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Les recommandations de l’Irbab pour amorcer au mieux la campagne 2023

À travers ses parcelles d’essais, l’Irbab évalue chaque année le potentiel d’un large panel de variétés betteravières, en s’intéressant au rendement, à la sensibilité aux maladies, à la richesse en sucre… parmi d’autres critères. Voici les principaux enseignements des travaux menés en 2022, accompagnés d’un regard sur les résultats des années antérieures et de précieux conseils pour anticiper au mieux les semis du printemps prochain.

Temps de lecture : 10 min

En cette année 2022, l’Institut royal belge pour l’amélioration de la betterave (Irbab) a procédé à l’implantation de ses essais majoritairement entre le 17 et le 30 mars pendant une période très favorable aux semis, et un essai a été semé après une petite période pluvieuse, le 13 avril. Ces périodes reflètent bien la réalité des campagnes.

Les levées au champ ont été perturbées par les températures extrêmement froides de début avril, suivies de faibles pluies et d’un vent desséchant favorable à la formation d’une légère croûte. Plusieurs variétés ont, dans ces conditions, montré des levées difficiles entraînant un manque de pieds.

Des pluies providentielles

La croissance juvénile des betteraves était plus favorable qu’en 2021 (printemps froid), mais les pucerons étaient également plus précoces. Le printemps était fort sec avec un désherbage pas toujours réussi. Heureusement, le mois de juin a apporté environ 80 mm d’eau, des pluies bienvenues avant cet été historiquement sec.

Le développement et la masse foliaire de fin juin étaient normaux mais, en milieu d’été, cette masse foliaire s’est considérablement réduite. Par contre, les rendements racines étaient déjà élevés tout comme la richesse. Les flétrissements étaient fréquents, mais les pluies de la mi-août d’abord et de début septembre étaient providentielles pour le maintien des feuilles.

La cercosporiose et la rouille tardive ont prédominé

Les maladies foliaires se sont installées à la mi-juillet et les premiers traitements contre la cercosporiose ont été appliqués. L’oïdium s’est également déclaré dans plusieurs parcelles et a envahi les variétés les plus sensibles malgré le traitement fongicide appliqué.

La croissance juvénile des betteraves a été plus favorable en 2022 qu’en 2021...  mais les pucerons étaient également plus précoces.
La croissance juvénile des betteraves a été plus favorable en 2022 qu’en 2021... mais les pucerons étaient également plus précoces. - J.V.

Bien que présentes, les maladies n’ont que faiblement progressé au cours du mois de juillet et jusqu’au milieu du mois d’août. À partir du mois de septembre et surtout en octobre, la cercosporiose et la rouille progressaient partout. Les essais ont été traités une ou deux fois en fonction des maladies présentes.

Des rendements élevés dès les premiers arrachages

L’arrachage des essais a démarré début octobre et s’est poursuivi jusqu’au 25 novembre. Les conditions de travail étaient faciles jusqu’au 15 novembre, mais les précipitations ont retardé les derniers arrachages prévus.

Les rendements étaient, comme déjà annoncés par l’Irbab cet été, élevés dès le début des récoltes et ont peu évolué au cours du mois d’octobre et de novembre. La richesse, quant à elle, se montrait variable d’une région à l’autre.

Toutes les données variétales recueillies à l’issue de cette saison sont présentées dans les tableaux 1 et 2, à savoir : les caractéristiques de rendements (racine, richesse, tarre terre), les résistances aux maladies foliaires, le risque de montaison…

Performances des variétés recommandées en situation classique

Toutes les variétés ont été testées (tableau 1 et figure 1) dans des situations classiques sans problème particulier connu afin de comparer le potentiel de rendement et d’établir les caractéristiques variétales. Dans cette situation, le choix de la variété s’orientera préférentiellement vers les caractéristiques intrinsèques qui forment le rendement plutôt que vers le type de variété « rhizomanie », « tolérant au nématode » ou « résistant au rhizoctone brun ».

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Figure 1: performances des variétés «rhizomanie» (en bleu), tolérantes au nématode (en vert) et résistantes au rhizoctone (en brun) en situation classique, au cours des années 2020, 2021 et 2022. Rendements relatifs en% des témoins (Lisanna Kws, Evamaria Kws, BTS 3480 N, Tessilia Kws, BTS 3305 N, Caprianna Kws et Bosley). Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.
Figure 1: performances des variétés «rhizomanie» (en bleu), tolérantes au nématode (en vert) et résistantes au rhizoctone (en brun) en situation classique, au cours des années 2020, 2021 et 2022. Rendements relatifs en% des témoins (Lisanna Kws, Evamaria Kws, BTS 3480 N, Tessilia Kws, BTS 3305 N, Caprianna Kws et Bosley). Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.

En plus du potentiel financier de la variété, la tolérance aux maladies, la levée au champ ou la sensibilité à la montaison sont des facteurs pouvant guider dans le choix de l’une ou l’autre variété. Le regroupement pluriannuel des essais donne toujours une meilleure idée du comportement global de la variété sous l’influence des années différentes par leur climat, pression des maladies et autre.

Performances des variétés tolérantes au nématode en situation « nématode »

Le choix pour une variété tolérante au nématode à kyste Heterodera schachtii est impératif dans toute parcelle infestée par celui-ci. Au-delà de 150 œufs+larves par 100 g de sol, les pertes de rendement peuvent être de plusieurs pourcents, pertes limitées par l’utilisation des variétés au nématode. L’intérêt de ces variétés tolérantes est d’autant plus intéressant que l’infestation est forte, même si cette infestation se situe dans les couches plus profondes (en dessous de 30 cm).

Beaucoup de variétés tolérantes au nématode possèdent aujourd’hui le potentiel de rendement comparable aux autres variétés en situation classique (tableau 2 et figure 2).

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Figure 2: performances des variétés tolérantes au nématode en situation «nématode», au cours des années 2020, 2021 et 2022. Rendements relatifs en pourcentage des témoins (Lisanna Kws, Evamaria Kws, BTS 3480 N, Tessilia Kws, BTS 3305 N, Caprianna Kws et Bosley). Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.
Figure 2: performances des variétés tolérantes au nématode en situation «nématode», au cours des années 2020, 2021 et 2022. Rendements relatifs en pourcentage des témoins (Lisanna Kws, Evamaria Kws, BTS 3480 N, Tessilia Kws, BTS 3305 N, Caprianna Kws et Bosley). Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.

La détection de nématodes se fait par des analyses de sol, mais encore mieux par l’observation de la culture de betterave précédente. Certains symptômes sont indicateurs de cette présence : jaunissement du feuillage avec une carence en magnésie, flétrissement par ronds, kystes (blancs) sur les radicelles de betteraves et rendements racines faibles. Les variétés tolérantes au nématode à kyste peuvent toujours multiplier le nématode, mais celle-ci restera réduite par rapport à la multiplication mesurée avec des variétés de type classique !

Qu’en est-il de la tolérance au rhizoctone brun ?

Avant de faire le choix pour une variété tolérante au rhizoctone brun, on s’assurera d’avoir étudié les facteurs de risque présents sur la parcelle, à savoir :

– une rotation (fréquente) avec du maïs, surtout maïs grain, ou du ray-grass. L’incorporation de matière non digérée est un facteur aggravant ;

– défaut de structure du sol, suite aux récoltes effectuées dans des conditions humides, même au cours des dernières années ;

– présence de rhizoctone brun identifié en betterave sur la parcelle.

L’utilisation d’une variété tolérante atténue fortement la présence de betteraves pourries, mais ne l’exclut pas totalement ! En outre, le potentiel de rendement et la résistance sont parfois inversement liés ; il s’agira donc de choisir le bon niveau de résistance.

Par ailleurs, les variétés tolérantes ne constituent pas une solution si elles ne s’accompagnent pas de mesures agronomiques adéquates : rotation, respect de la structure du sol, pH optimal et fumure raisonnée.

Chaque année, l’Irbab étudie le potentiel des variétés. La tolérance au rhizoctone brun est étudiée dans des essais spécifiques infectés naturellement. L’observation pendant la saison et la cotation de la pourriture de toutes les betteraves récoltées de l’essai permet de déterminer la tolérance à cette maladie. En la matière, la figure 3 permet de préciser son choix.

Figure 3: tolérance des variétés au rhizoctone brun (2021-2022). «Outre le rendement, le choix doit se porter sur la tolérance à la pourriture en fonction de la parcelle», recommande l’Irbab. Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.
Figure 3: tolérance des variétés au rhizoctone brun (2021-2022). «Outre le rendement, le choix doit se porter sur la tolérance à la pourriture en fonction de la parcelle», recommande l’Irbab. Les nouvelles variétés sur 2 ans sont renseignées en italique.

Les critères de choix variétal à considérer

Il convient de prendre en considération plusieurs paramètres au moment de réaliser son choix variétal.

  La stabilité des performances variétales

On entend par stabilité d’une variété les différences de rendement/richesse obtenus par la variété entre les années d’étude. Cette (in)stabilité peut être due à un changement de la composition variétale elle-même (stabilité génétique), mais aussi de l’influence de l’année (climat, levée, maladies…) sur le comportement de la variété (stabilité agronomique). Si le changement génétique n’est pas autorisé, la stabilité agronomique est un facteur qui a son importance pour les planteurs.

Cette année, les rendements ont été élevés dès le début des arrachages,  tandis que la richesse montrait des variations d’une région à l’autre.
Cette année, les rendements ont été élevés dès le début des arrachages, tandis que la richesse montrait des variations d’une région à l’autre. - J.V.

Faire son choix variétal pour 2023 ne peut donc s’arrêter à l’expérience d’une année unique, qu’elle soit bonne ou moins bonne. Sélectionner ses betteraves de la sorte ne permettra pas de prédire le comportement de la variété dans des conditions à venir qui ne sont pas maîtrisées.

L’analyse des résultats, prenant en compte le potentiel des variétés sur plusieurs saisons (les variétés confirmées sur trois ans sont, à ce titre, plus séduisantes) ainsi que la stabilité du rendement et de la richesse entre les années permettra de s’assurer d’un choix raisonné.

  La tolérance des variétés aux maladies foliaires : un outil essentiel pour maintenir un feuillage sain !

La tolérance variétale aux maladies fait pleinement partie de la gestion intégrée des parasites et des maladies. Elle en est même un acteur essentiel, et pourrait être à l’avenir le premier outil pour protéger les cultures contre les bioagresseurs. Et ce, d’autant que le nombre de fongicides disponibles ayant une bonne efficacité en betterave diminue année après année et que les maladies présentent de plus en plus de résistance.

Dans le cadre de la protection intégrée des cultures (IPM), il est donc crucial de choisir une variété avec une tolérance spécifique ou multiple. Plus l’arrachage sera tardif, plus la tolérance des variétés aux maladies foliaires cryptogamiques prend son sens pour garantir le maintien du potentiel de production de la parcelle jusqu’en fin de saison.

Les maladies, comme la cercosporiose, sont de plus en plus présentes, et les fongicides efficaces disponibles disparaissent du panel de produits disponibles, tant du point de vue légal visant leur impact sur l’environnement que par le développement de résistances des maladies. Une réponse immédiate passe inévitablement par la tolérance variétale. La « santé du feuillage » des variétés s’est avérée très utile depuis quelques années, et même lors d’années à pression de maladie faible et quelle que soit la maladie.

Associée à la protection fongicide, la tolérance variétale doit assurer un feuillage sain, tout en réduisant le risque d’apparition de résistance aux fongicides. À titre d’exemple, aujourd’hui, la résistance de la cercosporiose aux strobilurines est pratiquement généralisée.

Parmi les maladies foliaires, la cercosporiose est certainement la plus dommageable car les traitements ne sont pas curatifs et d’une action réduite en durée. Choisir une variété plus tolérante est donc important pour maintenir un feuillage sain plus longtemps. Ceci est d’autant plus vrai que :

– la rotation en betterave est courte (la contamination vient de la parcelle) ;

– la parcelle semée est voisine d’une parcelle contaminée par la cercosporiose l’année dernière ;

– la récolte est tardive.

La cercosporiose est certainement la maladie foliaire la plus dommageable. Choisir  une variété plus tolérante est important pour maintenir un feuillage sain plus longtemps.
La cercosporiose est certainement la maladie foliaire la plus dommageable. Choisir une variété plus tolérante est important pour maintenir un feuillage sain plus longtemps. - J.V.

N’oublions pour autant pas que d’autres maladies foliaires peuvent également se développer, soit tôt dans la saison (oïdium), soit en fin de saison (rouille).

Pour l’ensemble de ces raisons, une « appréciation globale de la santé du feuillage » est reprise dans la description variétale, où la sensibilité à la cercosporiose reste l’appréciation dominante (voir tableau 1 et figure 4).

Figure 4: tolérance des variétés aux maladies foliaires cryptogamiques: plus la barre est longue, plus la variété est tolérante (classement par catégorie par santé du feuillage décroissant).
Figure 4: tolérance des variétés aux maladies foliaires cryptogamiques: plus la barre est longue, plus la variété est tolérante (classement par catégorie par santé du feuillage décroissant).

Pour bien choisir ses variétés en 2023

Bien choisir ses variétés pour les semis du printemps prochain nécessite de bien connaître ses parcelles.

La première question concerne la présence de maladies ou parasites détectés auparavant dans la parcelle et où la tolérance variétale peut apporter une solution :

– terre sujette à la cercosporiose : l’utilisation d’une variété avec un bon profil de tolérance est recommandée. Dans ce cas, il est également conseillé de faire attention à la proximité d’une parcelle de betteraves fortement touchée par la cercosporiose en 2022 ;

– en présence de nématodes, l’utilisation d’une variété tolérante au nématode sera d’office conseillée, même si l’infestation n’est pas élevée (150 œufs+larves/100 g de sol) ;

– dans une parcelle connue pour un problème de Rhizoctonia solani ou dans des rotations intensives de maïs/ray-grass, le choix d’une variété tolérante au rhizoctone brun s’impose. Rendement et résistance étant souvent inversement liés, il s’agira de choisir le bon niveau de tolérance.

– terre sujette à la battance : il convient de considérer la qualité de la levée comme facteur complémentaire.

Le choix ne s’arrêtera pas sur une seule variété ou un seul sélectionneur : la diversité permet de répartir les risques éventuels liés à la graine, aux montées, aux maladies…

Comme rappelé ci-avant, les années ne se ressemblant pas, on choisira prioritairement sur base des résultats pluriannuels en commençant par les variétés stables qui ont prouvé leurs résultats !

Et les variétés Conviso Smart ?

Depuis 2020, des variétés résistantes à l’herbicide Conviso One sont disponibles via la liste européenne. Celles-ci permettent d’utiliser un désherbage basé sur un mode d’action ALS en seulement deux passages espacés de 10 à 15 jours.

Actuellement, le niveau de production des variétés Conviso Smart commercialisées est plus faible que le niveau des variétés rhizomanie, nématodes ou rhizoctone retenues par l’Irbab. Leur utilisation doit donc répondre à des situations de désherbage difficiles. Il peut répondre à un besoin en cas d’infestation par des betteraves mauvaises-herbes.

D’après André Wauters et Eline Vanhauwaert

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