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Deux entrepreneurs mettent le Black Angus au menu des Belges

Produire la meilleure viande possible en Belgique, avec un approvisionnement continu et une qualité constante : voilà l’idée d’Arnaud Vandenbogaerde et de Ludovic Ghyselen lorsqu’ils ont cofondé Angus Grand Cru. Maintenant que leur projet a mûri, ils n’arrivent déjà plus à répondre à la demande.

Temps de lecture : 9 min

A rnaud Vandenbogaerde est issu du secteur de la viande et de l’alimentation (Vandenbogaerde Food Group). Ludovic Ghyselen est chef de son restaurant Argendael à Courtrai. Avec Angus Grand Cru, ils sont aussi devenus un peu éleveurs, même si, de leur propre aveu, ils ne s’occupent que des tâches les plus agréables et les plus faciles.

« En tant que chef cuisinier de mon propre restaurant, je travaille avec de la viande de haute qualité depuis 16 ans. J’y propose de tout : races, qualités et coupes diverses, en provenance de différents pays… En tant que chef, c’est généralement un pari. Le problème, c’est que l’approvisionnement n’est pas toujours continu ni de la même qualité. Les indications de qualité et de race sont soumises à trop peu de réglementation », explique M.Ghyselen.

« Lorsque mes parents ont cessé leur élevage de chevaux à Zwevegem il y a 10 ans, j’ai eu l’idée d’élever moi-même des bovins d’une certaine race, afin d’approvisionner mon restaurant. Mon premier choix s’est porté sur le Black Angus, une viande que j’aime travailler dans ma cuisine. J’ai d’abord commencé à le faire par loisir, en important et en implantant des embryons. ».

 

Intérêt et passion

Arnaud Vandenbogaerde est parti d’un angle différent. Il est la quatrième génération à travailler dans le secteur de la viande et de l’alimentation. « Lorsque vous êtes dans le métier, vous saisissez les attentes de certains clients et vous détectez certaines opportunités, en plus des chaînes de viandes dites classiques que sont le blanc bleu belge et la blonde d’Aquitaine. J’ai toujours nourri un grand intérêt et une grande passion pour l’élevage bovin. Au départ, il s’agissait plutôt d’un hobby et de différentes races. Je possède aussi un vignoble en France et j’élève en amateur quelques wagyus pour mon propre usage », explique M. Vandenbogaerde.

« Il y a quelques années, nous nous sommes réunis et avons discuté de nos rêves, de nos idées et de nos projets. Après un an de préparation, nous avons commencé à très petite échelle, pour voir ce qui était possible, s’il y avait une demande, si c’était pratique et financièrement envisageable… Dans le pire des cas, nous élèverions « quelques » bovins pour le restaurant de Ludovic. »

 

Asseoir sur le marché une marque de qualité

« Nous souhaitions créer une marque de qualité comme il en existe quelques-unes pour la viande de porc : Duroc d’Olives, Brasvar, The Duke of Berkshire… Pour la viande bovine, il n’en existe pas encore en Belgique à cette échelle et avec cette approche de chaîne, peut-être aussi parce que les coûts de lancement et la logistique nécessitent un investissement plus important que pour le porc. Même pour la viande de poulet, il n’en existe pas en Flandre comme c’est le cas en France, par exemple », explique le duo.

« Dès le départ, nous avons tracé notre itinéraire. Ce faisant, nous n’avons pas regardé les coûts, mais uniquement le résultat : la meilleure viande qui soit. Nous déterminerons le prix de vente par la suite. »

Presque aussi bon que le wagyu

En quelques années, le projet Angus Grand Cru est devenu bien plus qu’un hobby ou un essai. « Nous avons acheté une petite ferme inoccupée à Espierres-Helchin avec quelques prés. Nous avons rénové le bâtiment et les étables. C’est là que nos bovins sont maintenant engraissés, après avoir grandi à l’étranger. Nous avons opté pour la race black angu s. En termes de goût et de qualité, elle se situe juste en dessous de la viande de wagyu, race japonaise encore plus connue, mais dont l’offre de matériel génétique de haute qualité est beaucoup moins importante. Lors de toutes les dégustations, notre viande est désignée comme la plus savoureuse. Son goût est reconnaissable, mais pas aussi extrême que celui de la rousse de Galice, par exemple », affirme le duo.

À l’origine, le black angus est une race écossaise, mais c’est aux États-Unis que sa saveur et son persillage ont été affinés. « Tout notre matériel génétique provient donc des États-Unis. Au début, la sélection génétique était exclusivement axée sur le persillage de la viande, mais nous avons appris à nos dépens que d’autres aspects étaient importants, comme le fait que les vaches soient de bonnes mères et qu’elles soient de constitution robuste. Aujourd’hui, notre élevage se compose de bovins issus à la fois d’accouplements naturels de membres de notre troupeau, d’inséminations artificielles et d’implantations d’embryons pour introduire de nouvelles lignées en provenance des États-Unis.

Dans la ferme d’Espierres-Helchin, les Black Angus écoutent de la musique classique.
Dans la ferme d’Espierres-Helchin, les Black Angus écoutent de la musique classique. - FVDL.

Le black angus est l’une des races bovines dont on dit encore qu’elle est proche du bétail primitif. Il est très résistant aux maladies et au froid, ne se blesse que rarement et peut vêler sans l’aide de l’éleveur. Comme il est dépourvu de corne, l’écornage n’est pas nécessaire. Les veaux restent avec leur mère pendant au moins six mois. »

 

France et Pologne

« Nos bovins grandissent pendant deux ans en France et en Pologne, puis viennent ici pour six mois d’engraissement. En France, nous avons acheté la ferme que nous occupons et c’est un éleveur flamand expatrié qui la gère pour nous. En Pologne, nous travaillons également avec un expatrié flamand, mais nous ne sommes pas propriétaires du lieu.

Les bovins black angus se développent mieux lorsqu’ils disposent de suffisamment d’espace, ce qui est possible en France et en Pologne. En France le bétail dispose de vastes prairies en lisière de forêt et d’un lac. Nos bovins y vivent tranquillement dans un cadre verdoyant au rythme des saisons, au sein de nombreux troupeaux formés naturellement, avec un taureau comme chef de groupe.

En Flandre, une surface de pâturage de 200 ou 250 ha serait impayable par rapport au nombre d’animaux. Et encore faudrait-il avoir la chance de pouvoir acheter une telle parcelle de terre agricole d’un seul tenant. C’est la seule raison pour laquelle nos animaux grandissent en France et en Pologne », expliquent Arnaud et Ludovic.

 

Exclusivement les meilleurs aliments

Pour ce qui est de l’alimentation, les bovins ne reçoivent que ce qu’il y a de mieux. « En France et en Pologne, les bovins vivent à l’extérieur toute l’année, ils se nourrissent donc principalement d’herbe pendant leurs deux premières années de vie. Nous avons beaucoup de respect pour les éleveurs qui traitent les flux résiduels, mais comme nous ne recherchons que la meilleure qualité et le meilleur goût, nos animaux ne reçoivent que les meilleurs aliments. Ainsi, pour mieux contrôler l’alimentation de nos animaux, nous ne leur donnons pas non plus de fourrage mixte ni de soja ou d’OGM. Nous leur donnons des graines de lin, du maïs, de l’orge et de la paille hachée. Nous avons dû chercher avant de trouver les bonnes proportions de ration d’engraissement. Les formules d’engraissement visent le « plus » de kilos, alors que nous visons les « meilleurs » kilos », ajoute Arnaud.

« La seule intervention consiste à cas trer les taureaux que nous n’utilisons pas pour la reproduction. Mis à part un vermifuge et un anti-mouches, nous n’utilisons pas d’antibiotiques ou d’autres médicaments. Lorsqu’ils sont transportés de la France vers la Flandre, nos bovins doivent uniquement être vaccinés contre la fièvre catarrhale. »

 

Musique classique à l’étable

Les animaux ne sont pas massés quotidiennement comme le wagyu au Japon, mais ils ne sont pas moins gâtés, avec de la musique classique diffusée dans l’étable d’engraissement. Tous les quinze jours, quatre bovins black angus de 730 kg environ (450 kg de poids chaud de carcasse) sont abattus à Mouscron. Il ne s’agit que de génisses et de bœufs. Les taureaux reproducteurs et les mères sont placés dans un circuit séparé.

« L’engraissement, l’abattage et la découpe sont effectués en Belgique, car nous voulons en avoir le contrôle total. Cela n’a aucun sens d’élever le bœuf parfait si la découpe n’est ensuite pas optimale. Sur le plan logistique, cela peut sembler complexe, avec des sites en France, en Pologne et en Flandre, mais j’ai pas mal d’expérience en la matière. Cela fonctionne comme une machine bien huilée. Les animaux arrivent à Espierres-Helchin par lots de 20 en provenance de France ou de 30 en provenance de Pologne », précise M.Vandenbogaerde.

 

Se développer en Flandre ou en Wallonie

« La demande pour nos produits Angus Grand Cru étant très élevée, nous envisageons de nous développer. À Helchin, notre permis nous permet de détenir un peu plus d’animaux, mais nous pourrions tout aussi bien décider de déplacer l’engraissement vers un plus grand site en Wallonie. Déplacer l’engraissement en France n’est pas une option pour nous. Nous ne souhaitons pas transporter des animaux engraissés sur plus de 500 km. Nous préférons nous charger nous-mêmes de l’abattage et de la découpe. Faire cela à l’étranger et ne faire venir ensuite que quelques carcasses par semaine par transport vers la Belgique, ce n’est pas la meilleure solution.

En Flandre, trouver de l’espace pour l’élevage est un véritable défi. En France ou en Pologne, élever des animaux pose beaucoup moins de problèmes. »

 

Une limite encore inconnue

La viande Angus Grand Cru est presque exclusivement destinée aux établissements horeca par l’intermédiaire d’Olivier Monteyne, de Monarti, à Roulers, qui met en vente une petite partie de notre production sur sa propre boutique en ligne.

« La demande pour notre viande est beaucoup plus élevée que nous ne l’avions prévu. Les bouchers sont très intéressés, mais nous ne parvenons pas à répondre à la demande, bien qu’il s’agisse d’un produit de luxe dont le prix est élevé. Nous devons d’urgence passer à la vitesse supérieure, tout en veillant à ce que tous les maillons de la chaîne puissent suivre. Nous ne savons pas encore quelle peut être l’ampleur de notre croissance.

Angus Grand Cru peut et va encore croître en nombre d’animaux transformés, mais pour nous, cela doit rester une activité secondaire à côté de notre travail principal. Nous avons lancé ce projet avec beaucoup de passion. Aujourd’hui, notre modèle d’entreprise est rentable et nous sommes très fiers de ce que nous avons créé de toutes pièces avec une équipe de collaborateurs fantastiques.

En même temps, nous sommes conscients que la croissance a des limites, que tous les consommateurs ne peuvent pas ou ne veulent pas payer ces prix. Le même modèle d’entreprise pourrait peut-être être copié pour d’autres races de bovins, de porcs ou de poulets. Quelqu’un d’autre pourrait essayer », concluent les deux entrepreneurs de Flandre occidentale.

D’après Filip Van der Linden

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