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Les recommandations de l’Irbab pour une campagne 2024 sans fausse note

Comme de coutume, l’Irbab s’est attelé, en 2023, à évaluer le potentiel d’un large panel de variétés betteravières. Rendement, richesse, sensibilité aux maladies… ont été analysés en détail, de même que bien d’autres critères. Ces résultats, accompagnés de précieux conseils, permettront d’anticiper aux mieux les prochains semis.

Temps de lecture : 11 min

En 2023, l’Institut royal belge pour l’amélioration de la betterave (Irbab) a procédé à l’implantation de ses essais majoritairement entre le 17 avril et le 5 mai, durant une période entrecoupée par de faibles pluies. Ces dates reflètent bien la réalité des campagnes, confrontées aux pluies incessantes ayant balayé le pays entre début mars et mi-avril, faisant de 2023 une année compliquée.

De bonnes levées

La date de semis « 50 » (date avec 50 % des betteraves semées) se situe vers le 3 mai. Des précipitations importantes, survenues entre le 9 et le 12 mai, ont perturbé la poursuite des emblavements, principalement dans l’ouest du pays.

Les levées au champ ont été bonnes, avec peu de différences entre les variétés. Le mois de mai a connu des périodes de températures parfois plus chaudes, parfois nettement plus froides. Le stade 4-6 feuilles a été atteint à la fin du mois de mai, pendant une période fort sèche se prolongeant jusqu’au 19 mai. Les très fortes chaleurs de la première moitié du mois de juin et les précipitations du 20 juin ont fait exploser la végétation.

Rouille en berne… mais explosion de cercosporiose

Contrairement aux années précédentes, la rouille a pratiquement été absente des cultures. L’oïdium s’est déclaré dans quelques parcelles et a envahi les variétés les plus sensibles, mais a souvent bien été géré par un traitement fongicide.

La maladie de cette saison 2023 est sans conteste la cercosporiose qui a véritablement explosé dès la première moitié du mois de septembre, profitant de conditions d’humidité et de température extrêmement favorables. Son développement a cependant été fort différent d’une parcelle à l’autre, dépendant de plusieurs facteurs : rotation, date du traitement fongicide, intervalle entre traitements, fongicide appliqué, sans oublier la variété.

La cercosporiose a été « la » maladie de la saison écoulée, tant les conditions d’humidité  et de température lui ont été extrêmement favorables en août et septembre.
La cercosporiose a été « la » maladie de la saison écoulée, tant les conditions d’humidité et de température lui ont été extrêmement favorables en août et septembre. - J.V.

Si la maladie a pu se développer à une telle vitesse, elle était souvent déjà bien installée dans les parcelles au cours du mois d’août. Suite aux températures caniculaires de septembre, associées aux précipitations importantes fin août et début septembre, elle a fini par défolier partiellement certaines parcelles. La grande variabilité observée en la matière dans les campagnes s’est également marquée dans les parcelles variétales de l’Irbab.

En fonction des dates d’arrachage prévues, deux traitements fongicides ont été appliqués. Cette année a été favorable aux variétés possédant une forte tolérance à la cercosporiose, ce qui s’est répercuté sur la productivité.

Rendements élevés, richesse faible

Afin de protéger au mieux les essais variétaux, un suivi rigoureux et des traitements contre pucerons et maladies foliaires sont réalisés par l’agriculteur sur conseil de l’Irbab. Lesdits essais ont d’ailleurs été récoltés entre le 29 septembre et le 2 décembre, dans des conditions très difficiles.

Les conditions d’arrachage étaient faciles jusqu’au 15 octobre, mais les précipitations ont retardé les arrachages suivants prévus. Deux essais n’ont malheureusement pas pu être récoltés.

Les rendements racinaires sont en moyenne fort élevés. A contrario, les richesses sont faibles depuis le début des arrachages et n’ont pratiquement pas évolué entre octobre et décembre. Outre une richesse faible, les racines restaient fort riches en azote alpha-aminé, pouvant montrer une forte disponibilité de l’azote dans les sols trop tardivement.

Les rendements moyens des essais sont de 104,7 t avec une richesse de 16,5 % sucre.

Toutes les données variétales recueillies à l’issue de cette saison sont présentées dans les tableaux 1 et 2, à savoir : les caractéristiques de rendements (racine, richesse, tare terre), les résistances aux maladies foliaires, le risque de montaison…

Si les rendements racinaires sont relativement élevés,  la richesse, elle, montre des résultats décevants...
Si les rendements racinaires sont relativement élevés, la richesse, elle, montre des résultats décevants... - J.V.

Par ailleurs, s’adaptant aux changements qui s’opèrent dans les systèmes de payement des betteraves à partir de 2024, avec des prix du sucre variant d’année en année et influençant le prix d’achat des racines (et parfois le prix des co-produits), l’Irbab a décidé de ne plus calculer de potentiel financier comme précédemment, mais de présenter le potentiel de productivité des variétés comme base de choix.

En effet, suite à l’arrivée, demain, de nouvelles génétiques procurant de nouvelles solutions (face à la jaunisse, notamment) avec des coûts de semences forts différents, une objectivité de comparaison saine était nécessaire. La colonne « productivité » représente la quantité de sucre produit par hectare et permet de comparer les variétés sur la productivité, la richesse et les paramètres sanitaires.

Quelles variétés choisir en situation classique ?

Toutes les variétés ont été testées par l’Irbab (tableau 1 et figure 1) dans des situations classiques sans problème particulier connu afin de comparer le potentiel de rendement et d’établir les caractéristiques variétales.

Dans cette situation, le choix de la variété s’orientera préférentiellement vers les caractéristiques intrinsèques qui forment le rendement plutôt que vers le type de variété « rhizomanie », « tolérant au nématode » ou « résistant au rhizoctone brun ».

En plus du potentiel financier de la variété, la tolérance aux maladies, la levée au champ ou la sensibilité à la montaison sont des facteurs pouvant guider dans le choix de l’une ou l’autre variété. Le regroupement pluriannuel des essais donne toujours une meilleure idée du comportement global de la variété sous l’influence des années différentes par leur climat, pression des maladies et autre.

52- Résultats de toutes les variétés - Irbab 2023

Figure 1: performances des variétés «rhizomanie» (en bleu), tolérantes au nématode (en vert) et résistantes au rhizoctone (en brun)en situation classique, au cours des années 2021, 2022 et 2023. Rendements relatifs en% des témoins(100 = moyenne des témoins). Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.
Figure 1: performances des variétés «rhizomanie» (en bleu), tolérantes au nématode (en vert) et résistantes au rhizoctone (en brun)en situation classique, au cours des années 2021, 2022 et 2023. Rendements relatifs en% des témoins(100 = moyenne des témoins). Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.

Les variétés tolérantes au nématode à privilégier

Le choix pour une variété tolérante au nématode à kyste Heterodera schachtii est impératif dans toute parcelle infestée par celui-ci. Au-delà de 150 œufs + larves par 100 g de sol, les pertes de rendement peuvent être de plusieurs pourcents, pertes limitées par l’utilisation des variétés tolérantes au nématode. L’intérêt de ces variétés tolérantes est d’autant plus intéressant que l’infestation est forte, même si celle-ci se situe dans les couches plus profondes (en dessous de 30 cm).

Beaucoup de variétés tolérantes au nématode possèdent aujourd’hui le potentiel de rendement comparable aux autres variétés en situation classique (tableau 2 et figure 2 ).

La détection de nématodes se fait par des analyses de sol, mais encore mieux par l’observation de la culture de betterave précédente. Certains symptômes sont indicateurs de cette présence : jaunissement du feuillage avec une carence en magnésie, flétrissement par ronds, kystes (blancs) sur les radicelles de betteraves et rendements racinaires faibles. Les variétés tolérantes au nématode à kyste peuvent toujours multiplier le nématode, mais celle-ci restera réduite par rapport à la multiplication mesurée avec des variétés de type classique !

52- - classement selon la santé du feuillage

Figure 2: performances des variétés tolérantes au nématode en situation «nématode», au cours des années 2021, 2022 et 2023. Rendements relatifs en pourcentage des témoins (100 = moyenne des témoins). Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.
Figure 2: performances des variétés tolérantes au nématode en situation «nématode», au cours des années 2021, 2022 et 2023. Rendements relatifs en pourcentage des témoins (100 = moyenne des témoins). Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.

Qu’en est-il de la tolérance au rhizoctone brun ?

Avant de faire le choix pour une variété tolérante au rhizoctone brun, on s’assurera d’avoir étudié les facteurs de risque présents sur la parcelle, à savoir :

– une rotation (fréquente) avec du maïs, surtout maïs grain, ou du ray-grass. L’incorporation de matière non digérée est un facteur aggravant ;

– défaut de structure du sol, suite aux récoltes effectuées dans des conditions humides, même au cours des dernières années ;

– présence de rhizoctone brun identifié en betterave sur la parcelle.

L’utilisation d’une variété tolérante atténue fortement la présence de betteraves pourries, mais ne l’exclut pas totalement ! En outre, le potentiel de rendement et la résistance sont parfois inversement liés ; il s’agira donc de choisir le bon niveau de résistance.

Par ailleurs, les variétés tolérantes ne constituent pas une solution si elles ne s’accompagnent pas de mesures agronomiques adéquates : rotation, respect de la structure du sol, pH optimal et fumure raisonnée.

Chaque année, l’Irbab étudie le potentiel des variétés. La tolérance au rhizoctone brun est étudiée dans des essais spécifiques infectés naturellement. L’observation pendant la saison et la cotation de la pourriture de toutes les betteraves récoltées de l’essai permet de déterminer la tolérance à cette maladie. En la matière, la figure 3 ci-dessous permet de préciser son choix.

Figure 3: tolérance des variétés au rhizoctone brun (2022-2023). «Outre le rendement, le choix doit se porter sur la tolérance à la pourriture en fonction de la parcelle», recommande l’Irbab. Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.
Figure 3: tolérance des variétés au rhizoctone brun (2022-2023). «Outre le rendement, le choix doit se porter sur la tolérance à la pourriture en fonction de la parcelle», recommande l’Irbab. Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.

Choix variétal : quels critères considérer ?

Il convient de prendre en considération plusieurs paramètres au moment de réaliser son choix variétal.

 La stabilité des performances variétales

On entend par stabilité d’une variété les différences de rendement/richesse obtenus par la variété entre les années d’étude. Cette (in)stabilité peut être due à un changement de la composition variétale elle-même (stabilité génétique), mais aussi de l’influence de l’année (climat, levée, maladies…) sur le comportement de la variété (stabilité agronomique). Si le changement génétique n’est pas autorisé, la stabilité agronomique est un facteur qui a son importance pour les planteurs.

Faire son choix variétal pour 2024 ne peut donc s’arrêter à l’expérience d’une année unique, qu’elle soit bonne ou moins bonne. Sélectionner ses betteraves de la sorte ne permettra pas de prédire le comportement de la variété dans des conditions à venir qui ne sont pas maîtrisées.

L’analyse des résultats, prenant en compte le potentiel des variétés sur plusieurs saisons (les variétés confirmées sur trois ans sont, à ce titre, plus documentées) ainsi que la stabilité du rendement et de la richesse entre les années permettra de s’assurer d’un choix raisonné.

 La tolérance des variétés aux maladies foliaires : un outil essentiel pour maintenir un feuillage sain !

La tolérance variétale aux maladies fait pleinement partie de la gestion intégrée des parasites et des maladies. Elle en est même un acteur essentiel, et pourrait être à l’avenir le premier outil pour protéger les cultures contre les bioagresseurs. Et ce, d’autant que le nombre de fongicides disponibles ayant une bonne efficacité en betterave diminue année après année et que les maladies présentent de plus en plus de résistance.

Dans le cadre de la protection intégrée des cultures (IPM), il est donc crucial de choisir une variété avec une tolérance spécifique ou multiple. Plus l’arrachage sera tardif, plus la tolérance des variétés aux maladies foliaires cryptogamiques prend son sens pour garantir le maintien du potentiel de production de la parcelle jusqu’en fin de saison.

Les maladies, comme la cercosporiose, sont de plus en plus présentes, et les fongicides efficaces disponibles disparaissent du panel de produits disponibles, tant du point de vue légal visant leur impact sur l’environnement que par le développement de résistances des maladies. Une réponse immédiate passe inévitablement par la tolérance variétale. La « santé du feuillage » des variétés s’est avérée très utile depuis quelques années, et encore plus en 2023 avec l’explosion de la cercosporiose.

Associée à la protection fongicide, la tolérance variétale doit assurer un feuillage sain, tout en réduisant le risque d’apparition de résistance aux fongicides. À titre d’exemple, aujourd’hui, la résistance de la cercosporiose aux strobilurines est pratiquement généralisée et une baisse de l’efficacité de certaines triazoles semble présente.

Parmi les maladies foliaires, la cercosporiose est certainement la plus dommageable car les traitements ne sont pas curatifs et doivent donc être appliqués avant que la maladie ne se propage. De plus, la protection fongicide a action réduite en durée. Choisir une variété plus tolérante est donc important pour maintenir un feuillage sain plus longtemps. Ceci est d’autant plus vrai que :

– la rotation en betterave est courte (la contamination vient de la parcelle) ;

– la parcelle semée est voisine d’une parcelle contaminée par la cercosporiose l’année dernière ;

– la récolte est tardive.

N’oublions pour autant pas que d’autres maladies foliaires peuvent également se développer, soit tôt dans la saison (oïdium), soit en fin de saison (rouille).

Pour l’ensemble de ces raisons, une « appréciation globale de la santé du feuillage » est reprise dans la description variétale, où la sensibilité à la cercosporiose reste l’appréciation dominante (voir tableau 1 et figure 4).

Figure 4: tolérance des variétés aux maladies foliaires cryptogamiques:plus la barre est longue, plus la variété est tolérante (classementpar catégorie par sensibilité à la cercosporiose).
Figure 4: tolérance des variétés aux maladies foliaires cryptogamiques:plus la barre est longue, plus la variété est tolérante (classementpar catégorie par sensibilité à la cercosporiose).

Pour bien choisir ses variétés

Bien choisir ses variétés pour les semis du printemps prochain nécessite de bien connaître ses parcelles.

La première question concerne la présence de maladies ou parasites détectés auparavant dans la parcelle et où la tolérance variétale peut apporter une solution :

– terre sujette à la cercosporiose : l’utilisation d’une variété avec un bon profil de tolérance est recommandée. Dans ce cas, il est également conseillé de faire attention à la proximité d’une parcelle de betteraves fortement touchée par la cercosporiose en 2023 ;

– en présence de nématodes, l’utilisation d’une variété tolérante au nématode sera d’office conseillée, même si l’infestation n’est pas élevée (150 œufs+larves/100 g de sol) ;

– dans une parcelle connue pour un problème de Rhizoctonia solani ou dans des rotations intensives de maïs/ray-grass, le choix d’une variété tolérante au rhizoctone brun s’impose. Rendement et résistance étant souvent inversement liés, il s’agira de choisir le bon niveau de tolérance.

–  terre sujette à la battance : il convient de considérer la qualité de la levée comme facteur complémentaire.

Le choix ne s’arrêtera pas sur une seule variété ou un seul sélectionneur : la diversité permet de répartir les risques éventuels liés à la graine, aux montées, aux maladies…

Comme rappelé ci-avant, les années ne se ressemblant pas, on choisira prioritairement sur base des résultats pluriannuels en commençant par les variétés stables qui ont prouvé leurs résultats !

Variétés Conviso Smart, en situations difficiles

Plusieurs variétés résistantes à l’herbicide Conviso One sont disponibles via la liste européenne. Celles-ci permettent d’utiliser un désherbage basé sur un mode d’action ALS en seulement deux passages espacés de 10 à 15 jours.

Actuellement, le niveau de production des variétés Conviso Smart commercialisées est plus faible que le niveau des variétés rhizomanie, nématodes ou rhizoctone retenues par l’Irbab. Leur utilisation doit donc répondre à des situations de désherbage difficiles. Il peut répondre à un besoin en cas d’infestation par des betteraves mauvaises herbes.

D’après André Wauters

Irbab

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