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La situation de l’épeautre en Suisse

L’histoire de l’épeautre en Suisse est similaire à celle de la Wallonie. On y cultive cette espèce depuis le Néolithique et jusqu’au 19è siècle, elle est la principale céréale du pays.

Temps de lecture : 3 min

Depuis le 19è , l’épeautre a dû céder sa place au froment mais il reste une céréale importante pour les Suisses avec environ 10.000 ha pour 80.000 ha de froment. Preuve de cet attachement à cette culture, l’Agroscope possède la plus grande collection d’épeautre du monde. Elle contient 2000 accessions.

Et pourtant…

L’Agroscope ne fait plus de sélection d’épeautre et le marché suisse de cette céréale ne repose que sur deux variétés : Oberkulmer et Ostro inscrites respectivement en 1948 et 1978. En réalité, l’offre n’est structurée qu’autour d’une seule génétique car la variété Ostro est le résultat du croisement d’Oberkulmer avec le Rouge du Tyrol.

Fin des années 90, la décision gouvernementale accorde un prix très différencié entre les « Ur dinkel », autrement dit les « purs épeautre » et les autres variétés qui contiennent peu ou prou de froment dans leur génétique.

La décision peut sembler pertinente au premier abord mais c’est sans compter que l’épeautre est à l’origine un hybride entre l’amidonnier et le froment. La définition actuelle suisse d’un « pur épeautre » est un épeautre qui doit être semblable à Oberkulmer. Nos races locales wallonnes, par exemple, ne correspondent pas à cette définition. Les croisements entre les épeautres et les froments spontanés sont nombreux et les premiers croisements volontaires entre les deux sous-espèces ont été réalisés en Allemagne, fin du 19è siècle. En Belgique, c’est seulement dans les années 50 que la Lignée 24 a été croisée avec le froment suédois Virtus pour donner naissance à la variété Ardenne et à tous ses descendants (Rouquin, Franckenkorn, Cosmos…).

Toute la sélection suisse intégrant une part de froment a donc été balayée du marché, il y a 25 ans. Ce fut notamment le cas des variétés Lueg et Hubbel, qui pour l’époque, étaient bien plus résistantes et productives que Oberkulmer et Ostro.

Une chute de 30 % du rendement

La conséquence de cette recherche de la « pureté variétale » apparaît désormais clairement à l’analyse des rendements. Si depuis, 20 ans, les rendements en froment stagnent et ne diminuent pas, c’est parce que la sélection parvient à compenser les pertes dues au dérèglement climatique. En épeautre, l’arrêt de la sélection et la non-utilisation d’une grande diversité ont conduit la culture à une réduction de 30 % du rendement ! Les deux « purs » épeautres sont très sensibles à la verse, aux rouilles et ne sont pas adaptés aux nouvelles conditions climatiques plus sèches et plus chaudes qui affectent la Suisse.

Dans son métier, le sélectionneur passe beaucoup de temps à étudier les métabolismes de défense et de développement des espèces végétales. La diversité des mécanismes mis en place par les plantes ne peut qu’être constatée au travers des variétés. Celles-ci n’ont jamais une façon unique de réagir face à un pathogène, un ravageur, un stress ou une carence. La diversité des variétés permet de ne pas suivre des procédures figées. En les adaptant continuellement et en mettant à profit la diversité de leurs mécanismes de réaction, on peut faire face aux défis climatiques. Dans le monde vivant, la rigidité est synonyme de mort. C’est pourquoi plaider pour une sélection vivante et diversifiée est indispensable.

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