Un peu d’histoire

Les premiers écrits mentionnant l’Ardennais Roux datent du 16ème ou XVIIe siècle. À cette époque, l’abbaye de Saint Hubert connait un grand rayonnement religieux, culturel et artistique. Un abbé de l’abbaye vantait les mérites du mouton et vendait, chaque semaine, une cargaison d’Ardennais Roux à la cour du Roi de France. Parcourant les landes et bruyères de l’Ardenne, cette race était réputée pour la saveur de sa viande.
Quelques années plus tard, lors de ses conquêtes en Espagne, Napoléon découvre le mouton Mérinos, reconnu comme le meilleur mouton pour la production de laine. L’empereur décide alors de diffuser le Mérinos à travers l’Europe. Toutes les races de moutons ont donc été croisées avec du Mérinos pour améliorer la qualité de leur laine, la rendre plus fine et plus longue. Cependant, les tentatives de croisement avec le mouton Ardennais, dans un centre à Bastogne, n’ont pas donné les résultats escomptés. Une explication à donner serait la rudesse du climat. Malgré sa qualité, la laine du Mérinos absorbe l’eau, telle une éponge, lorsque le mouton est exposé à la pluie, rendant ainsi son déplacement plus laborieux. Contrairement à ce dernier, la laine de l’Ardennais contient du jarre, une sorte de poil qui le protège des intempéries. Cette adaptation au climat plus humide permet donc à l’eau de s’écouler mais rend également la laine plus urticante.
Au XIXe siècle, l’Ardennais Roux était la race dominante qui était également élevée en France, au Grand-Duché du Luxembourg et en Allemagne. À cette époque encore, les ovins étaient majoritaires par rapport aux bovins. Les bergers emmenaient les troupeaux pâturer sur les terres incultes. Jusqu’au jour où le code forestier impose la mise en valeur des terrains incultes et provoque une plantation massive d’épicéas. Les surfaces de pâturage des moutons se voient progressivement réduites, de même que les élevages. Les bonnes prairies étant destinées aux bovins. De plus, d’un point de vue social, passer d’un élevage de mouton à un élevage de bovins était une sorte d’ascension sociale. En effet, le mouton était considéré comme l’animal du pauvre.
Le mouton régresse alors jusqu’au début du XXe siècle. Des écrits du Ministère de l’agriculture, datant de l’entre-deux-guerres, témoignent néanmoins que l’Ardennais Roux reste la principale race ovine en Ardenne. Durant la Seconde Guerre mondiale, celle-ci diminue fortement et finit par disparaître de l’Ardenne à la fin des années 50. Le dernier troupeau répertorié était situé à Freux, entre Saint-Hubert et Libramont, dans l’élevage du baron de Fierlant. Ce dernier ne trouvait plus de bélier et a croisé ses brebis avec du Solognot, race française la plus proche de l’Ardennais Roux. Le troupeau a ensuite été dispersé.
L’histoire semble s’achever pour l’Ardennais Roux... Jusqu’au jour où, fin des années 80, des moutons sont retrouvés en Flandre par des éleveurs amateurs flamands qui nomment la race « Klein-Brabant Voskop », traduit par le mouton renard du Petit-Brabant. Par des recherches historiques, ils se sont rendu compte qu’il n’y avait aucune mention de ce type de mouton mais bien de l’Ardennais qui était élevé en Ardenne puis envoyé en Flandre pour l’engraissement.
La race de l’Ardennais Roux a donc pu perdurer, notamment chez un éleveur impliqué dans la sauvegarde de nombreuses races en Belgique, Jan Hermans. Originaire de la vallée de la Rupel, il subit les inondations dans les années 60 qui détruisent sa ferme et se voit contraint de déménager à Kalmthout, au nord d’Anvers. Là-bas, le climat est rude et difficile, avec du vent, de la pluie et des prairies très maigres. Il y installe ses Klein-Brabant Voskop et tente de les croiser avec différents moutons pour produire des moutons plus viandeux qui s’y développeraient bien, sans jamais réussir à surpasser l’adaptabilité du Voskop.
La sélection de l’Ardennais s’est poursuivie chez les éleveurs flamands. En 1995, Christian Mulders, accompagné d’un autre éleveur, ramène des moutons de Flandre et développe l’élevage. À l’heure actuelle, une centaine d’éleveurs inscrivent leurs animaux dans le livre généalogique. Avec entre 1.000 et 1.500 femelles reproductives, la race reprend progressivement sa place et s’est même de nouveau étendue jusqu’au Grand-Duché du Luxembourg. Cependant, elle reste toujours sur la liste des races locales menacées avec son nombre de brebis reproductives inférieur à 7.500 têtes.