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Et voilà comment on a déserté les cours de ferme

Avec un PIB national tout rikiki de 0,7 %, l’agriculture belge exporte néanmoins 6 fois plus que sa part dans ce même PIB. Si on y rajoute l’industrie alimentaire, cette proportion grimpe jusqu’à fois 12 ! Petit mais costaud !

Temps de lecture : 3 min

L e paradoxe est qu’avec ce petit PIB, nos fermiers occupent 36 % du territoire national, et même plus de 42 % en Wallonie, ils dominent en quelque sorte le paysage.

Oui et alors ? Et bien la part de l’alimentation ne représente plus que 12 % de nos dépenses hors boissons. Alors soit les gens ne mangent presque plus rien ou alors la plupart achètent le moins cher du moins cher du moins cher…

Retour en arrière. Juste après la seconde guerre mondiale, les agriculteurs sont priés de produire un max pour que plus personne en Europe ne souffre jamais de la faim. Louable.

Mais au bout du compte ces surplus servent à créer des besoins tout neufs bien rangés dans les rayons des supermarchés.

Et Clap, le piège s’est refermé.

On a vendu notre bidon à lait en brocante et on a appris à pousser un caddie en silence. On n’a plus été acheter nos œufs chez Lucienne vu qu’à c’t heure elle est sûrement encore dans l’étable, la bonne excuse.

Et voilà comment on a déserté les cours de ferme, oublié d’aller prendre les nouvelles chez Lucienne et son mari, oublié le frais parfum de la laiterie en plein écrémage, et accessoirement oublié le vrai goût des bonnes choses. On a perdu le bon sens paysan.

Les saisons défilent et les fermiers travaillent pour faire vivre une famille (non, ce n n’est pas que pour prendre l air !).

Ils se sont tournés vers des productions plus industrielles pour assurer les débouchés. Ils ont intégré un tout nouveau vocabulaire : mise aux normes, cahier des charges, responsabilité sanitaire, agrégation, interdiction par-ci, obligation par-là.

Jusqu’au jour où la mère Europe a décidé de ne plus soutenir les prix agricoles de nos fermiers.

Et Clap piège numéro 2 !

La courbe des prix de vente du lait, blé, sucre s’est aplatie sur les cours mondiaux et y reste aimantée alors que tout ce qui est nécessaire à faire pousser et croître coûte de plus en plus cher.

C’est bien connu qu on se méfie de ce qu’on ne connaît pas, et ça n’a pas raté… On a commencé à se méfier des productions agricoles qu’on ne connaissait plus, qu’on a appris à ne plus apprendre.

L’agriculture, cette méconnue, responsable de tous les maux, mais toujours plus encadrée, responsable, et soumise aux contraintes qui caractérisent les exigences.

Et parce qu’au fond de nos mémoires courent toujours Lucienne et son mari, une nouvelle tendance s’est dégagée de cette méfiance. On s’est dit qu’en mangeant local et mieux encore, bio, on allait maîtriser nos angoisses de ne plus savoir, on allait contrôler le sujet et retrouver Lucienne et la confiance perdue.

Juste qu’au niveau contrôle, les agriculteurs sont servis. Merci. N’en rajoutez pas. Par contre qui fera monter le curseur des chiffres du SPF Économie un petit peu plus haut que 12 % ?

Colette Gillis Vanderzielen

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