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En selle ou en salle (de traite) avec Arnaud De Lie

Jeune espoir du cyclisme belge, Arnaud De Lie est promis à un bel avenir sportif. Ambitieux, il n’en reste pas moins les pieds sur terre. Bien ancré dans son terroir ardennais, à Lescheret, il se partage entre son vélo et la vie à la ferme, en famille. Deux activités qui lui sont essentielles. Rencontre avec Arnaud et son papa, Philippe, qui l’a initié au plaisir du deux-roues !

Temps de lecture : 8 min

C’est dans l’exploitation familiale de Lescheret, dans la commune de Vaux-sur-Sûre, que l’on retrouve la famille De Lie. Quand Arnaud, n’est pas sur son vélo, il aide son paternel à la ferme. Le travail n’y manque pas. Son dada ? La traite et le soin aux veaux. «J’ai un tempérament un peu plus calme que certains», dit-il, rieur en regardant son père. «J’aime le contact avec les animaux et ce, depuis tout jeune»

Du pré à la traite

Son père se souvient: « La première grande mission d’Arnaud ? Dès 3-4 ans, nous l’envoyions chercher les vaches dans la pâture. Il devait monter 400 m pour aller faire lever les premières et les pousser vers l’étable. On le lançait bien en avance pour que les vaches soient à l’étable à 18h, il comptait les pâquerettes…» Rires. «Puis on voyait le troupeau avancer… On ne voyait pas Arnaud, il était si petit!»

Plus tard, il le faisait à vélo. Il attendait que les vaches soient descendues pour prendre la pente à toute vitesse. «C’était mon moment fun», sourit Arnaud.

«Je suis comme tout fils de fermier, mon père souhaitait que je travaille à la ferme. J’ai commencé à traire dès 7-8 ans avec mon grand-père. Je trais seul depuis que j’ai 16 ans. Il nous arrive souvent de commencer la traite à plusieurs et une fois les premiers animaux lancés… je termine le travail.»

«À la ferme, nous ne sommes jamais deux à faire la même tache, nous nous répartissons le travail. Qu’il soit en salle de traite ou sur son vélo, Arnaud travaille seul et ça lui convient bien». «Au final, un cycliste reste chez lui et s’entraîne chez lui, un fermier fait un peu pareil !», complète le sportif.

Pour Arnaud, le plaisir de la traite c’est aussi le contact avec les laitières.
Pour Arnaud, le plaisir de la traite c’est aussi le contact avec les laitières. - P-Y L.

Le cyclisme de père en fils

Si Arnaud a fait du vélo sa profession, il le doit à son père. «J’ai toujours aimé regarder les courses cyclistes mais le déclic est venu suite à un accident de ski survenu en 1997. On a dû me mettre une broche dans la jambe. Pour ma rééducation, je me suis mis au vélo et j’y ai pris goût. J’ai commencé à faire quelques petites courses dans le coin. Le niveau n’avait rien à voir avec celui d’Arnaud, mais j’avais déjà le goût de la compétition. Malgré le classement, je n’avais pas peur d’y retourner la fois suivante.» Rires.

Axel, le premier de la fratrie a vu le jour en 1999. Voyant son paternel rouler, il a rapidement voulu l’imiter. Arnaud, né en 2002, a suivi le mouvement. «Nous nous roulions à trois quand Arnaud avait 7 ou 8 ans. Axel était plutôt bon mais on voyait déjà qu’Arnaud avait ce petit quelque chose en plus. À vélo, il était alors impossible de voir cette différence d’âge entre les deux frères», analyse Philippe

«J’ai commencé le VTT à 7 ans, depuis je n’ai pas cessé de rouler. Cela représente 14 ans de pratique acharnée de vélo», sourit le sportif.

Des résultats hors norme

À l’école, Arnaud ne se dit pas très studieux. S’il termine ses humanités à l’école technique, il fera une année supplémentaire en menuiserie en attendant d’avoir son statut de cycliste professionnel. Il l’obtient à 20 ans

«Généralement, en tant que fils d’agriculteur, on se dit que l’on va reprendre la ferme à la fin de ses humanités. Dans mon cas je ne les avais même pas finies que j’étais déjà semi-pro. La question d’une reprise ne s’est jamais vraiment posée, car nous pensions bien que j’allais rapidement passer pro.»

Philippe : «Il était champion de Belgique chez les 12 et 13 ans. À 15 ans, il est devenu vice-champion de Belgique. Il y a un moment où l’on ne peut plus faire ces résultats par hasard. Et pourtant, l’entraînement qu’il avait à cette époque n’était pas optimal. C’est à ce moment-là que nous nous sommes rendu compte qu’il était hors-norme d’un point de vue cyclisme.»

Arnaud ajoute: «Jeune, je roulais pour le Cyclo club Chevigny, une équipe qui a bien grandi pour devenir l’une des meilleures de Belgique. Elle est invitée aux courses comme le serait un gros club flamand. Ils ont le droit de placer cinq coureurs dans une course comme le feraient d’autres clubs renommés. Les chances d’y être repérés étaient donc bonnes. À mes 17 ans, je suis devenu champion de Belgique junior, j’ai gagné une dizaine de courses cette année-là. Lotto Soudal Development, équipe dans laquelle est mon frère, est venue vers moi. J’ai signé. En 2021. J’ai encore gagné une dizaine de courses et je suis passé pro en 2022 chez Lotto Dstny.» Et Pascale, sa maman, de sourire : «Son ascension ? Nous l’avons vécue avec des étoiles plein les yeux !»

Si le rêve du jeune cycliste est de remporter un jour une course World tour, il aspire pour le moment à progresser. «Chaque année, je m’améliore dans tous les domaines qui doivent l’être ou qui sont mes forces. Si cela continue de la sorte, je suis convaincu que dans 3 à 5 ans, je pourrai faire de grandes choses. Je sens en tout cas que j’ai un potentiel à exploiter et je suis ambitieux. Le cyclisme n’est pas un métier comme n’importe quel autre où il est possible de performer à n’importe quel âge. Ici, je sais que c’est de 25 à 30 ans que je peux être le plus performant. C’est là qu’il faut saisir les opportunités qui sont bonnes à prendre et grandir pas à pas.»

«La ferme et le cadre qu’elle m’impose fait partie de mon équilibre»

Malgré cette ascension fulgurante, Arnaud aime garder un pied dans la ferme. «Sur les premiers mois de l’année, j’en ai déjà passé plusieurs hors de chez moi. Le retour à la ferme me ressource», dit-il. «Il y est en vacances», sourit Philippe. «Si seulement… Aller traire après avoir roulé 6h30 n’est pas évident. Mais j’essaye de faire toujours au mieux», assure Arnaud.

D’autant qu’à la ferme, le travail ne manque pas. «On a eu jusqu’à 500 bêtes. Aujourd’hui, on est davantage à la diminution du troupeau car la charge de travail est encore trop importante. Ma femme et mes garçons me donnent un coup de main, mais quand je suis seul, je suis débordé. Le cheptel est composé de laitières (un quart du troupeau) et d’allaitantes (les trois quarts restant). Parmi ces dernières, un petit troupeau de Blondes d’Aquitaine, à côté de croisées B-BB – charolais – Maine-anjou.»

«Le choix de la Blonde, c’est avant tout un coup de cœur. Non seulement elles sont belles, mais elles peuvent aussi vêler seules et les carcasses sont bien valorisées.»

Arnaud et Philippe ont un vrai coup de cœur pour la Blonde d’Aquitaine.
Arnaud et Philippe ont un vrai coup de cœur pour la Blonde d’Aquitaine. - P-Y L.

À côté de l’herbe, Philippe cultive un peu de maïs et de céréales. «Je n’aime pas trop travailler avec le tracteur, je le fais mais ce n’est pas mon dada, je préfère travailler à l’étable. Pour Arnaud, c’est pareil. Quand il y a du travail dans les champs, c’est Axel que j’appelle. «Le tracteur m’endort» explique Arnaud. «J’aime traire. Déjà rien que pour le contact que l’on a avec chaque vache… Je les connais, elles ont chacune un caractère différent. Certaines sont hargneuses, certaines seront plus douces. Pour certaines, tu t’attends déjà au coup de patte…»

«Ma journée type ? Je me lève à 7h pour aller traire jusqu’à 9h. Je pars m’entraîner ensuite et, si la séance n’est pas trop longue, je retourne une heure aider mon père avant la traite du soir de 17h30 à 19h30. La traite et le vélo ont ceci de similaire que l’on passe beaucoup de moments seuls. Cela ne m’empêche pas d’être concentré dans mon travail. Les deux disciplines demandent de la rigueur. J’aime le travail bien fait. Quand je sors de la salle de traite, je dois avoir la satisfaction de quitter un endroit propre.»

«Chaque soir, après avoir mangé, je planifie mon parcours pour le lendemain. Que ce soit à la ferme ou sur le vélo, je connais mon programme. Ce sont des routines qui s’installent et la machine est bien huilée», sourit-il. Cela donne du rythme au quotidien. «Je n’ai d’ailleurs que très peu de pauses dans mes journées.»

Un avenir dans l’agriculture?

Une fois que sa carrière cycliste sera terminée, Arnaud ne sait pas encore s’il entreprendra une activité agricole : «Cela ne dépend pas vraiment de moi! Mais surtout de comment l’agriculture va évoluer… J’ai quelques appréhensions quant à l’avenir du secteur. Quand je vois les difficultés du métier et qu’il est difficile d’en profiter… On ne fait que compliquer le travail des agriculteurs. Cela ne va pas dans le bon sens. Nombreux sont ceux à en avoir déjà marre. J’ai l’impression que l’on dégoûte davantage les fermiers au lieu de les motiver. C’est aussi important pour lancer des jeunes dans la profession».

Philippe : «Axel a voulu travailler avec moi avant qu’il ne se décide à partir. J’ai été un peu déçu mais, en réfléchissant, quand je vois qu’il peut avoir une vie plus tranquille… Travailler et avoir beaucoup de boulot est une chose, mais il faut également pouvoir gagner sa vie. On souhaite toujours le meilleur à nos enfants, même si ça ne passe pas par la reprise de notre activité.»

Arnaud conclut : «Si j’entreprends une activité agricole, ce ne sera pas mon occupation principale. Je me verrais bien avec une centaine de bêtes, un troupeau laitier et des Blondes – voire des Charolaises –, des vaches qui vêlent seules. La passion de l’élevage, je l’ai… pour autant que l’activité puisse rester attractive !»

P-Y L.

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