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Sol et bovins: Ostracisme!

Comme c’est curieux : à la dernière page rédactionnelle du premier Sillon Belge de l’année, on peut lire un beau témoignage de la torture intellectuelle dont souffrent certains penseurs d’aujourd’hui.

Temps de lecture : 4 min

Tout le monde sait à quel point l’écosystème qui concentre dans le béton une population avec un haut niveau de consommation émet des gaz à effet de serre qui impactent le climat de la planète.

Apparemment, il faudrait demander aux campagnes de réduire la part d’émissions naturelles pour compenser ces nouvelles émissions totalement artificielles.

Un premier bouc émissaire est le cheptel bovin, ou plus exactement sa flore microbienne qui émet du méthane lors de la rumination. L’image du méthane (CH4) est paradoxale : bien perçu quand il arrivait, pas cher, de Russie dans nos chaudières ; adulé quand il sort d’une station de biométhanisation, accolé à la production de fumier et de lisier… de bovins, il est ostracisé quand il sort directement du rumen de nos vaches. Ostracisme donc pour la vache qui ne rit plus, d’autant qu’elle est la seule visée. À ce jour, les moutons, chèvres, biches et chevreuils échappent à la condamnation sociétale.

D’aucuns souhaitent réduire ou supprimer les bovins, et dans un même temps, augmenter les prairies permanentes qui sont des puits de carbone, comme on dit aujourd’hui. Cherchez l’erreur.

De fait, lorsqu’on retourne une prairie parce qu’on abandonne l’élevage, on minéralise le carbone stable qui s’est accumulé. Le jour où l’on va labourer les steppes de l’hémisphère nord, bonjour les dégâts prévus par le GIEC. Et la faute à qui, dans ce cas ? À l’activité biologique du sol qui profite de l’arrivée d’oxygène pour proliférer et remballer du CO2, l’autre gaz à effet de serre, dans l’atmosphère.

Nouveau paradoxe : ceux qui ont crié sur tous les toits que nos sols étaient à l’agonie, que leur activité biologique se mourrait, reprochent désormais leur trop grande vitalité, cause de la diminution du carbone dans nos terres de culture.

Je suis perplexe parce que l’on sent souvent pointer un doigt accusateur vers les agriculteurs, considérés comme les mauvais élèves de la classe au niveau de la lutte contre le réchauffement. Trop souvent, une fumée de chiffres donne le ton en rappelant un vieux dicton étudiant : « Les statistiques sont à -certains- scientifiques ce que sont les réverbères aux ivrognes : cela sert plus à les soutenir qu’à les éclairer. »

Si on remet les choses dans l’ordre :

L’augmentation du CO2 dans l’atmosphère vient essentiellement de l’énergie fossile qui alimente la croissance économique, donc le niveau de vie, individuellement ou collectivement. « Dis-moi combien tu es riche et je te dirais combien tu pollues au niveau climatique. »

Tout ce qui se passe en agriculture, pour l’essentiel, relève de phénomènes naturels. Et quand il y a des intrants d’un côté, il y a logiquement plus de photosynthèse de l’autre.

Qui dit « bilan carbone » implique des entrées, des sorties et de la transformation. Quand il s’agit d’agriculture, certains ne considèrent que l’énergie investie dans les tracteurs et l’azote. Ils font mine d’ignorer l’autre côté du bilan, cette énorme machine à lessiver le CO2 qu’est la photosynthèse que cela induit.

L’essentiel des émissions (CO2, CH4, N2O) attribués à l’agriculture provient de l’activité microbienne des sols et des animaux, phénomènes tout à fait naturels. Ostracisme, dirait Mr Beulemans, célébrité bien connue du théâtre bruxellois.

On pourrait qualifier ce dilemme de schizophrénique. Un sol avec une bonne structure donne un milieu oxydant, favorable aux bactéries aérobies qui émettent du CO2. Un sol tassé, humide donne un milieu réducteur, favorable aux bactéries anaérobies, émettrices de CH4. Dans ce schéma, l’agriculture a toujours tout faux.

Ciel, j’oubliais le champion des gaz à effet serre, responsable pour 70 % de leur impact et dont on ne parle jamais. Son nom ? La vapeur d’eau, en l’occurrence, les nuages ! Jusqu’à présent, personne n’accuse les agriculteurs d’en être responsables. Même les ONG les plus radicales ne demandent pas encore leur interdiction.

JMP

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