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Eric Bosly, CEO de Cosucra: «Nos ingrédients peuvent répondre au défi environnemental et climatique actuel»

Voyant croître l’intérêt de ses clients pour ses ingrédients naturels issus de la chicorée et du pois, Cosucra entend poursuivre son développement à travers le monde. Pour y parvenir, d’importants plans d’investissements sont mis sur pied. Mais l’entreprise compte aussi sur les agriculteurs belges, espérant qu’ils se tournent davantage vers le pois jaune.

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Cosucra demeure un fleuron de l’industrie agro-alimentaire belge. Fondée en 1852, à Warcoing, l’entreprise s’est spécialisée durant de longues années dans l’extraction de sucre de betterave avant d’amorcer, en 1986, sa reconversion dans l’extraction d’inuline de chicorée. La société familiale poursuit sa diversification en 1990, alors qu’un nombre croissant de consommateurs et d’industriels s’interroge quant à l’impact de l’alimentation sur la santé et le bien-être. Elle se lance alors dans l’extraction de protéines, fibres et amidon de pois jaune.

La production de sucre est abandonnée en 2003, soulignant ainsi l’orientation ferme de Cosucra vers la transformation de produits agricoles en ingrédients naturels et innovants destinés à l’alimentation humaine.

L’année 2022 est, quant à elle, exceptionnelle à plus d’un titre. En effet, la société célèbre son 170ème  anniversaire avec un nouvel administrateur délégué à sa tête. En mars dernier, Jacques Crahay a transmis les clés de la maison à son neveu, Eric Bosly.

Et ce dernier mesure l’ampleur des tâches qui se présentent à lui : d’une part, accroître l’autonomie énergétique de l’entreprise et, d’autre part, accompagner les consommateurs dans la transformation de leurs habitudes alimentaires. Avec un objectif commun : réduire notre empreinte environnementale.

Un approvisionnement local

L’engagement environnemental de Cosucra se traduit notamment à travers son approvisionnement local. Tous les planteurs de chicorée sont actifs dans un rayon de 50 km autour de l’usine ; 70 % des racines proviennent de Belgique – principalement de Wallonie – tandis que le solde est acheminé depuis le nord de la France. « Cela contribue aussi à accroître notre efficacité logistique, en termes de réactivité et de coût. En outre, cela permet à notre service agronomique d’être au plus près des agriculteurs », ajoute Benoît Dion, responsable Achat Matières premières.

Un véritable écosystème s’est d’ailleurs créé au sein de cette zone d’approvisionnement. Des conditions d’achat stables contribuent à fédérer les planteurs autour de la société tandis qu’un réseau d’entrepreneurs s’est spécialisé dans le semis et l’arrachage des racines.

Les pois proviennent, eux, majoritairement de France. « La culture n’est pas suffisamment développée en Belgique. Elle présente pourtant l’avantage d’être une bonne tête de rotation et ne requiert aucune fertilisation azotée, ce qui en fait un véritable atout « durabilité ». Cependant, contrairement à la chicorée, les rendements peuvent être très variables d’une année à l’autre. » Cela explique pourquoi le pois peine à convaincre les agriculteurs, bien que l’apparition de nouvelles techniques, comme l’association pois-céréales, puisse contribuer à inverser la tendance.

« Les agriculteurs qui souhaiteraient s’orienter vers cette culture doivent savoir que nous sommes en mesure de leur proposer un débouché stable. Et ce, d’autant que nous sommes à la recherche de matières premières locales en vue d’accroître notre production mais aussi parce que nous essayons, en collaboration avec Wagralim et d’autres acteurs, de faciliter le déploiement d’une filière wallonne des protéines végétales », ajoute Eric Bosly.

Et de poursuivre : « En termes de contrat, nous nous adaptons à l’évolution des coûts de production et aux marchés. Tout en leur garantissant un débouché, nous nous efforçons de préserver le revenu des agriculteurs. La culture doit rester rentable car c’est aussi ce qui nous permet de pérenniser l’approvisionnement de notre outil de production. » La hausse de la demande en matières premières d’origine agricole a d’ailleurs conduit à une augmentation substantielle du prix payé aux 400 producteurs de chicorée livrant l’entreprise.

Soutenir la croissance

En parallèle, l’intérêt pour les ingrédients « made in Warcoing » va croissant. « Les secteurs de la biscuiterie et de la boulangerie désirent réduire la teneur en sucre de leurs produits, certains industriels souhaitent augmenter la teneur en fibres des produits laitiers… Les aliments contribuant à améliorer la qualité de la digestion voient leur demande croître… Ce ne sont là que quelques exemples de situations auxquelles nos ingrédients « santé » peuvent répondre », révèle M. Bosly.

En outre, Cosucra souhaite s’impliquer dans la transition vers une alimentation plus durable. « La consommation de protéines animales doit basculer en partie vers une consommation accrue de protéines végétales et ce, partout dans le monde. Nous ne menons certainement pas un combat contre l’élevage et la viande, mais sommes convaincus que nos ingrédients d’origine végétale, produits en Europe, constituent une partie de la solution face au défi environnemental et climatique actuel », poursuit-il.

Cosucra est à la recherche de matières premières locales en vue d’accroître sa production. Les agriculteurs tentés par la culture du pois jaune doivent y voir une opportunité.
Cosucra est à la recherche de matières premières locales en vue d’accroître sa production. Les agriculteurs tentés par la culture du pois jaune doivent y voir une opportunité. - Cosucra

Par ailleurs, la demande des consommateurs pour une alimentation locale et peu transformée ne cesse de progresser. Cela confère à l’entreprise un avantage certain face à certains concurrents qui transforment chimiquement l’amidon afin qu’il acquière des propriétés équivalentes à l’inuline, comme sa non-digestibilité. « De notre côté, nous ne faisons que séparer et concentrer ce que nous fournit la nature, sans aucune modification ultérieure. »

Ces différents éléments ont conduit la direction à élaborer un plan d’investissement ambitieux devant lui permettre de soutenir sa croissance à l’échelle mondiale. Ainsi, 80 millions d’euros ont été injectés ces sept dernières années dans l’usine pois. Sa capacité a été fortement accrue en vue de répondre aux futurs besoins de l’entreprise. Un plan majeur d’investissement est aussi en préparation pour l’usine chicorée, dans le même but d’accroissement des capacités de production.

Doper le recours aux ingrédients « santé »

Cette croissance est envisagée non pas en allant soustraire des parts de marchés auprès des concurrents mais en visant une utilisation accrue des ingrédients développés par Cosucra. Eric Bosly détaille : « Notre département Recherche et Développement élabore des concepts de produits finis qui sont ensuite présentés à nos clients et potentiels clients. Ceux-ci prennent alors conscience des possibilités que peut leur offrir notre gamme ». Cela va des produits laitiers aux boissons végétales, en passant par les ingrédients de boulangerie et biscuiterie, les produits élaborés de viande ou volaille ou encore les alternatives végétales à la viande.

Ledit département (10 % du personnel, pour un budget de 3 à 5 % du chiffre d’affaires) s’attelle également à la sélection variétale en chicorée (lire ci-contre) et à l’optimisation des procédés industriels.

Mais revenons-en à l’essor de l’entreprise. Celle-ci s’attend à connaître une croissance importante en Europe. La majeure partie de la demande de ses clients devrait d’ailleurs provenir du Vieux continent. Le reste du monde n’est pour autant pas négligé. La filiale commerciale installée aux États-Unis poursuit son travail, de même que les bureaux asiatiques.

« Nous accentuerons encore notre présence à travers le monde dans les prochaines années pour être au plus proche de nos clients. Et ce, avec notre propre personnel. C’est essentiel si l’on souhaite convaincre nos distributeurs et clients de l’intérêt que présentent nos produits. »

Gagner en autonomie énergétique

Enfin, comme bien d’autres acteurs de l’agro-industrie, la fulgurante ascension des prix de l’énergie constitue un paramètre supplémentaire dont Cosucra doit actuellement tenir compte. « Bien que ce ne soit idéal ni pour nos clients, ni pour les consommateurs, nous n’avons pas d’autre choix que de répercuter cela sur nos prix de vente. Cette augmentation est nécessaire au maintien de notre activité en Belgique. »

Cette situation conforte néanmoins l’entreprise warquinoise dans ses choix : réduire sa consommation énergétique, électrifier davantage l’usine et favoriser le recours aux énergies vertes. Pour ce faire, l’installation d’une unité de biométhanisation est envisagée à moyen terme. Outre un gain d’autonomie, elle permettra à Cosucra de rencontrer ses objectifs environnementaux.

J. Vandegoor

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