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Le cheval, ce trait d’union entre gestion forestière et protection des sols

Oui le cheval de travail a encore une place dans nos forêts ! C’est le plaidoyer de la fédération d’associations environnementales Canopea, du DNF et de l’asbl Meneurs qui ont voulu montrer la palette de services que le cheval et son débardeur peuvent rendre en forêt, en complément des machines, au profit du respect du sol, des végétaux et de la biodiversité. L’occasion aussi pour Meneurs d’annoncer la réalisation d’un état des lieux de la filière pour le Cabinet de la ministre Tellier.

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Le cheval au travail dans nos forêts a encore une large place dans l’inconscient collectif, tant il a occupé une place importante dans la ruralité. S’il a progressivement cédé sa place aux machines agricoles et forestières, un petit groupe d’irréductibles s’est toujours employé à l’utiliser en forêt et à faire perdurer le métier de débardeur. Et bien que la profession tende à disparaître, l’équidé est toujours plébiscité, tant par le public, que par les utilisateurs et autres associations de promotion du cheval et environnementales.

Allier travail du passé et modernité

En effet, « les nombreux défis climatiques et environnementaux nous poussent à nous interroger quant à nos pratiques. En forêt, le débardage à cheval présente différents niveaux d’intérêts en termes de conservation de la nature (protection des réserves naturelles, des réseaux écologiques, des différentes essences) et complémentarités avec des activités socio-économiques, notamment l’exploitation des ressources naturelles. Bien que le bois soit une production économique, il existe des intérêts et inquiétudes pour la préservation des sols », explique d’emblée Anne-Laure Geboes, chargées de mission Biodiversité chez Canopea. « Et notamment au niveau des machines forestières utilisées qui provoquent un tassement des sols. Cela peut induire des conséquences négatives sur le sol (accès moindre à l’eau, à l’air, aux nutriments par les racines). L’impact sur la production des bois, sur la régénération des parcelles mais également sur la biodiversité est donc évident ! »,

Nicolas Delhaye, le chef du cantonnement de Liège, le confirme « Il existe actuellement un enjeu important de gestion forestière pour le moment sur la protection des sols. « Nous avons de nombreuses réflexions sur le sujet, nous sommes en phase de finalisation de la révision du plan d’aménagement forestier et qui donne notamment des orientations sur les méthodes d’exploitation. Un accent fort sur la protection des sols a été mis en généralisant le plus possible les cloisonnements d’exploitation – soit des couloirs qui seront la seule voie de passage pour les machines – et en utilisant davantage des méthodes d’exploitations plus respectueuses des sols. Il faut donc d’autres techniques pour amener les bois à ces cloisonnements et c’est là que le cheval constitue une piste de solution, une alternative crédible aux machines. C’est en ce sens que la démonstration est organisée : faire étal du potentiel du cheval au travail, de toute la palette d’actions qu’il peut réaliser au bois et où l’équidé est nécessaire. « Tout ne sera pas fait avec le quadrupède mais il peut être un bon complément à l’utilisation des machines. »

Ce n’est pas nouveau au DNF, puisqu’il existe une circulaire datant d’une quinzaine d’années pour les forêts domaniales, recommandées aussi pour les forêts communales, qui demande de prévoir une telle pratique sur les jeunes éclaircies de résineux.

L’atout principal du cheval en forêt: sa maniabilité.
L’atout principal du cheval en forêt: sa maniabilité. - P-Y L.

Pour Gaëtan Pyckhout, cofondateur de l’asbl Meneurs, l’intérêt existe également au niveau de l’administration et du cabinet de Céline Tellier, ministre de la Nature, de la Forêt et du Bien-Être animal, pour ladite pratique. « C’est dans ce cadre que nous lui avons proposé de faire un état des lieux de la filière du débardage à cheval en collaboration avec Canopea et le DNF. Un subside nous a ainsi été octroyé. »

Le débardeur, qui officie comme tel depuis une quinzaine d’années, veut promouvoir une vision jeune et moderne de la traction animale. « Rien de neuf sous le soleil pourtant. Un cheval, une chaîne un homme, cela n’a pas changé depuis des siècles. Ce qui est neuf ? La prise de conscience des problèmes environnementaux et sociétaux. C’est donc un bon moment pour nous pour remettre en avant avec ce métier qui répond en partie à ces difficultés et à ces enjeux en forêt. Ce n’est bien sûr pas LA solution mais une partie de la solution. »

La démonstration a d’ailleurs pour but de montrer différents scénarios de collaboration entre bûcherons, chevaux et machines. « Notre philosophie : collaboration et entraide, pas de concurrence ou le moins possible. »

Gaëtan Pyckhout, co-fondateur de l’asbl Meneurs, la démonstration avait pour but de  montrer différents scénarios de collaboration entre bûcherons, chevaux et machines.
Gaëtan Pyckhout, co-fondateur de l’asbl Meneurs, la démonstration avait pour but de montrer différents scénarios de collaboration entre bûcherons, chevaux et machines. - P-Y L.

Écologie équine et humaine

Pour Gaëtan, deux aspects caractérisent leur métier. Il distingue ainsi l’écologie équine et humaine.

La première se caractérise par le fait de ne plus considérer le cheval comme un simple outil de travail. « Dans notre vision, nous avons un respect de l’animal, une connaissance pour pouvoir mieux le respecter. En effet, nombreux sont les paramètres de sa physiologie et de sa morphologie qui génèrent des besoins pour lesquels nous nous attachons à y répondre. »

La seconde a trait au mode de vie des débardeurs : « Quand on pense débardeur, on imagine une personne travaillant au bois six jours/ 7, rentrant tard, n’ayant que peu de temps pour la famille. Or, ce temps est révolu pour la plupart. Il serait temps de réadapter le métier à une vision sociétale un peu plus moderne pour que toute personne intéressée par le métier puisse se lancer tout en ayant une vie sociale et familiale normale. Cela fait partie des enjeux de l’analyse que l’on va réaliser pour le cabinet Tellier. C’est aussi faire un état des lieux des pratiques actuelles et d’ensuite faire des propositions pour une nouvelle aire. » Le fait que ce métier soit en voie de disparition nous permet de faire table rase du passé et de démarrer quelque chose de nouveau, empreint d’une autre philosophie. »

« Meneurs se bat pour que le cheval puisse reprendre sa place pour des raisons sociétales, économiques ou encore écologiques. Nous voulons travailler pour offrir aux jeunes futurs débardeurs de bonnes conditions de travail. »

Car pour Gaëtan Pyckhout, une nouvelle aire se crée, avec des bûcherons, des débardeurs au cheval et des machinistes qui ont envie de proposer un travail respectueux de l’environnement.

 

Un état des lieux exhaustifs

Avec l’étude que Meneurs propose, les objectifs, entre autres, sont :

– d’avoir un état des lieux exhaustifs de la filière – combien exercent encore, à quel rythme… ? ;

– de créer un business plan modèle pour le débardeur ;

– de faire un recensement du potentiel de travail ;

– d’aller dans les écoles agricoles et forestières pour prendre le pouls des étudiants par rapport à une éventuelle envie de travailler avec le cheval…

« Ces informations devraient permettre de savoir quel tarif le débardeur doit demander pour pouvoir vivre de son activité. Une information aussi utile pour les jeunes désireux de s’engager, cela leur dresse le portrait type du travail. Car, nous n’y sommes pas du tout pour le moment. Certains débardeurs vivent sous le seuil de pauvreté. Nous voulons réinventer le métier afin de permettre au débardeur de vivre dignement de son activité. »

Des pistes de solution seront également évoquées. L’analyse sert aussi à fédérer toutes les petites initiatives. « Je ne m’y attendais pas mais il existe de nombreuses initiatives pro-cheval qui sont isolées. Si nous arrivons à les fédérer en y ajoutant de la cohérence, nous pourrons former un bloc et cela fait partie d’un des axes de notre association, à savoir être rassembleur », conclut le cofondateur de l’asbl.

Les résultats de cette étude devraient être rendus au cabinet de la ministre courant juillet-août. Affaire à suivre.

P-Y L.

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