Pour une conception de l’élevage davantage systémique

C hez nous, l’élevage bovin est engagé dans différentes directions d’évolution possibles, certaines ancrées dans le modèle industriel, d’autres davantage axées sur le développement de logiques plus « circulaires ». Cette diversité montre notamment que l’agriculture de type « industriel » n’est pas ou plus un modèle qui structure de façon homogène l’approche de l’élevage. Il n’en demeure pas moins que celui-ci continue de conditionner autant ses structures matérielles que ses logiques de gestion et son imaginaire social.

Plusieurs acteurs soulignent la fragilité des exploitations d’élevage est importante : d’une part, en raison d’une contraction de la demande pour la viande de Blanc-Bleu pour la consommation à domicile ; d’autre part, en raison des fluctuations importantes du prix du lait. Ils proposent donc un travail critique sur les races de bovins utilisées, notamment pour privilégier des troupeaux de races dites « rustiques » qui bénéficient d’une plus grande autonomie alimentaire et nécessitent moins de soins. Si Une réorientation vers de nouvelles races plus adaptées tant aux évolutions de la demande qu’à de nouveaux systèmes d’élevage plus polyvalents apparaît indispensable pour plusieurs des acteurs interrogés, la majorité des acteurs estiment, toutefois, qu’il est important de préserver une logique différenciée et se méfient de modèles d’élevage qui auraient une visée globale.

Maîtriser l’amont et l’aval

Une grande partie d’entre eux estime que la reconquête de l’autonomie est une priorité. Pour ce faire, en complément du développement de l’élevage de races bovines plus polyvalentes et autonomes, la plupart misent sur une mutualisation de ressources permettant davantage de maîtrise de l’amont et de l’aval de leur activité. Le passage par une déspécialisation de l’élevage wallon dans l’activité de « naisseur » pour aller vers celle de « naisseur-engraisseur » leur permettrait de se réapproprier la valeur ajoutée.

En amont, la mutualisation des ressources peut passer par un travail plus étroit entre exploitations agricoles à petite échelle pour mettre en place des systèmes de polyculture/élevage. Cela suppose la création de dynamiques d’économie circulaire à l’échelle locale. Cette logique peut également se mettre en place au sein de fermes multifonctionnelles qui intègrent une partie de la production de leurs énergies primaires. Il ne s’agit pas uniquement d’une question environnementale mais bien également d’une question économique fondamentale pour l’élevage.

En aval, la création de coopératives et de groupements de producteurs peut permettre une meilleure gestion de la valeur ajoutée des productions bovines en rapprochant producteurs et consommateurs et en réduisant les intermédiaires.

Ainsi, chez la plupart des sondés se dégage un souci pour une conception de l’élevage davantage systémique. La mise en relation des différentes composantes de l’élevage et le développement d’une approche complexe de celui-ci semblent constituer le soubassement d’une conception renouvelée de l’élevage bovin. Toutefois, malgré le caractère prometteur de ces évolutions, les sondés reconnaissent que ledit élevage fait face à d’importantes menaces, à la fois propres aux limites d’une organisation de type « industriel », mais aussi en raison de transformations sociétales et économiques externes au secteur.

Un premier ordre de menaces concerne les activités d’élevage. À ce titre, certains épinglent le risque de « concentration des acteurs dans les filières conventionnelles ». Cela signifie, notamment, de demeurer dans le partage institué entre filière lait et filière viande et de se refuser à évoluer vers une approche systémique qui intègre une vision plus transversale de l’élevage et de son économie. D’autres insistent sur le manque de valorisation sociale du métier : autant la pénibilité du travail que son sens dans un contexte de méfiance sociale vis-à-vis de l’élevage pour des raisons environnementales ou sanitaires risquent de s’opposer au renouvellement des générations d’éleveurs wallons, dont l’âge moyen demeure très élevé.

Un second ordre de menaces relève de facteurs plus exogènes aux activités d’élevage. Au niveau économique, certains épinglent l’augmentation constante du prix des terres agricoles qui empêchera le maintien de l’élevage ou de se lancer dans des modèles plus extensifs. La faible rentabilité de l’élevage entre également en concurrence, au niveau agricole, avec les grandes cultures. De grands changements affectent également les pratiques de consommation, en particulier en viande bovine dont la baisse de consommation – en particulier de morceaux dits « nobles » – touche de plein fouet la tradition d’élevage de Blanc Bleu Belge.

Enfin, les changements climatiques, notamment les sécheresses plus fréquentes « fragilisent les exploitations par la réduction des ressources fourragères ». Les aléas climatiques mais aussi les risques sanitaires peuvent impacter très négativement la trésorerie des exploitations.

D’après « Les futurs incertains

de l’élevage bovin en Wallonie »

Cahier de prospective de l’Iweps nº3

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