Transformé en gîte, le moulin a le vent en poupe
L’ancien moulin à vent de Remicourt a connu plusieurs vies… Construit en 1819, il a vécu des moments plus tourmentés durant les Guerres mondiales, a servi de logement, pour ensuite être racheté par des agriculteurs puis atterrir entre les mains de la Spi (l’agence de développement territorial pour la province de Liège). Depuis maintenant dix ans, c’est Cédric Sacconne et son épouse Céline Anciaux qui gèrent ce patrimoine local réaménagé en gîte. Un bâtiment hors du commun situé à quelques pas de leurs champs où ces maraîchers font pousser des cultures pour tous les goûts et de toutes les couleurs.

Après avoir quitté Waremme et être passé par le centre de Remicourt, c’est un autre paysage qui nous attend. Au bout d’une rue se trouve un drôle de bâtiment : un ancien moulin à vent. Dépourvu de ses ailes, il prendrait même des airs de petit phare. En poussant la porte de ce dernier, on y découvre un logement plutôt insolite. Cédric Saccone, le gestionnaire des lieux, fait le tour du propriétaire. Au rez-de-chaussée se trouve le coin salon et cuisine. Une cuisine qui, comme les autres meubles, a dû être réalisée sur mesure. En effet, pas évident de coordonner des éléments standards avec des murs circulaires… L’ensemble a d’ailleurs été pensé dans ce sens, comme les portes coulissantes permettant de gagner de l’espace. Et oui : plus on monte, plus les pièces se rétrécissent. À l’étage, c’est la première chambre, avec un lit suspendu en forme d’œuf. Un véritable cocon créé par un menuisier, tandis que l’étage supérieur fera le bonheur des enfants avec ses deux lits. Enfin, au dernier étage, se situe la salle de jeux. Un gîte atypique, prisé pendant les vacances scolaires, mais également loué par des personnes travaillant dans la région souhaitant un pied-à-terre.

Plus de 200 ans d’histoire
S’il est difficile de retracer l’histoire exacte du bâtiment, les quelques informations à son sujet indiquent une construction en 1819 par Joseph Mélotte. Appelé moulin de Pousset, puisqu’il se situe sur le territoire de cette ancienne commune, il est compliqué d’établir sa durée de fonctionnement. Néanmoins il possédait encore ses ailes vers 1900. Ensuite arrivent les deux Guerres mondiales. Durant la seconde, des Allemands s’y installent et y placent un point d’observation. Après la libération, les Américains s’en servent de camp, il s’agissait alors de troupes assurant la logistique. Dans les années 70-80, deux frères l’occupent comme logement. Par après, il est transformé en maison puis acheté et transformé en gîte par des agriculteurs : Raymond Geneviève Snikers, ses propriétaires d’antan. Nous sommes dans les années 2000… Quelques années plus tard, la Spi en reprend les rênes ainsi que celles de la ferme attenante s’étendant sur 5 ha. Toutefois, l’agence rencontre des difficultés pour vendre le bien, et le tout est à l’abandon durant deux ans. C’est alors qu’arrivent Cédric Saccone et son épouse Céline Anciaux. Éducateurs de formation, ils ont commencé le maraîchage bio dans leur ancien village de Vaux-et-Borset. En 2015, ils acquièrent la ferme et un hectare, tandis que la surface restante est en bail à ferme. La gestion du gîte se retrouve, elle, entre leurs mains.
« Nous y avons apporté quelques touches de déco, comme dans les chambres, tandis que la base a été réalisée par les anciens propriétaires. Nous avons envie de conserver son côté rustique et chaleureux afin d’y offrir un accueil familial à la ferme. On y met en avant le moulin et nos cultures puisque ses occupants peuvent visiter notre infrastructure », raconte Cédric. D’ailleurs, pour s’immerger directement dans leur environnement, les nouveaux locataires y reçoivent un panier de légumes. Un petit cadeau qui s’intègre parfaitement avec l’esprit du lieu.
Un patrimoine préservé aussi… dans les champs !
Il suffit de jeter un petit coup d’œil par une des fenêtres du moulin pour avoir envie d’en apprendre plus. Pour cela, il faut traverser la rue, direction les cultures. Cédric et son épouse y cultivent une septantaine de légumes différents, le tout sur 2 ha, dont la moitié sous serres. On y retrouve de toutes les sortes. À titre d’exemple, pour les 3.000 plants de tomates, il y a plus d’une vingtaine de variétés différentes. Des carottes, il y a les oranges, évidemment, mais aussi des blanches et des violettes. « De plus, nous cultivons des fraises, et nous avons un verger avec 75 anciennes variétés de pommes, poires, prunes. Planté vers 2017, nous commençons à récolter les premiers fruits de ce chantier », poursuit le maraîcher bio. Dès lors, les variétés sont choisies pour leurs qualités gustatives et pour leur résistance aux maladies. L’opportunité de découvrir de nouvelles saveurs ou d’en (re)découvrir de plus anciennes bien éloignées des rayons de la grande distribution… Afin de les goûter, il faut se rendre au magasin de la ferme. 65 % de la production est écoulée via ce commerce ouvert 3 jours par semaine pendant la période estivale, et 2 jours en dehors. En outre, afin de vendre leurs produits, le couple mise sur un chalet où il est possible d’acheter des fruits et légumes en self-service.
Concernant la production restante, elle part vers la coopérative des petits producteurs à Liège, Circuit-Paysan ou la Ruche qui dit oui. « Nous nourrissons 350 à 400 familles par semaine ! »
Se diversifier en restant réaliste
Sur la route, nous croisons un cheval se rendant en piste extérieure. Céline Anciaux accompagne sa cavalière. C’est l’heure de la leçon ! Maraîchère, la Remicourtoise porte aussi la casquette de monitrice d’équitation. Plusieurs chevaux se trouvent donc ici. Certains leur appartiennent tandis que d’autres sont à des propriétaires. Petits et grands peuvent de cette manière profiter de ces infrastructures et des sports équestres. Professionnelle, Céline y propose ses services, comme le travail des chevaux. Des équidés que les enfants peuvent également découvrir lors de stages à la ferme organisés par le couple.
Autre endroit, autres animaux avec les porcs, un croisement Duroc, Landrace et Piétrain achetés auprès d’un éleveur bio en plein air. Des bêtes nourries avec les légumes invendus ou les parties non consommées. Et oui, rien ne se perd. Si les porcs valorisent les restes de légumes, à côté des prairies des chevaux, le fumier composté sert d’engrais sur les champs.
Les porcs sont abattus à 9 mois. « Leur nourriture permet d’avoir une viande de qualité, avec du bon gras. Elle est vendue sous forme de colis au magasin ». Le couple réalise trois cochons par an. Il aurait souhaité en proposer davantage « mais les normes demandées par l’Afsca ne correspondent pas du tout à un petit élevage comme le nôtre ».
Réaliste, Cédric a eu des moutons avant d’arrêter. Pas question de se perdre dans trop d’activités, et finalement de ne plus savoir où donner de la tête ! Il explique : « On dit que les agriculteurs doivent se diversifier. Néanmoins, il ne faut pas partir dans tous les sens et perdre en efficacité dans chacune des branches que l’on veut développer. Le maraîchage comprend déjà beaucoup de choses différentes : il faut produire, suivre les cultures, commercialiser, communiquer… ». Une expertise plus que nécessaire pour suivre l’ensemble de la filière, de la semence au panier de légumes apporté aux meuniers du jour !
