Accueil Voix de la terre

Faire paysan, un livre qui cherche à dépasser le clivage qui s’installe

Si j’étais ministre de l’agriculture, j’offrirais à tous les agriculteurs de Wallonie, le livre « Faire Paysan », du suisse Blaise Hofmann aux Éditions Zoé. Et dans la foulée, j’imposerais à tous les « Bobos » du pays l’obligation de le lire avant d’encore émettre la moindre critique vis-à-vis de l’agriculture.

Temps de lecture : 3 min

C’est un petit bijou d’humanisme, de clairvoyance et de simplicité. Sorti ce printemps, il est l’expression d’un malaise, un questionnement, mais porte aussi pas mal d’espoirs. C’est l’ADN d’un paysan qui peut comprendre que les questions des citadins soient légitimes et qui tente de leur expliquer pourquoi leurs réponses sont erronées.

C’est un livre qui cherche à dépasser le clivage qui s’installe : « d’un côté, les agriculteurs conventionnels ne seraient que des pions entre les mains des multinationales, des empoisonneurs, des pollueurs de rivières, des tueurs d’abeilles, des complices de « l’holocauste agricole ». Et malgré leurs pratiques honteuses, l’argent du contribuable continue de couler à flot pour les aider à acheter de plus gros tracteurs, alors qu’avec leurs terrains à bâtir, ils seraient tous millionnaires…

De l’autre côté, ce sont des bobos rêveurs, des étudiants attardés, des idéalistes arrogants, des citadins critiques mais qui continuent d’appliquer sur leur visage des crèmes anti-rides chimiques, qui ne parlent que de « sobriété heureuse » tout en restant accros aux compagnies low cost et aux vins bios chiliens, en consommant leur « chimie de ville », leurs antibiotiques, antidépresseurs, anti-vomitifs, anti-stress, anticholestérol, anti-moustiques, anti-gueule de bois. »

Au fil du livre, des enquêtes, des rencontres et du vécu des agriculteurs, la situation apparaît bien plus complexe. Chacun essaie de trouver sa place. Il y a l’entrepreneur agricole qui maîtrise les paramètres technico-économiques d’aujourd’hui et le « coming out végan » qui transforme sa ferme en sanctuaire, en faisant financer la plantation d’arbres et leur entretien par des parrainages de citadins écologiquement bien-pensants. Il y a un très beau chapitre sur les femmes paysannes, et un autre, bien plus triste, sur les suicides et les faillites en agriculture.

Un témoignage parmi d’autres : « Faire paysan, c’est travailler plus que tout le monde et gagner moins que tout le monde, pour nourrir des gens qui croient qu’on les empoisonne ! »

En Suisse, c’est la Confédération qui fixe les normes, et celles-ci sont encore plus exigeantes en matière d’environnement que celles émises depuis Bruxelles pour l’Europe, depuis Namur pour la Wallonie. Mais ce n’est jamais assez ! Dans ce pays pourtant très bucolique, par deux fois, les lobbies écologiques ont généré des référendums voulant imposer un seul modèle agricole : en juin 2021 pour le bio, en septembre 2022 concernant l’élevage.

Paradoxalement, dans le même temps, aux Pays-Bas, à l’autre bout de l’échelle au niveau d’une certaine artificialisation du territoire et de l’agriculture, les fermiers ont aussi dû se battre politiquement pour défendre leur outil de travail et faire comprendre à la population que l’importation massive et mal contrôlée qui résulterait de ces a prioris idéologiques serait la pire des solutions.

Je terminais ce livre lorsque Marc Assin, dans son billet « Mort aux vaches », début juin, évoquait exactement le même sujet, avec la même analyse et la même empathie. Produire ne suffit plus, c’est désormais la communication qui prime, dans ce monde moderne, jamais plus satisfait.

JMP

A lire aussi en Voix de la terre

Où est le printemps?

Voix de la terre Une bergeronnette fait son nid sous mes panneaux solaires, Les choucas ont fini de boucher la cheminée de mon fils. Aie ! Les tourterelles s’impatientent, les feuilles de nos arbres tardent à venir, elles chantent, ont envie de nicher. Mais oui, c’est le printemps…
Voir plus d'articles