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Mécanicien agricole : Un métier essentiel, dans l’ombre des tracteurs

« C’est toujours quand il ne faut pas que ça arrive ». Souvent accompagnée d’un juron, cette phrase a fréquemment été prononcée dans les hangars, sur les champs… Que ce soit à la moisson, en saison ou le dimanche, le matériel nous joue parfois des tours. Alors, on se munit de son téléphone et on appelle son concessionnaire. Au bout du fil, quelqu’un qui doit comprendre et agir vite. L’occasion donc de découvrir cette profession indispensable qu’est le mécanicien agricole.

Temps de lecture : 6 min

Le rendez-vous est donné chez Agrigeer, concessionnaire agricole implanté à Geer, au cœur de la Hesbaye, entre Hannut et Waremme, pour y rencontrer Adrien Delhij, étudiant, et Donatienne De Wulf, gérante et responsable de la gestion et des finances d’Agrigeer.

Un parcours guidé par l’envie de comprendre

Adrien Delhij a 17 ans et est un jeune apprenti, en formation à l’Ifapme. Après cinq années de secondaire, dont deux en technique électromécanique et une en électronique, il s’oriente vers l’Ifapme. « À partir de la 5e, je suis passé en électronique. Ce domaine m’intéressait énormément. Seulement, je trouvais les cours trop théoriques, ce qui m’a démotivé. J’ai donc décidé de me tourner vers l’Ifapme pour pouvoir vraiment apprendre, mettre en action ce que j’apprends et comprendre les gestes », raconte Adrien.

Etant encore mineur, Adrien entame une formation de trois ans, avec en première année, deux jours de cours et trois jours de travail en entreprise.
Etant encore mineur, Adrien entame une formation de trois ans, avec en première année, deux jours de cours et trois jours de travail en entreprise. - A.B.

Étant encore mineur, il entame une formation de trois ans, avec en première année deux jours de cours et trois jours en entreprise, tandis qu’en deuxième et troisième années, le nombre de jours en entreprise passera à quatre. De manière pratique, les cours généraux, comme le français et les mathématiques, s’organisent le lundi et les cours de mécanique, électricité... ont lieu le mardi. « Je passe le reste de la semaine chez Agrigeer », ajoute Adrien.

Passionné depuis toujours par le monde agricole sans en être issu, il choisit cette orientation pour la diversité du métier. « On fait rarement la même chose. Je n’ai pas peur de me lasser », explique-t-il.

Passionné depuis toujours par le monde agricole sans en être issu,  Adrien Delhij a choisi la mécanique agricole pour la diversité du métier.
Passionné depuis toujours par le monde agricole sans en être issu, Adrien Delhij a choisi la mécanique agricole pour la diversité du métier. - A.B.

Adrien poursuit : « Ici, chez Agrigeer, je n’ai pas de tâche particulière, je fais beaucoup de choses différentes. Ces derniers temps, je travaillais sur l’entretien des machines à pommes de terre. Maintenant que la saison est passée, je consacre mon temps à d’autres choses, comme l’entretien ou la préparation de nouveaux tracteurs ou encore je remets en état des tracteurs d’occasion… ».

Travailler avec plusieurs casquettes

Ce qui plaît à Adrien dans son parcours, c’est surtout d’être formé en entreprise : « Le fait d’être sur le terrain et de déjà travailler en même temps que les cours me permettent d’aller plus loin dans ma compréhension du matériel ».

Faire face à une machine est une chose, la comprendre en est une autre. Quand la question de ce qui lui plaît dans ce métier est abordée, il mentionne directement les engins impressionnants et son plaisir d’étudier leur fonctionnement.

Encore en formation, il doit parfois affronter ses propres limites. Donatienne De Wulf complète : « Je crois que l’expérience fait beaucoup. C’est petit à petit que tout s’acquiert ».

Car être technicien, ce n’est pas juste être un mécanicien. On leur demande de jongler avec l’électromécanique, l’hydraulique, les gps, les programmes des marques, comprendre les codes d’erreur des différents constructeurs et employer des outillages pour pouvoir les lire… « C’est un boulot très varié et polyvalent, qui passe des tracteurs aux moissonneuses, comme d’une boîte de vitesses à un moteur ou encore d’un code erreur qui nécessite simplement un changement de capteur à des interventions plus importantes », illustre Donatienne.

Selon elle, un bon technicien doit d’abord comprendre la machine et savoir comment elle fonctionne. Mais la difficulté du métier reste le large panel des compétences et des connaissances qu’il doit avoir.

Être à la pointe et en constante évolution

« L’informatique a aussi une part très importante dans notre profession », ajoute Adrien. Seulement, cet aspect du métier ne fait pas partie de la formation à l’Ifapme et s’apprend en entreprise.

Donatienne explique : « Les technologies évoluent très vite parfois plus rapidement que le programme scolaire », malgré la réelle flexibilité de l’Ifapme pour adapter ses programmes de formation en une année.

Selon elle, la formation demeure très intéressante et indispensable mais cela reste la base, d’où l’intérêt de compléter les apprentissages en entreprise.

« De plus, le métier évolue en permanence, et ce n’est que le début », enchérit Donatienne. L’intelligence artificielle (IA), les logiciels, les diagnostics : tout s’accélère. Elle raconte une anecdote : « Nous étions avec Romain, un de nos techniciens en plein milieu de nul part, face à une vieille machine qui n’était pas de notre marque. Nous n’avions pas accès à tous les documents. Nous étions bloqués et puis nous nous sommes demandés : est-ce qu’on n’essayerait pas ChatGpt ? Ce que nous avons fait : nous avons trouvé la référence, nous l’avons commandé et le client a été dépanné. Donc, je pense que le métier va changer ».

Mais cette évolution ne tient pas qu’à l’IA. Le travail du technicien agricole n’a plus rien à voir avec celui d’autrefois. « Avant, c’était surtout de la mécanique. Aujourd’hui, il y a des capteurs partout, et impossible de travailler sans ordinateur », explique Donatienne.

Le travail du technicien agricole n’a plus rien à voir avec celui d’autrefois. « Avant, c’était surtout de la mécanique. Aujourd’hui, il y a des capteurs partout, et impossible de travailler sans ordinateur », explique Donatienne De Wulf.
Le travail du technicien agricole n’a plus rien à voir avec celui d’autrefois. « Avant, c’était surtout de la mécanique. Aujourd’hui, il y a des capteurs partout, et impossible de travailler sans ordinateur », explique Donatienne De Wulf. - A.B.

Les techniciens doivent être formés en continu et, dans le cas de John Deere, doivent être agréés par la marque. Pour cela, en fonction du poste, ils suivent chaque année des formations et passent des examens, en ligne, dans un centre ou même en Allemagne. Les examens qui ne seraient pas réussis limitent certains accès au logiciel John Deere. « Cela veut dire que nos accès et nos prix sont directement liés à la performance de notre service et de nos techniciens », résume Donatienne.

Enfin, concernant le matériel, les machines deviennent de plus en plus complexes et « ultras high-tech ». Mais derrière ces sophistications, les techniciens doivent continuellement apprendre et se former. « Évidemment, tous nos techniciens ne passent pas toutes les formations. Une fois à l’atelier celui qui a une question va la poser à son collègue formé », conclut Donatienne.

« Un métier qui fait tourner le monde »

Recruter des techniciens reste un défi pour beaucoup de concessions, mais Agrigeer reconnaît avoir la chance de s’en sortir plutôt bien. D’après Donatienne, les raisons qui pourraient expliquer ce constat sont le manque de reconnaissance du secteur et le manque de formations. « À part l’Ifapme de Perwez et l’Epasc de Ciney, il n’existe aucune autre formation agricole. Une solution possible serait que les marques investissent et créent des écoles, à l’image de la John Deere Academy, où pourraient être formés tous les types de profils dont une concession a besoin », propose Donatienne.

Selon Adrien, les qualités indispensables d’un mécanicien sont la motivation, l’envie et la curiosité, ce qui lui permet d’apprendre plus rapidement. À cela Donatienne ajoute aussi l’esprit d’équipe et la communication.

Le conseil qu’Adrien pourrait donner pour encourager les jeunes qui hésiteraient à se lancer est de foncer s’ils sont passionnés : « C’est un métier où l’on ne s’ennuie jamais, tout le monde en a besoin directement ou indirectement. On peut dire qu’il fait tourner le monde ».

Astrid Bughin

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