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Le nouveau Conviso Smart: un système de désherbage betterave innovatif mais fragile

Lors des conférences d’hiver de l’Institut Royal Belge pour l’Amélioration de la Betterave (Irbab), Barbara Manderyck présentait le nouveau système Conviso Smart de KWS combinant l’utilisation de betteraves tolérantes aux ALS (Smart) et d’un herbicide ALS (Conviso).

Temps de lecture : 6 min

Cette nouvelle méthode sera introduite à petite échelle en 2020. « Il s’agit d’une innovation rare au niveau du désherbage betteraves. Néanmoins, cette technologie est sensible au développement de résistances et le produit est technique. 2020 sera une année d’apprentissage en collaboration avec les conseillers, le but étant d’en faire un bon usage ce qui rendra le système durable à long terme », explique d’emblée la directrice.

La variété : Smart Jitca

KWS travaille sur ce nouveau système depuis 2001. Pour ce faire, une mutation naturelle du gène AHAS (W574L) de la tolérance aux ALS a été sélectionnée et rétro-croisée dans des lignées élites de betteraves sucrières.

La variété Smart Jitca introduite en 2020 présente environ 96 % de revenu financier par rapport aux standards classiques. Elle est tolérante au Conviso One avec une bonne sélectivité, tolérante aux nématodes, mais également sensible à la cercosporiose.

Pour éviter les erreurs d’applications et les dégâts qu’il pourrait en résulter, les semences Smart sont physiquement distinguables des variétés classiques. Les boîtes sont ornées d’une bande verte et les graines présentent une coloration intérieure mauve.

Le produit : Conviso One

Le produit Conviso One utilisé en combinaison avec la variété Smart est un mélange de deux inhibiteurs ALS. Il contient du foramsulfuron qui a une action essentiellement foliaire, et du thencarbazone-methyl dont l’activité est foliaire mais aussi et surtout racinaire.

Le produit présente une très bonne efficacité avec un large spectre mais ce dernier n’est pas parfait. « Sur 54 dicotylées testées, 48 ont très bien réagi. Il en a été de même pour 10 des 12 graminées testées. Néanmoins, quelques graminées, la rémanence ou les levées tardives peuvent poser problème. Ce sont des éléments dont on tient compte pour le conseil », dit Barbara Manderyck.

Seulement deux applications

L’avantage du Conviso One réside dans son nombre limité de traitements par rapport au schéma classique. On réalisera une application (1l/ha) ou préférentiellement 2 applications fractionnées (0,5l/ha). Le produit est agréé dès l’apparition des premières feuilles de la betterave jusqu’à 8 feuilles. Une zone tampon de 20 m doit être respectée à proximité des cours d’eau ainsi que l’utilisation de techniques réduisant la dérive de minimum 90 %. De plus, il doit obligatoirement être appliqué en mélange avec un herbicide non ALS pour réduire le développement de résistance.

« Une particularité du produit est sa lenteur d’action. On ne voit rien le jour de l’application. Après 5 jours, les adventices présentent une décoloration jaunâtre et, il faudra entre 10 et 21 jours pour qu’elles soient totalement détruites. Il est à noter que la rémanence de ce produit est fonction du champ et des conditions météorologiques. Dans des sols avec peu de matière organique, beaucoup d’eau et dans des conditions ni trop chaudes, ni trop froides, cela fonctionne très bien ».

Second traitement :quel type ?

Dans le système classique, nous avons l’habitude d’intervenir 2 à 3 semaines après le semis, dès les premières levées. On interviendra ainsi 3 à 5 fois selon le champ. Dans le système Conviso Smart, la première intervention a lieu 20 à 40 jours après le semis. « C’est le chénopode qui nous indique quand commencer le premier traitement (T1). On agira dès le stade deux feuilles du chénopode avec 0,5l/ha de Conviso One ; 1 à 2 l/ha de Bétanal ; 0,25l/ha de Tramat et 0,5 l/ha d’huile ».

Le second traitement (T2) aura lieu 10 à 21 jours après le T1 et sera fonction des levées d’adventices :

– Si la parcelle ne présente pas de nouvelles levées et les betteraves sont au stade 6 feuilles, il sera alors important d’assurer la rémanence et la fin de saison de désherbage en réalisant un T2 avec 0,5l/ha de Conviso ; 0,5l/ha de Frontier ou Dual (contre levées tardives) et 0,5l/ha d’huile.

 Si la parcelle présente de nouvelles levées mais peu de morelle noire, de mercuriale, de coquelicot et de séneçon, on appliquera 0,5l/ha de Conviso One ; 1 à 2 l/ha de Betanal ; 0,25l/ha de Tramat et 0,5l/ha huile en T2.

– Si la parcelle présente de nouvelles levées avec beaucoup de morelle noire, mercuriale, coquelicot et séneçon, ainsi que des betteraves à 6 feuilles, on traitera avec 0,5 l/ha de Conviso One ; 0,5l/ha de Frontier ou Dual ; 1 à 2 l/ha Betanal ; 0,25l/ha de Tramat et 0,5l/ha huile.

« Les stades du chénopode mais aussi de l’arroche et de la véronique sont la référence pour un bon timing de T1 et T2. Cela demande de l’attention tout comme pour le système FAR. Quand les adventices présentent plusieurs stades cela complique les choses. Si trop de chénopodes ont par exemple dépassé le stade requis, on conseille d’augmenter la dose de Betanal de 1 à 2 litres. Les partenaires sont véritablement indispensables pour améliorer le spectre d’efficacité et freiner la sélection d’adventices résistantes », insiste Barbara Manderyck.

Pourquoi fractionner ?

Mais pourquoi ne prescrit-on pas un seul apport de 1 l de Conviso ? « Une application unique apporte trop peu de certitude et peut se solder par un désastre. Si le timing est mauvais du fait des conditions météorologiques, il ne sera plus possible de rattraper la situation, les adventices risquent alors d’être trop développées ».

Betteraves sauvages, crucifères, repousses…

Le spectre d’activité du Conviso est différent du FAR. Des plantes telles que le colza deviennent « faciles » et d’autres, auparavant classées « faciles » telles que la véronique passent dans la catégorie « difficile ». Comme déjà précisé, les chénopodes et les arroches sont les adventices guide. Les levées successives de morelle noire et mercuriale sont à surveiller tandis que les coquelicots, séneçons et mourons des oiseaux peuvent poser des problèmes de résistances, d’où l’intérêt d’employer les partenaires pour en assurer le contrôle et freiner la sélection.

L’utilisation de Conviso sera aussi l’opportunité de se débarrasser des betteraves sauvages avec une efficacité impression nante. Mais, on ne tolérera également aucune montée Smart car celles-ci sont capables de produire des graines viables tolérantes. Cela peut poser des problèmes de repousses dans d’autres cultures telles que les céréales et devra être solutionner à l’aide d’herbicides non ALS.

L’efficacité du produit a également été démontrée sur crucifères (moutarde, colza, sené, ravenelle). Pour les chardons, laiterons et repousses de pommes de terre, son efficacité dépendra du développement des plantes. Un contact avec de petites plantes possédant peu de réserves permettra de les éliminer mais si celles-ci présentent déjà des stolons, le produit ne fera que freiner leur développement.

Sensibilité des autres cultures et betteraves classiques

Les semences de betteraves classiques sont extrêmement sensibles au Conviso One. Il faut donc prendre garde de ne jamais mélanger des semences classiques et Smart dans le semoir. Ce dernier doit être totalement vide, disques compris, lorsqu’on passe d’un champ classique à un champ Smart. De même, les autres cultures étant également sensibles au produit, on prêtera attention à la dérive vers les parcelles avoisinantes. On nettoiera aussi immédiatement le pulvérisateur après utilisation du produit car celui-ci colle dans la cuve.

Innovatif mais fragile

En conclusion, Barbara Maderyck estime que ce nouveau système demande « une utilisation réfléchie par des agriculteurs réfléchis. Les partenaires de mélange sont un premier pas vers le management des résistances mais d’autres mesures de gestion des résistances devront être intégrées pour protéger la durabilité du système. Ceci est une condition absolue pour assurer l’avenir ».

Informations recueillies par D. Jaunard

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