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Un tien vaut mieux que deux tu l’auras

La semaine dernière, j’ai lu – en premier lieu – avec une grande admiration l’article concernant la nouvelle sucrerie à Seneffe. Les chiffres et les conditions, qui y sont énumérés, sont impressionnants et plein d’espoir.

Cependant, en seconde lecture de l’article, la vraie réalité nous saute aux yeux :

Temps de lecture : 3 min

– sur un investissement total d’approximativement 330 millions d’Euros, il y a seulement environ 52 à 60 millions de capital propre venant des betteraviers actifs (parts sociales A, B et S). Les fonds propres sont donc seulement d’environ 17 %, ce qui est très bas ;

– l’endettement à acquitter est approximativement de 270 millions d’euros et ce paiement est prévu sur 15 ans, c’est-à-dire que chaque année 18 millions doivent être remboursés ou, en d’autres mots, 12 euros par tonne de betteraves ;

– le conseil d’administration sera composé pour 60 % en représentants des planteurs de betteraves et pour 40 % d’autres, parmi lesquels probablement des acheteurs de sucre (Coca-Cola) via des parts sociales F.

Ceci est plus mauvais que chez Südzucker où 58 % du capital propre sont aux mains des planteurs et donc une représentation proportionnelle dans le conseil d’administration de Südzucker.

Sur la perspective du prix des betteraves, il y a aussi quelques réserves à formuler :

– le prix proposé vaut pour des betteraves avec une richesse de 18 %. Aussi, afin de pouvoir faire une comparaison correcte avec Iscal et/ou la Raffinerie Tirlemontoise, il faut déduire approximativement 9 % dudit prix ;

– de plus, les prix cités sont des prix indicatifs et on ne s’engage nulle part à payer ces prix effectivement. Pire encore… Le coordinateur Benoit Haag donne à la fin de son exposé que dans quelques circonstances les conditions de rentabilité peuvent être moins favorables, c’est-à-dire : prix de la betterave et dividende inférieurs.

Par ailleurs, si moi, en tant que betteravier (parts sociales A et B), j’entre dans le projet, je remarque que je suis lié jusqu’en 2032 (13 ans). Même s’il y a des conditions de rentabilité inférieures (prix de la betterave inférieur), je n’ai aucune possibilité de sortir plus tôt du projet. Et ceci tandis que ceux qui possèdent des parts sociales S peuvent eux sortir à tout moment. Et avec l’utilisation très limitée des néonicotinoides et la perte possible de l’utilisation, par exemple, du Bétanal, une culture de la betterave pratique et rentable n’est plus une sinécure. Et pourtant je voudrais, en tant que betteravier, être libre de pouvoir arrêter à tout moment cette culture.

Aussi bien chez Sopabe (Iscal) que chez Sopabe T (Raffinerie Tirlemontoise), je suis, en tant que betteravier, libre à tout moment d’arrêter d’être betteravier et de récupérer ma participation. De plus, aussi bien chez Iscal que chez RT, j’ai la certitude que mes betteraves livrées seront payées. Ce nouveau et beau projet, plein de bonnes intentions, n’offre jusqu’à présent aucune garantie tant sur le prix indicatif proposé que sur un paiement tout court.

Le projet de Seneffe mérite tout le respect et le soutien, mais je recommande à tout le monde de tout de même bien réfléchir avant d’enterrer les certitudes et d’entrer dans le projet pour être attaché jusqu’en 2032 et seulement recevoir des prix indicatifs présentés (à 18 %).

Finalement, j’aimerais me référer au vieil adage : « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras »

Un planteur hesbignon

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