Avant d’incorporer un coproduit dans l’alimentation des animaux, l’éleveur doit définir la place qu’il souhaite lui donner dans son plan de rationnement : une solution de dépannage (sécheresse, stocks insuffisants) ou, une réaction face à une très bonne opportunité (prix attractif), ou une utilisation régulière. Des pommes de terre entières constituent la voie la plus simple à mettre en place dans l’alimentation des ruminants. Les excédents de récolte sont donc une source intéressante à valoriser dans les rations, à condition de maîtriser la chaîne d’utilisation : stockage, conservation, reprise, distribution.
Une bonne valeur énergétique
Un stockage maîtrisé
La maîtrise du stockage en ferme est primordiale afin d’assurer de bonnes performances zootechniques par la suite. Pour la pomme de terre entière, la conservation peut se faire en silo couloir ou taupinière, voir en silo sandwich. Il est cependant difficile de bien tasser les silos à cause de la faible teneur en matière sèche. Il est donc recommandé de lisser la surface avec une bâche plastique de bonne qualité.
La durée de stockage ne doit pas excéder quatre à cinq mois et reste variable en fonction de la météo. De fortes chaleurs peuvent notamment entraîner une forte dégradation des pommes de terre stockées sur des plateformes non couvertes.
Des seuils d’incorporation à respecter
Les pommes de terre entières peuvent être utilisées dans la ration des bovins et permettent de bonnes performances zootechniques, aussi bien en production laitière que chez les bovins viande ou les jeunes animaux.
De nombreux essais conduits dans les années 90 ont démontré scientifiquement un maintien de la production laitière, un taux butyreux qui peut augmenter légèrement et un maintien du taux protéique. Les matières utiles sont donc relativement stables.
Pour des vaches laitières, la proportion maximale ne doit pas dépasser 20-25 % de la matière sèche totale en pomme de terre. En pratique, et pour sécuriser la ration, il est recommandé de ne pas dépasser 10 kg brut de pomme de terre par vache et par jour, et en proposant une ration bien mélangée. On pourra aller au-delà si la ration contient moins de 25 % d’amidon et est suffisamment fibreuse. Il faudra aussi surveiller les performances laitières pour trouver le seuil à ne pas dépasser.
Exemple de ration pour vaches laitières (kg brut) :
– 37 kg ensilage de maïs ;
– 5 kg ensilage herbe ;
– 10 kg pomme de terre ;
– 5 kg correcteur azoté type tourteau de colza ;
– 1,5 kg de concentré énergétique ;
– 250 g minéral.
Pour des animaux à l’engraissement, la proportion peut se situer respectivement autour de 30-35 %. Ils sont très souvent utilisés en remplacement d’autres sources énergétiques provenant des concentrés. Les mêmes précautions doivent être prises pour la transition et les quantités apportées.
Exemple de ration pour engraissement (g brut) :
– 10 kg pomme de terre ;
– 21 kg pulpe de betteraves surpressée ;
– 1,5 kg correcteur azoté type tourteau de colza ;
– 100 g urée alimentaire ;
– 100 g minéral ;
– 40 g sel.
Une transition alimentaire à assurer
Une transition alimentaire doit être assurée pour incorporer la pomme de terre dans une ration de ruminants. Pour utiliser de façon optimale cette source alimentaire, il convient d’augmenter progressivement les quantités distribuées afin d’éviter des troubles digestifs. Pour assurer une transition adaptée, l’éleveur doit donc prévoir les stocks nécessaires pour assurer un apport continu, sans rupture des apports et sans oublier de toujours vérifier les performances zootechniques. La transition se fait idéalement sur 3 semaines en augmentant la quantité par palier tous les 3 à 4 jours.
De 25€/t en bovins lait à 35€/t en bovins viande
À ces tarifs, il est donc possible d’utiliser la pomme de terre en substitution d’une céréale ou d’un aliment composé riche en énergie. Cela reste fortement lié aux volumes disponibles et aux prix des principales céréales. Le coût du transport doit aussi être inclus pour établir un intérêt économique. Les élevages éloignés des sites de production doivent être particulièrement sensibles à ce facteur.
La pomme de terre est donc une excellente solution pour l’alimentation des ruminants, notamment pour pallier un éventuel déficit fourrager ou pour saisir une opportunité ponctuelle. Elle est utilisée préférentiellement dans les zones d’élevage proches des sites de production mais le prix d’intérêt « transport inclus » doit être étudié pour juger la pertinence économique de ce type d’achat.
Institut de l’Élevage