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Des Belges dans le Limousin: garder, via les échanges, une race en mouvement

Comme nous vous l’avions relaté dans notre édition du 1er septembre, une délégation d’éleveurs conduite par le Herd-book Limousin Belge s’est rendue mi-juin dans le berceau de la race pour des visites d’élevage et d’une station de sélection : Moussours. Discussion avec Vincent Rabeux et Olivier Lasternas, respectivement les présidents des Herd-books limousins belge et français, sur l’importance de ce genre d’échanges.

Temps de lecture : 5 min

Pour Vincent Rabeux, président du Herd-book limousin Belge, l’échange engagé en allant dans le Limousin doit être profitable à tous les éleveurs.

« Pour nous, il est important de connaître, de voir le travail spécifique mènent différents éleveurs. »

Ce qui est important ? « Que les instances du Limousin français puissent aussi venir chez nous voir dans quel cadre les éleveurs travaillent. C’est important pour ne pas passer à côté d’un marché qu’on n’aurait peut-être pas vu ou… ! À l’heure actuelle, il manque d’animaux chez nous. Il n’y a donc aucun problème pour les valoriser. On cherche après des vaches grasses, des taurillons gras… Mais qu’en sera-t-il à l’avenir ? »

Éviter de perdre des éleveurs

Olivier Lasternas, président de la structure nationale française : « Je reste persuadé que sur les aspects européens au niveau de la limousine, nous nous sommes reposés sur nos lauriers en pensant que tout était fait, mais au contraire tout reste à construire. Et ces échanges, comme le voyage des Limousins Belges, sont à mettre en valeur par rapport aux besoins potentiels que la Belgique a en termes de débouchés viande. On peut faire de la « repro » mais la finalité derrière est de produire des animaux « viande » dans de bonnes conditions avec du potentiel… afin que l’éleveur puisse y retrouver un maximum de marge ! »

Sa volonté, en tant que président de l’instance française est clairement affichée : être capable au niveau européen de rebâtir quelque chose. « Eurolim, Fédération des livres généalogiques du Limousin au sein de l’Union européenne, existe mais est en sommeil. Côté français, j’envisage que l’on puisse mettre en place une réunion pour le Concours général agricole à Paris, pour y réunir un maximum d’adhérents d’Eurolim, pour essayer de reconstruire, via les échanges, et faire en sorte que notre race reste en mouvement. Nous sommes à la stabilisation aujourd’hui mais on peut vite se retrouver dans une situation où l’on peut perdre des éleveurs. Et ce n’est pas le but aujourd’hui. »

Vincent Rabeux : « Si l’on veut que la limousine se développe en Europe, c’est aussi à nous d’être forts et d’être à l’écoute de la demande sociétale. En Belgique, le Herd-book compte quelque 140 adhérents, pourtant si la structure veut avancer davantage dans la sélection, elle sera peut-être confrontée à obliger les éleveurs à adhérer au contrôle de performance. « Cela occasionnerait certainement une perte de certains de nos membres mais ceux qui resteraient seraient peut-être les plus motivés à travailler dans cette voie et feraient encore davantage évoluer la race par ledit contrôle des performances. Une différence de 50g de GQM pour un veau que l’on garde en ferme une centaine de jours, ce n’est peut-être pas beaucoup mais sur le nombre d’animaux d’un cheptel, et sur une carrière, ça fait une petite différence et c’est aussi comme cela qu’on avance… »

S’inspirer de ce qui se fait ailleurs pour avancer

Olivier Lasternas s’interroge : « Si les nationalités qui viennent chercher des animaux dans le berceau de la race sont nombreuses, les éleveurs français vont-ils parfois chercher ce qui se fait ailleurs ? »

« J’ai eu l’occasion de sillonner l’Europe en tant que juge international. Et où que l’on soit, les éleveurs voient les choses différemment et parfois un élément moteur fait en sorte que les choses peuvent être vite réorientées et que les échanges entre Herd-books de différents pays reviennent sur le devant de la scène. Toutefois, nous ne pouvons pas nous, Français, penser indéfiniment que notre race est la meilleure, souhaiter l’exporter un maximum et ne pas aller rendre la monnaie de l’échange aux acheteurs, que ce soit par des voyages ou des visites de courtoisie. Il est important de se rendre sur le terrain pour appréhender les différentes manières de travailler. Pour moi c’est essentiel. Cela représente évidemment du temps, de l’investissement. J’ai pris ces fonctions pour ça pour faire évaluer la race.

Pour Vincent, les initiatives du Herd-book belge, ce voyage, avec les visites de la station de Moussours, donnent aux éleveurs de la crédibilité. « Nous les aidons à appréhender les index, la classification, qui n’est pas quelque chose de flou. Ce sont des données, c’est du travail, des remontées de terrains réelles… même si certains peuvent avoir du mal à les appréhender. »

Une limousine typée viande ?

M. Lasternas: «Aujourd’hui, en France, les bêtes typées ‘viande’, qui ont du dos et qui gardent les facilités de naissance, sont favorisées à travers la limousine.  Les morceaux nobles que sont les filets, faux-filets, trains de côte... sont dans le dos. L’animal peut avoir de la taille et des morceaux nobles. Et c’est ce qu’on veut », poursuit-il.

Le sans-corne, une voie à explorer

Et d’aborder la question du « sans corne ». « Si on ne s’ouvre pas à ces marchés-là, on s’enferme sur un noyau qui sera quoi demain. Il faut progresser avec les idées de demain : le bien être animal… On y sera de plus en plus confronté. Viendra un jour où l’on ne pourra plus écorner ! Le schéma : c’est de garder les corne et les soucis qui en découlent ou c’est de travailler le sans-corne. Je pense que c’est une solution à explorer. »

« je m’avance un peu mais au niveau de la race on est en train de créer un livre spécifique sans corne qu’on va élaborer… on va demander à ce que les animaux soient forcément génotypés. On va créer une classe spéciale dans le livre limousin. Pour que ces animaux soient mis en valeur. Parce que demain, je ne vois pas la race ne pas évoluer sur ces aspects-là », conclut M. Lasternas.

P-Y L.

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