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Lenteur de la réaction judiciaire pour Veviba: «on se renvoie la patate chaude»!

Comme chaque crise agroalimentaire, ce nouveau scandale sanitaire fait couler beaucoup d’encre. Et la question qui se pose le plus pour le moment est de savoir pourquoi une perquisition n’a eu lieu que le 28 février 2018, alors que des fraudes ont été signalées en septembre 2016. Et comme à chaque fois, chacun se refile la patate chaude en essayant de se montrer moins coupable que les autres. Pendant ce temps-là, ce sont les éleveurs – bien innocents, eux ! – qui payent, malgré quelques aides et soutiens bienvenus.

Temps de lecture : 7 min

L’éclatement de l’affaire Veviba a entraîné dans la sphère politique un développement des idées d’aides aux éleveurs et d’assainissement de la filière agroalimentaire. Cela dans le but de ne pas pénaliser les producteurs dont la qualité du travail n’est pas remise en cause.

Le 14 mars, une délégation de la Fédération wallonne de l’agriculture (Fwa), de l’Union des agricultrices wallonnes (Uaw) et de la Fédération des jeunes agriculteurs (Fja) a ainsi été reçue par les chefs de groupe parlementaires. L’objectif de cette rencontre était de demander aux représentants politiques, tous partis confondus, de « prendre leurs responsabilités » pour générer une plus grande transparence dans les filières agroalimentaires et les abattoirs en particulier. « J’ai cru percevoir une unanimité des familles politiques sur la mise en place de coopératives de producteurs/éleveurs », a indiqué le secrétaire général de la Fwa, Yvan Hayez, à l’issue de cette rencontre. Un cahier des charges comprenant une série de propositions avancées par les acteurs de la filière sera prochainement déposé, tant au niveau régional que fédéral.

Soutiens aux personnes touchées

Le 15 mars, le ministre wallon de l’Économie Pierre-Yves Jeholet a décidé que le soutien accordé par la Société wallonne de financement et de garantie des petites et moyennes entreprises (Sowalfin) lors de la crise du fipronil sera élargi aux entreprises du secteur de la viande affectées. L’éleveur de viande bovine, le commerçant ou un autre distributeur pourront donc ainsi obtenir très rapidement, via leur banque, un financement de 75.000 € (pour rembourser la trésorerie), remboursable sur une durée de maximum 5 ans.

De son côté, le ministre fédéral de l’Agriculture et des Indépendants, Denis Ducarme, a décidé que les indépendants victimes de la fermeture partielle de Veviba pourront reporter d’un an, sans majoration, leurs cotisations sociales de l’année 2018. Les secteurs d’activité touchés seront reconnus comme secteurs en crise, ce qui permettra d’adapter les cotisations sociales de manière plus souple. Toutes les demandes de dispense de cotisations seront regroupées pour en assurer un traitement uniforme.

Le Parquet général accuse l’Afsca…

L’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), considérée comme largement fautive dans l’affaire, se retrouve, elle, dans le collimateur de la classe politique dans son ensemble.

Selon le Parquet général, l’Afsca n’a jamais fait valoir auprès du magistrat instructeur la nécessité d’intervenir de manière urgente pour prévenir de risques de santé publique. « Il semble qu’à aucun moment l’agence n’a cru devoir réaliser un contrôle approfondi dans les installations de Bastogne sur la base de ses compétences administratives », a rajouté le Parquet général.

Cependant, dans son rapport transmis lundi à la Chambre, l’Agence indique être intervenue plusieurs fois pour accélérer l’instruction du dossier. Si l’ampleur de la fraude et l’organisation de cette dernière ont « surpris » l’agence et sont qualifiées d’« inacceptable », elle a précisé que les contrôles étaient menés avec « beaucoup de zèle, de passion et de dévouement. »

… qui s’en défend formellement !

« Il convient de clarifier que s’il y avait eu pendant l’instruction la moindre indication de l’existence effective d’un risque pour la sécurité de la chaîne alimentaire, des mesures auraient été prises immédiatement. Cela a d’ailleurs été le cas dans ce dossier : dès que la perquisition menée dans l’entreprise, dans le cadre de l’enquête judiciaire, a mis en lumière certaines pratiques qui n’avaient rien à voir avec les constats initiaux réalisés au Kosovo, il a été demandé de dresser un PV spécial à l’attention du juge d’instruction permettant à l’Afsca et au ministre de prendre les mesures administratives nécessaires, telles que le retrait de l’agrément et le rappel de produits auprès des consommateurs. »

« Un cas comme celui de Veviba montre cependant les limites d’une telle approche », note encore l’Afsca pour qui il faut repenser la manière dont de telles enquêtes relatives aux fraudes seront abordées à l’avenir. La synthèse des aspects techniques et scientifiques, juridiques et judiciaires, et ceux liés à la communication « pose clairement problème dans la gestion de tels dossiers ».

L’agence a enfin insisté sur le fait qu’« il n’existe aucune indication d’une éventuelle collusion entre un collaborateur de l’agence et des entreprises du groupe Verbist, voire d’autres opérateurs actifs dans la chaîne alimentaire. »

Une attitude défensive regrettable

Le manque de moyens de la justice et de la police semble aussi avoir joué un rôle non négligeable dans la lenteur de la réaction judiciaire. Il n’y a plus que 4 juges d’instruction dans le Luxembourg et 2 policiers référents pour les enquêtes en lien avec la Santé publique, indiquent les annexes du rapport. La perquisition a dû en outre être reportée pour cause de manque de policiers.

À la lecture du rapport, la députée Ecolo Muriel Gerkens a reproché à l’Afsca de tenter de justifier son action plutôt que d’essayer de comprendre ce qui n’allait pas chez elle. « Le rapport démontre une attitude défensive de l’Afsca et non une attitude introspective. Après la fraude détectée au Kosovo, ils ne semblent pas se dire qu’il faudrait aller voir de plus près ce qu’il y a dans les frigos de Veviba », a-t-elle ainsi regretté.

Des moyens trop réduits

Aux yeux de la députée, le rapport démontre aussi le manque de moyens dévolus à l’Agence et la nécessité de transférer sa tutelle vers la Santé. « Tant les ministres Borsus que Ducarme ont mis l’accent sur le rôle de l’Afsca dans l’exportation. Le rapport dit clairement qu’il en est résulté un manque de moyens. »

Ces dernières années, les ministres de l’Agriculture ont porté une « grande attention » à l’exportation ainsi qu’à l’accompagnement des opérateurs du secteur, « et les moyens ont été mobilisés à cet effet », explique l’agence. « Cette mobilisation est allée de pair avec les mesures de restrictions budgétaires et en personnel. » Entre 2014 et 2018, le nombre d’agents est en effet passé de 1.161 à 1.062 équivalents temps plein. « L’Agence a, dans la mesure du possible, essayé de compenser les diminutions du personnel par des augmentations d’efficience, mais il y a néanmoins aussi une diminution des missions effectuées. »

Entre Veviba et le Mercosur,la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea) ne manquait pas de revendications en se présentant en tracteurs à Schuman lundi matin
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Entre Veviba et le Mercosur,la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea) ne manquait pas de revendications en se présentant en tracteurs à Schuman lundi matin ! - D.C.

Manifestation de la Fugea

Entre Veviba et le Mercosur, la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea) ne manquait pas de revendications en se présentant en tracteurs à Schuman lundi matin ! « D’un côté, l’affaire Veviba démontre une fois de plus les limites d’un modèle industriel. », déplore ainsi le syndicat. « Les pratiques frauduleuses d’une poignée d’acteurs ont un impact considérable sur la rémunération des producteurs et la santé des consommateurs.  »

« En parallèle, les institutions européennes sont sur le point de signer des accords de libre-échange avec le Mercosur. Si ceux-ci sont actés, le marché européen se verra envahi par la viande « low cost » sud-américaine, viande dont le prix extrêmement bas ne se justifie que par le non-respect des normes sanitaires, environnementales, et de bien-être animal. »

Une délégation de 8 agriculteurs a été reçue par le Premier ministre Charles Michel, auxquels ont été exposées les revendications de l’organisation. Plusieurs points positifs ont été retirés de cet échange par la Fugea, notamment une demande d’audit de l’Afsca pour percevoir les faiblesses et améliorer rationnellement ces points, accompagnée d’une consultation du secteur plus largement représenté. Le Premier ministre s’est également opposé à une signature du traité sur le Mercosur en l’état, et a affirmé porter une attention particulière à l’équilibre de celui-ci et à la considération des productions agricoles, afin que celles-ci ne deviennent pas une variable d’ajustement.

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