Protocole avortement : le pilier de la surveillance épidémiologique
Que ce soit dans le cadre d’une notification d’une suspicion de cas ou d’une déclaration d’avortement, transmettre l’information est d’une importance cruciale à titre individuel parce qu’elle ouvre une ou plusieurs piste(s) diagnostique(s), mais aussi à hauteur de la collectivité parce qu’elle nourrit un réseau de surveillance. Avec ses 2 % d’avortons et de mort-nés de moins de 48 h faisant l’objet d’une déclaration officielle dans le cadre du protocole avortement, le secteur de l’élevage des petits ruminants ferait presque figure de milieu réfractaire à la démarche diagnostique et aux initiatives des autorités visant à motiver celle-ci. Ce pourcentage pourrait étonner quand on sait que le coût des analyses opérées dans le cadre de ce protocole par les laboratoires régionaux et le laboratoire national de référence est entièrement pris en charge par les autorités. S’agit-il, dès lors, d’une volonté de taire l’événement abortif, d’une crainte de mise en place de mesures de biosécurité imposées ou tout simplement d’une méconnaissance des éléments législatifs et des démarches diagnostiques proposées ?
Une enquête sur la gestion des avortements menée en 2019 par l’Arsia et la Faculté de médecine vétérinaire (FMV) de l’ULiège auprès des éleveurs ovins apporte un éclairage édifiant. Sur les 70 éleveurs répondants à cette enquête, et dont la distribution des profils était similaire à celle du secteur (à savoir majoritairement orientée vers le détenteur hobbyiste), plus de la moitié précisait ne jamais avoir fait appel à leur vétérinaire face à un épisode abortif. 75 % des répondants mentionnaient ne pas connaître les démarches à effectuer pour notifier un avortement et pour bénéficier des analyses réalisées. En outre, près de 3 répondants sur 4 faisaient part de leur intérêt pour disposer de plus amples informations sur les pathogènes responsables d’avortement dans l’espèce ovine. Élément complémentaire enfin, apporté par le rapport d’activités publié par l’Arsia en 2021 : le taux de participation au protocole avortement croît avec la taille du troupeau, démontrant si ce n’est une plus grande motivation au moins une connaissance réelle des initiatives diagnostiques par des élevages pouvant être qualifiés de « professionnels ». La marge de progression est donc colossale ! Enfin, pour ceux répondant connaître l’existence du protocole avortement, un des principaux freins à leur participation consiste en l’absence du système de vacations vétérinaires (indemnisation du coût de la visite vétérinaire) comme il existe pour le secteur bovin. Signalons que ce frein devrait être bientôt levé : la révision de l’arrêté royal concerné conduirait prochainement à la mise en place d’un système de vacations équivalent au profit des secteurs ovins et caprins.
Gageons que ces éléments permettent le renforcement d’un robuste maillage tissé entre éleveurs, vétérinaires praticiens, laboratoires et autorités dans la surveillance des maladies. C’est un pilier indispensable pour maintenir la santé de nos troupeaux et opérer un monitoring syndromique digne de ce nom, en particulier face à l’émergence de nouveaux pathogènes dans un cadre de bouleversements climatiques et d’intenses échanges commerciaux qui en accroissent inévitablement le risque.