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Accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur: la Commission peine à convaincre les eurodéputés

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur était encore au centre des débats, fin septembre à Bruxelles, où les députés de la commission de l’Agriculture du Parlement européen (Comagri) ont de nouveau exprimé leurs inquiétudes quant à son impact négatif sur le secteur agricole de l’UE.

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La Commission européenne a encore été le théâtre, le 25 septembre, de vifs échanges entre les députés de la commission de l’Agriculture du Parlement européen et les représentants de la Commission sur la dimension agricole de l’accord de libre-échange UE-Mercosur.

Entre la peur d’une libéralisation absolue de certains secteurs et du non-respect des normes sanitaires et phytosanitaires, John Clark, directeur des relations internationales à la direction générale de l’Agriculture de ladite institution, a tenté d’éclaircir certains points afin de rassurer des députés très inquiets pour l’avenir du secteur agricole de l’UE.

« Après avoir accepté des concessions importantes, nous avons voulu établir un équilibre entre les intérêts des pays du Mercosur tout en protégeant des produits plus sensibles du secteur agricole européen. Pour les produits comme la volaille, la viande bovine, l’éthanol, le riz, et le sucre, nous avons veillé à contrôler de très près l’accès au marché accordé au Mercosur. Il ne s’agissait pas de libéraliser ces secteurs mais de fixer des contingents tarifaires, donc des volumes strictement contrôlés et dans presque tous les cas ces volumes progresseront un petit peu chaque année. »

« Concernant la viande bovine, on n’aura pas un volume complet à 100 % sur le marché européen en tout cas pas avant 2028. Ce sera progressif jusqu’à cette date, de même pour la volaille, l’éthanol et les autres produits », a-t-il détaillé. Ajoutant que « nous avons pu convaincre les pays du Mercosur d’accepter une fragmentation des produits. Par exemple, dans le secteur bovin ou de la volaille, il y a différentes lignes de produits qui font que l’on ne peut pas purement et simplement exporter les produits particulièrement compétitifs ou d’excellente qualité. Dans le secteur bovin, on est à un contingent tarifaire de 7,5 %. Donc pour certains produits de niche ou sensibles, les contingents tarifaires sont accompagnés de facteurs d’atténuation qui nous permettront de contrôler l’accès des produits et réduire l’impact négatif sur les marchés européens ».

Des garde-fous indispensables

Par ailleurs, le fonctionnaire européen a également assuré qu’un mécanisme de sauvegarde est introduit dans l’accord permettant de mettre en place des actions correctrices qui réduiraient les contingents tarifaires en cas de déstabilisation du marché européen. «  Ce mécanisme s’applique également aux produits sous quotas  », précise-t-il.

John Clark a aussi souligné que dans cet accord un système de gestion des quotas a été négocié, entièrement géré par l’UE et les importateurs européens afin de gérer au fil des années le flux des produits en provenance du Mercosur par le biais d’un système de licence. Il a également expliqué que des éléments non négociables ont été maintenus, tels que les normes très strictes de l’UE sur les produits phytosanitaires.

Enfin, le chapitre développement durable invite les parties prenantes à ne pas réduire les normes en matière d’environnement ou d’emploi. Par exemple, le Brésil sera contraint de mettre en œuvre ses promesses relatives à la convention de Paris sur le changement climatique en luttant contre la déforestation, a assuré le représentant de la Commission.

Inquiétudes des eurodéputés

Malgré tous ces éléments exposés, de nombreux députés ont notamment évoqué les effets potentiellement négatifs de l’accord sur certains secteurs de l’UE (viande bovine, sucre, volailles, fruits et légumes) et ont regretté l’absence de consultation du Parlement européen.

D’autres se sont interrogés sur la manière dont les clauses de sauvegarde vont fonctionner ou protesté contre le fait que la nourriture soit une monnaie d’échange pour des secteurs comme l’automobile. Plusieurs députés ont aussi critiqué la politique brésilienne concernant les forêts.

Les députés restent aussi encore dans l’attente d’une étude d’impact globale et transparente. Sur ce dernier point, John Clark a précisé que la mise à jour de cette étude est prévue courant 2020 afin d’intégrer dans l’impact du Brexit sur les secteurs de la viande bovine, de la volaille, des produits laitiers et du riz.

S ituation sanitaire au Brésil : les eurodéputés attendent des garanties

Dans la perspective de l’accord UE-Mercosur, les membres de la commission de l’Agriculture du Parlement européen restent inquiets de la situation sanitaire et phytosanitaire actuelle au Brésil et ils l’ont fait clairement savoir aux représentants de la Commission européenne. Les députés souhaitent ainsi en connaître davantage concernant la capacité douanière réelle de l’Union européenne pour contrôler des substances qui ne répondraient pas aux standards européens.

La Commission explique qu’aucun accord commercial ne saurait changer la norme sanitaire et phytosanitaire en Europe et ajoute que des contrôles seront réalisés directement sur le point d’origine. En 2017 et 2018, après des cas avérés de viande avariée en provenance du Brésil, l’UE avait entrepris des actions pour interrompre les importations des produits contaminés. Une procédure d’audit avait été menée pour identifier et ensuite supprimer de la liste les établissements qui avaient fraudé. Par la suite, elle avait mis en place des contrôles très stricts aux frontières de l’UE entre mars 2017 et mai 2019 ainsi que des tests microbiens pour 10.000 lots. En tout, 680 produits exportés ont été rejetés notamment pour des cas de salmonelle. Depuis, le Brésil doit mettre en œuvre un plan d’action strict afin de respecter les exigences européennes en termes de normes sanitaires et phytosanitaires.

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