Comprendre la jaunise virale de la betterave pour mieux lutter
Il est aujourd’hui essentiel de se préparer au retrait possible des insecticides en développant des solutions alternatives de lutte contre les maladies telle que la jaunisse virale de la betterave. Le projet ViroBett s’est intéressé durant trois ans à des leviers comme la mise en évidence de variétés tolérantes ou l’association à d’autres plantes, sans oublier la compréhension des mécanismes de transmission de la maladie.

Le projet ViroBett, financé durant 3 ans dans le cadre du plan de Relance de la Wallonie, a été mené afin de comprendre le développement de la jaunisse virale en betteraves sucrières et trouver des solutions pour lutter contre celle-ci.
Trois axes de recherches
Pour trouver des alternatives aux néonicotinoïdes et améliorer la stratégie de lutte intégrée contre cette maladie, il faut comprendre comment elle se propage et se comporte. Le projet comportait donc trois axes principaux de recherche :
– La compréhension de la propagation des virus dans différents contextes paysagers en s’intéressant aux pucerons et auxiliaires, ainsi que l’identification des plantes réservoirs des virus de la jaunisse ;
– Le test de différentes techniques de lutte : produits de biocontrôle, associations culturales, variétés tolérantes ou résistantes
– L’intégration des différents leviers identifiés dans des fermes pilotes afin de tester leur faisabilité chez les agriculteurs.
Trois années et un taux de présence variable des pucerons
Pour mener à bien le premier axe, un réseau de parcelles situées partout en Wallonie a été constitué et suivi durant trois ans, en 2022, 2023 et 2024. Ces parcelles ont à chaque fois reçu un traitement au seuil et ont fait l’objet du questionnement suivant :
– Quand arrivent les premiers pucerons ?
– Comment évoluent les populations de pucerons et leurs prédateurs durant la saison ?
– Quel est l’impact sur la jaunisse en fin de saison ?
Afin de répondre à la première question, des plantes sentinelles ont été placées près des parcelles. Celles-ci permettaient d’identifier la présence éventuelle de pucerons avant la levée des betteraves, dès le mois de mars.
Il est a noté qu’en 2022, les semis ont été réalisés fin mars avec des premières levées en avril alors que les années 2023 et 2022 plus humides, ont reporté les semis et engendré des levées à la mi-mai.
Ainsi, en 2022, les pucerons sont arrivés 5 jours après la levée des betteraves tandis qu’ils se sont présentés de manière plus étalée en 2023 et 2024. « Globalement, ils étaient déjà présents 15 jours avant sur d’autres cultures tel que le colza. Néanmoins, ces plantes ne sont pas hôte du virus et on peut émettre l’hypothèse que les pucerons ont perdu le virus sur ces cultures », explique Margot Beelaert du Cra-w.
La présence des pucerons a ensuite été suivie, toutes les semaines, de la levée à la fermeture des lignes. Les pucerons verts et noirs ainsi que les auxiliaires (prédateurs des pucerons) ont été recensés afin de réaliser des courbes d’évolution des populations au cours du temps. L’année 2022 a été marquée par une présence élevée de pucerons noirs mais aussi verts (dans une moindre mesure car ils se multiplient moins vite) avec un seuil atteint tout au long de la saison. La courbe des prédateurs suit l’évolution de celle des pucerons avec un petit décalage de départ puisqu’ils arrivent après que leur source de nourriture soit présente.
2023 fut, quant à elle, seulement marquée par un pic de pucerons à la mi-juin et, 2024 présenta peu de pucerons.
Un contrôle de la présence des insectes sur betteraves nécessaire
Afin de vérifier si ce qui circule dans la parcelle est bien présent sur les plantes, d’autres dispositifs de suivi tels que les bacs jaunes ont été utilisés. En 2022, les présences identifiées dans les bacs et les comptages étaient similaires alors qu’en 2023, on notait des différences. « D’où l’importance d’aller voir sur les betteraves afin d’être sûr de la présence de pucerons », précise la chercheuse. En 2024, le système de capture a été remplacé par des plaques collantes permettant également d’isoler les individus et de les analyser pour voir s’ils étaient virosés.
La question de savoir si la présence de parasitoïdes est un bon moyen de gérer les pucerons se pose également souvent. En effet, ceux-ci pondent à l’intérieur de ces derniers et contribuent à leur élimination. Pour y répondre, des plantes sentinelles inoculées avec des pucerons d’élevage ont été placées en parcelles en début de saison afin de calculer le taux parasitisme. « On remarque un taux faible à cette période. Il augmente en fin de saison mais il ne peut donc pas être considéré comme efficace pour contrôler les pucerons sur betteraves. Elles ne sont vraisemblablement pas l’un des milieux les plus favorables au développement des parasitoïdes ou n’accueillent pas les espèces de pucerons compatibles pour les parasitoïdes étant donné que peut d’entre eux émergeaient des momies recensées ».
En termes de dégâts ?
Les données collectées ne permettant pas de prédire le comportement de la jaunisse, les chercheurs ont choisi d’utiliser les pucerons comme indicateur d’évolution de la maladie et d’expliquer leur présence et nombre en fonction de différents paramètres, notamment paysagers pouvant être des réservoirs de pucerons pendant l’hiver.
Les surfaces de betteraves sucrières ou fourragères engendrant des résidus et pouvant créer des réservoirs, mais aussi de colza ainsi que les zones naturelles et prairies extensives pouvant abriter des auxiliaires ont été repérées. Aucun de ces paramètres ne semble avoir une influence significative sur la présence du puceron sauf la présence importante de surfaces de betteraves fourragères à 500 m de la parcelle. « L’hypothèse est à confirmer en inspectant les silos mais cela pousse à réfléchir à l’utilité éventuelle d’enfouir les fins/restes de silos ».
Les paramètres météorologiques ont bien sûr une grande importance sur l’évolution des populations de pucerons mais, ils n’ont pas encore pu être intégrés dans le modèle vu les trois années de recherches contrastées.
Développer des variétés tolérantes ?
Face au développement d’une maladie ou la disparition d’un produit, le réflexe est souvent de se tourner vers la sélection de variétés tolérantes ou résistantes. Il est donc pertinent de s’intéresser au potentiel de résistance à la jaunisse des différentes variétés de betteraves disponibles.
Dans ses essais, l’Irbab a un peu forcé la nature en réalisant des inoculations à l’aide de pucerons 100 % virulifères élevés en conditions contrôlées.
Une série de variétés disposées en parcelles de 6 rangs sur 6 mètres (soit 130 betteraves) ont été testées. Pour chacune d’entre elles, 4 betteraves au centre de la parcelle ont été inoculées, à différents stades de développement des plantes, de 2-4 feuilles, 8 feuilles à la fermeture des lignes. Ces variétés n’ont reçu aucun traitement. Les chercheurs ont laissé les pucerons agir et transmettre la maladie selon les deux modes de transmissions (voir encart) afin d’observer comment se présentaient les symptômes de la jaunisse ainsi que la perte de rendement engendrée en fonction des variétés et des stades d’inoculation.
Une variabilité de perte de rendement a été observée en fonction du stade d’inoculation avec un impact moins fort sur certaines variétés après 8 feuilles. « Pour ces variétés, on pourrait dès lors envisager de stopper la protection après ce stade, néanmoins, le rendement, bien que supérieur aux autres n’est pas suffisant par rapport à un témoin. Ces variétés semblent peut-être moins sensibles aux viroses et à la perte de rendement mais leur potentiel n’est pas encore suffisamment intéressant », explique André Wauters.
L’Irbab poursuit les tests dans ce sens en réalisant des infections mixtes comme celles recensées dans les analyses sur le terrain afin de voir si les plantes peuvent également se montrer discriminantes en fonction du type de virus.
La vitesse et la forme de la dispersion du virus en fonction des variétés ont également été analysées en inoculant une betterave au centre d’un carré de 10m sur 10m en l’absence de traitement. Ces expériences ont également mis en évidence des variétés davantage tolérantes.
Afin de voir si l’extension de la jaunisse pouvait être entravée par la présence d’une variété tolérante, celle-ci a été plantée 1 rang sur deux avec une variété sensible. Le test n’a pas été concluant, la variété étant tolérante au virus mais pas aux pucerons, ceux-ci passant au-dessus des rangs.
L’effet d’une plante compagne
Outre le levier génétique, l’Irbab s’intéresse également aux plantes compagnes et aux associations pouvant avoir un impact sur le développement de la jaunisse en betterave.