solutionner et avancer. En nous faisant confiance mutuellement, nous allons dans le bon sens ! Nous ne sommes que des ouvriers de tous nos conseillers qui nous guident notre philosophie par rapport aux objectifs que nous nous fixons. »

À la recherche d’une certaine autonomie

Au départ, Gauthier et son épouse ont cherché à aller vers un maximum d’autonomie. Ils l’ont améliorée de manière à garder un équilibre entre performance et économie, et à avoir la meilleure marge brute. « C’est là que le projet Interreg Protecow nous a aidés. Nous étions limités par notre apport en protéines. Nous avions trop de fourrages, mais trop peu d’énergie. Nous avions le choix : soit diminuer l’autonomie et concentrer la ration, soit diminuer les besoins. Nous avons fait les deux en optant pour le pro-cross, le croisement trois voies. En outre, nous avons voulu produire notre propre céréale et la mélanger avec d’autres aliments pour obtenir une ration équilibrée. Nous donnons ainsi au robot un mélange très faible en protéine pour lisser le pic de lactation et avoir une persistance de celle-ci, évitant ainsi les problèmes d’acétonémie lors des démarrages de lactation.

La gestion de l’aire paillée, et de l’hygiène dans le bâtiment est cruciale pour le bon fonctionnement du troupeau au robot.
La gestion de l’aire paillée, et de l’hygiène dans le bâtiment est cruciale pour le bon fonctionnement du troupeau au robot. - Cra-w

Des prérequis pour l’arrivée d’un robot

S’ils ont longtemps utilisé une 2X8 TPA pour la traite, c’est un souci physique qui les poussera soit à arrêter la vente directe, soit passer à la traite robotisée. c’est la seconde option qui sera retenue avec l’installation d’un robot en 2017. Toutefois au vu de l’aire paillée de 600m² dont l’exploitation dispose, certaines améliorations sont nécessaires. S’est entamée un long processus de réflexion de 2014 à 2016 pour appréhender au mieux l’outil dans la ferme.

Parmi tous les conseillers qui gravitent autour de la ferme, c’est Thierry Jadoul, du Comité du lait, qui a permis aux Bossut d’ouvrir les yeux sur les défis à relever pour y arriver. Car pour M. Jadoul, aire paillée et traite robotisée sont difficilement compatibles. « Thierry m’avait, entre autres, conseillé l’installation de logettes, mais il était impensable pour moi d’abandonner le fumier, nécessaire à la fertilisation de mes sols. Et puis le bien-être de mes animaux… Une vache qui court sur l’aire paillée vaut tout l’or du monde. »

« Nous nous sommes donc intéressés aux exigences à avoir pour que cela fonctionne : une bonne ventilation, une bonne gestion de l’hygiène, de bons taux de fertilité… »

– casser les murs

Premier point d’amélioration : la ventilation du bâtiment d’élevage. Nous avons donc enlevé les claire-voies et ouvert les flancs de l’étable, avec l’ajout d’un côté d’un filet brise-vent.

– la gestion de l’aire paillée

La gestion de l’aire paillée pouvant être délicate, l’éleveur a instauré un protocole de nettoyage toutes les semaines, avec paillage deux fois par jour. Il donne ainsi 1kg de paille/1.000l de lait/ vache et 1m² de couchage/1.000l. C’est notre facteur limitant. C’est ce qui explique la limitation de l’aire paillée à 55 laitières à 11.000l de production par an.

Et lorsque l’on voit les vaches sur l’aire paillée, elles sont propres, avec 75.000 cellules de moyenne…

– une bonne fertilité

Avec la mise au robot, les vaches devaient être rapidement gestantes. En effet, gérer les fins de lactation peut-être compliqué lorsque les intervalles-vêlages sont trop grands. Bien que nous ayons investi dans un système de détection des chaleurs – la base pour améliorer la fertilité dans une exploitation – Le couple a opté pour un suivi de fécondité pour arriver à un intervalle vêlage-IA fécondante de 79 jours. Un chiffre plutôt bon quand la moyenne en élevage laitier est au-delà des 100 jours.

« Nous avons un suivi tous les mois avec analyses sanguines pour détecter les problèmes et recaler la ration au besoin. »

Le robot pour objectiver les moyens mis en place

Toute la réflexion a été enrichissante pour l’arrivée d’un robot et les données de celui-ci ont permis de chiffrer ce qu’on a mis en place. Malgré les réticences de faire cohabiter aire paillée et robots, on a vu que le travail préventif a payé. Au départ nous saturions le robot avec 65 laitières, mais derrière nous élevions trop de génisses. On a donc voulu réduire la voilure et avec 50-55 laitières nous n’avons eu aucun souci durant tout l’hiver. Le taux cellulaire du cheptel variait et varie en moyenne entre 50.000 et 75.000 cellules. nous pourrions augmenter le nombre de vaches, mais nos résultats seraient sans doute totalement différents.

Un an après l’installation du robot, le ratio lait jeté/lait produit était inférieur à 1 % alors que la moyenne des élevages se situe généralement entre 3 et 5 %. « Même si ce chiffre est bon, je suis quand même choqué car cela signifie que sur les 660.000l de lait produit nous en jetons encore près de 6.000l. Nous pourrions le laisser dans le tank au vu de notre faible moyenne en termes de taux cellulaire. La raison ? Éviter de prendre le lait d’une vache à cellules pour la vente directe. »

Gauthier l’avoue : « Nous ne cherchions pas de tels chiffres, nous travaillons au ressenti. Ce n’était donc pas un objectif mais il a permis de prouver que tous nos changements ont permis d’avoir un troupeau qui fonctionne bien. C’est la conséquence de tout le travail de prévention réalisé en amont. »

En septembre 2021, Aurore et Gauthier ont investi dans un nouveau magasin à la ferme  et dans un atelier. Deux objectifs: améliorer les conditions de travail  et grandir la production en quantité.
En septembre 2021, Aurore et Gauthier ont investi dans un nouveau magasin à la ferme et dans un atelier. Deux objectifs: améliorer les conditions de travail et grandir la production en quantité. - Ferme Bossut

Tarissement sélectif

« Toutes ces données nous ont permis de faire du tarissement sélectif. Au vu de notre faible taux cellulaire, le vétérinaire nous a conseillé d’emprunter cette voie d’autant que demain, la pression de la société pour la réduction de l’antibiorésistance sera là ! Nous étions déjà prêts avant l’arrivée du robot mais l’arrivée de ce dernier nous a encore permis d’améliorer l’hygiène. Le fait d’avoir une traite naturelle par vache, quartier par quartier, avec moins de surtraite… de travailler avec de l’homéopathie… Le robot est un laboratoire super intéressant qui permet de faire beaucoup plus de prévention. Dès qu’une vache perdait du poids, on peut directement intervenir et adapter sa courbe d’alimentation, par exemple.

Quant à la question de savoir comment tarir, le couple s’est orienté vers une cage de contention qui permet de coucher l’animal et ainsi de pouvoir poser les gestes en toute sécurité. Ils profitent de la manœuvre pour parer les onglons.

Aujourd’hui, on est à plus de 80 % du troupeau tari sans antibiotique. L’obturateur est notre priorité. On utilise des antibiotiques si et seulement si une laitière présente un problème à un quartier. Seul le quartier concerné, sera traité.

Pour le tarissement, ils ont opté pour une cage de contention.  Ils en profitent pour parer les onglons.
Pour le tarissement, ils ont opté pour une cage de contention. Ils en profitent pour parer les onglons.

Un taux de renouvellement trop important

Autre mise en lumière : du bon taux de fertilité, il en résulte un nombre de veaux important. Nous avions au robot le double de génisse que ce dont nous avions besoin. Nous avons donc revendu le surplus et créé un fichier pour mettre à jour le calendrier des inséminations. Toutes les génisses sont inséminées avec de l’angus pour les vêlages faciles mais aussi pour observer le potentiel de l’animal avant de le réinséminer. Les données du robot nous indiquent si on doit pousser l’animal sur du laitier ou du mixte (angus ou B-BB).

Cela a mené l’exploitation à avoir un taux de renouvellement de 17 à 20 génisses par an. Les bâtiments se sont rapidement vidés et cela a permis de gagner un temps certain au niveau de l’élevage de génisses. Ce fut une fameuse révolution.

Raison pour laquelle Aurore et Gauthier sont le calcul des rotations des cultures car la production de fourrages pour la production de génisse. est aujourd’hui trop importante. Nous devons réfléchir l’assolement pour éviter une surproduction. Nous sommes en constante réflexion sur nos pratiques. Cette dynamique nous permet d’avancer positivement et les chiffres nous prouvent que cela fonctionne. Toutefois les objectifs que nous nous fixons sont grands ! »

P-Y L.

Gestion du pâturage

Chez les Bossut, on pratique le pâturage tournant dynamique. Quelque 10ha de prairies permanentes entourent la ferme et sont divisés en parcelles de 30 à 40 ares. Les blocs sont recoupés tous les matins en fonction de la hauteur d’herbe. « Nous limitons la consommation en herbe pour qu’elles retournent volontairement au robot. Tout dépend donc de la quantité et la qualité de l’herbe.»

Les vaches ont droit à une nouvelle parcelle tous les jours. Le but: leur sortie volontaire. Cela permet aussi de gérer mieux la repousse. Le système permet ainsi une qualité d’herbe homogène et donc une meilleure valorisation de cette qualité.

Notons que l’aire paillée est fermée en période estivale.

Pas de bonne vache sans bon sol, et inversement

La réflexion que Gauthier et Aurore mènent en élevage est aussi menée au niveau de leurs sols. «Déjà à la fin des années 90, nous avons arrêté le labour pour aller vers une amélioration de la qualité de nos sols. Cela a été source de réflexion par rapport à la rotation des cultures et par rapport à l’amélioration de notre troupeau. Nous nous rendions compte de l’intérêt des prairies temporaires. Avec l’achat de nouveaux équipements, nous avons pu améliorer nos pratiques et repartir davantage sur la culture d’herbes.»

Pur Gauthier, le fil rouge de leur travail: bien-être (des vaches, des sols et de l’humain) et hygiène (des vaches, des sols, et de l’humain). «Je suis incapable de m’occuper de mes vaches si je n’ai pas des (bons) sols. Je suis d’ailleurs convaincu qu’il y a une communication entre nos sols et nos animaux. Il y a entre ces deux éléments un cercle vertueux qu’il faut respecter. Et de prendre pour exemle: «Nos résultats ne sont pas aussi bons quand on ajoute à la ration un maïs acheté hors de l’exploitation.»

«Je ne conçois pas d’être agriculteur sans vache et d’être éleveur sans sol. Je suis aussi difficile sur mes pratiques au niveau des animaux et de mes sols. Les conseillers qui gravitent autour de notre ferme le savent et nous aident à travailler la capacité à toujours mesurer l’équilibre entre les deux. Je suis au taquet pour produire un fourrage de la mailleure qualité pour que nos vaches s’en sortent le mieux possible! En ayant une bonne hygiène et un bon bien-être de nos plantes, nous avons en retour une bonne hygiène et un bon bien-être au niveau des animaux. Ce lien entre doit être préservé continuellement.»

Le troisième pilier: l’humain. Si les deux premiers piliers sont respectés, le bien-être de la main d’œuvre suit automatiquement. Gauthier prend l’exemple de son utilisation très faible des produits phytosanitaires. « Je les restreins très fort. J’agis en bon père de famille. Que ce soit des phytos pour les plantes ou les médicaments pour la famille, nous avons la même phylosohie: le moins possible, et à n’utiliser qu’en cas de maladie! Je travaille donc beaucoup sur l’immunité, c’est la base du préventif!»

P-Y L.

Projet Cowforme: et si on parlait bien-être des éleveurs?

Trop souvent la question du bien-être dans les exploitations agricoles se limite au monde animal. Or, le bien-être des éleveurs vaut également la peine d’être discuté et questionné puisque l’éleveur lui-même est au cœur de la production ! Dans ce but, le projet Interreg CowForme a fait de la « qualité de vie au travail » son cheval de bataille. Parmi les activités organisées par le projet, on retrouve trois visites de ferme. Retour sur la visite du 15 juin chez Aurore et Gauthier Bossut, éleveurs de bovins laitiers à Chapelle-à-Oie.

Au gré de leurs témoignages, Aurore et Gauthier ont évoqué l’importance d’avoir une exploitation agricole durable d’un point de vue économique, environnemental mais aussi social. Ils ont réalisé des investissements dans l’exploitation avec l’objectif de diminuer la pénibilité du travail, de disposer d’indicateurs chiffrés pour mieux piloter l’exploitation, et de trouver un bon équilibre vie privée – vie professionnelle (notamment pour se dégager du temps pour les loisirs). Le robot de traite en est un bon exemple.

Selon le bilan travail réalisé dans la ferme Bossut, le temps passé pour le travail d’astreinte (lire : les soins journaliers du troupeau, tâches peu différables dans le temps : alimentation, traite, paillage, nettoyage…) de l’atelier lait est de 33h par VL (soit dans la norme basse selon les références CowForme) et la productivité de la main d’œuvre est relativement élevée (que ce soit en nombre de vaches ou en litres de lait produits par unité de main d’œuvre lait (UMO Lait).

De nombreuses solutions sont mises en place pour réduire le temps passé au travail d’astreinte et la pénibilité de ce travail, notamment vis-à-vis de :

– l’alimentation des animaux : par l’utilisation d’une mélangeuse, la présence d’un robot repousse-fourrage, ou encore l’utilisation d’un taxi-lait ;

– la surveillance : par les colliers de détection des chaleurs ;

– les traitements des animaux : par le travail préventif, une gestion de l’hygiène ;

– …

Dans cette optique d’exploitation plus durable, les éleveurs ont par contre fait le choix de maintenir l’aire paillée pour les vaches laitières afin d’améliorer la santé des vaches et de disposer de fumier pailleux pour les cultures – et ce, même si la gestion de l’aire paillée nécessite du temps et de la rigueur.

Leur gestion de la santé/longévité des vaches et du renouvellement les conduit également à élever peu de génisses ce qui leur permet d’être performant en termes de temps de travail mais aussi de rentabilité.

On peut également citer le nouveau local de transformation/ commercialisation qui a été construit pour améliorer l’ergonomie du travail et la visibilité de l’exploitation en termes de commercialisation.

D’après Lise Boulet

Cra-w

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