Accueil Betteraves

Raffinerie Tirlemontoise: Erwin Boonen revient sur la dernière campagne et envisage celle à venir

La 185e campagne betteravière de la Raffinerie Tirlemontoise (RT) a pris fin mi-janvier, après 103 jours de campagne, une durée un peu plus courte que la moyenne.

Temps de lecture : 8 min

Afin d’évaluer cette campagne, nous avons échangé avec Erwin Boonen, directeur matières premières à la RT.

La campagne 2021 a démarré plus tard qu’à l’habitude. Quelles en ont été les conséquences ?

Vu la météo peu favorable, il était déjà clair en août que 2021 ne serait pas une année exceptionnelle. La campagne a débuté plus tard afin de donner à la betterave un maximum de temps pour se développer. Nous constatons que cela a porté ses fruits puisque le tonnage de betteraves par hectare était presque normal. Par contre, le taux de sucre n’a pas suivi la même tendance et est resté en retrait tout au long de la campagne. Au final, la campagne s’est terminée dans un délai raisonnable.

Les premières betteraves réceptionnées semblaient plus petites, de forme plus conique avec une teneur en sucre plus faible. Comment cela a-t-il évolué au cours de saison ?

Les betteraves ont eu une croissance assez normale, mais, du fait du manque de soleil et des températures fraîches, elles ont investi beaucoup d’énergie dans les feuilles et moins dans le sucre. Les pluies abondantes de la campagne n’ont fait que renforcer ce phénomène et ont souvent entraîné un stockage en tas assez humide et avec une tare de terre plus importante. Ce stockage plus humide et moins propre a engendré une chute rapide et inattendue de la teneur en sucre en fin de campagne.

De grandes différences de tare terre ont été observées entre cultivateurs. Comment expliquez-vous cela ?

La différence de tare terre est avant tout liée au moment de récolte et à l’état du champ lors de celle-ci. Pendant le chargement, les betteraves peuvent être nettoyées ou non, ce qui a bien sûr aussi une grande influence sur la tare terre.

De nombreux betteraviers livrant par eux-mêmes leur récolte s’efforcent de réduire la tare terre lors du chargement (ou même à la récolte). On ne peut donc pas dire par définition que toutes ces betteraves ont une tare plus élevée. Cela dépend de la situation.

Durant le stockage, dès la mi-novembre, il est conseillé de couvrir les betteraves avec une toile géotextile pour protéger le tas des pluies. Un tas plus sec se nettoie mieux lors du chargement, ce qui est immédiatement visible au niveau de la tare de terre. Cependant, cette année, il a tellement plu et de manière quasi constante, que cet effet a été moins prononcé que les 10 à 12 années précédentes.

En début de campagne, de nombreux postes étaient annoncés vacants au sein de la RT. Ont-ils été pourvus rapidement ?

À l’heure actuelle, presque tous les postes vacants ont été pourvus, mais nous sommes toujours à la recherche de coéquipiers motivés car, pour fabriquer du sucre et certainement pour mener une campagne, il faut une équipe qui travaille bien ensemble et dont les membres se soutiennent mutuellement.

L’atmosphère de travail à la RT est bonne, c’est pourquoi la plupart des personnes qui viennent travailler chez nous sont heureuses d’y rester.

Nous sommes une famille et il y a encore de la place dans cette famille.

Influence saisonnière

Les échantillonnages de début de campagne indiquaient déjà la présence de nombreuses betteraves pourries. Cela peut-il s’expliquer par le temps humide ? Ce phénomène a-t-il persisté tout au long de la saison ?

Des betteraves pourries peuvent indiquer une forte pression des maladies racinaires au sein d’une parcelle ou que les betteraves ont été privées d’oxygène pendant une partie de leur croissance. La première raison est généralement liée à la rotation des cultures ou à la dégradation de la structure du sol au cours de l’année précédente et est généralement assez constante au fil des ans. La seconde est liée à l’année et, cette année, nous avons constaté un peu plus de pourriture des betteraves en raison du phénomène de manque temporaire d’oxygène. Cela a été le cas tout au long de la saison, mais n’a heureusement atteint que sporadiquement des proportions très graves.

Qu’en est-il des résultats pour le rendement final ?

Au final, nous avons obtenu un peu plus de 85 tonnes par hectare à 17ºS. Il s’agit d’un tonnage relativement normal mais avec une teneur en sucre décevante. Normalement, nous atteignons presque un degré de sucre en plus.

La couverture des tas de betteraves a-t-elle été réellement utile cette saison, il n’y a pratiquement pas eu de gelée ?

Couvrir la betterave est une bonne protection préventive contre le gel mais aussi un bon moyen de garder la betterave plus sèche et donc de mieux la conserver. Nous avons eu quelques moments de gel et nous avons vu une grande différence entre les tas qui étaient couverts et ceux qui ne l’étaient pas. Par contre, il est vrai que l’impact positif sur le maintien des betteraves au sec a été moins important que prévu, comme expliqué précédemment.

Quels ont été les problèmes rencontrés par l’usine lors de la transformation cette saison ?

Nous avons malheureusement eu un problème avec l’évaporation à Tirlemont et un problème de chaudière à Wanze. Le problème de Tirlemont a été rapidement résolu durant la campagne et nous sommes repartis sur de bonnes bases. Par contre, le problème à Wanze s’est révélé assez frustrant car une importante rénovation avait été effectuée avant la campagne et c’est précisément la pièce concernée par cette rénovation qui a causé de nombreux soucis durant la première partie de campagne. Par la suite, des problèmes sont également apparus dans la section qui n’avait pas été renouvelée. Quoi qu’il en soit, l’ensemble va désormais être revu pour la campagne 2022, et nous espérons que les experts externes qui effectuent ce travail seront en mesure d’éviter les problèmes de cette année. Au final, cela a entraîné un retard des livraisons qui sera traité comme prévu dans les accords interprofessionnels.

Investissements

Quel est l’état d’avancement de la construction de la nouvelle tour de diffusion ? Quand sera-t-il opérationnel ?

Les travaux avancent bien et la mise en service de la tour est prévue pour la campagne 2023. On doit veiller à ce que les matériaux arrivent à temps, c’est un véritable défi, comme dans de nombreux secteurs. Mais, actuellement, nous sommes dans les temps.

Quels sont les investissements en équipements et dans la maintenance prévus par l’usine au cours de l’année à venir ?

À Tirlemont, l’accent est mis sur la nouvelle tour d’extraction qui nécessite beaucoup d’énergie et de budget.

À Wanze, un budget conséquent ira à la chaudière, comme mentionné précédemment. Il est évident que des investissements plus modestes et des travaux d’entretien plus importants continueront d’être réalisés afin que nous soyons aussi bien préparés que possible pour l’avenir.

Avenir

Pour la saison à venir, la tension est palpable entre l’usine et les planteurs, principalement à cause de la détermination du prix. Pourquoi sa fixation est-elle si difficile ?

Nous sommes le secteur par excellence qui adopte l’approche en chaîne. L’agriculteur ou le producteur de la matière première bénéficie directement du prix de notre produit final, le sucre. C’était déjà le cas pendant la période des quotas et nous avons continué à adhérer à ce principe après l’abolition du régime des quotas par l’Europe. Cependant, contrairement à l’époque des quotas, l’Europe n’instaure plus de prix plancher sur le marché.

Nous avons dû trouver un nouvel équilibre avec nos planteurs, c’est un processus continu. En attendant, on peut quand même dire que depuis 2020, il existe un filet de sécurité pour le prix de la betterave et que ce filet de sécurité sera encore plus fort en 2022, alors que nous n’avons toujours pas de filet de sécurité pour le prix du sucre.

Cela dit, depuis 2017, nous n’avons pas abandonné nos partenaires-planteurs et avons soutenu le prix de la betterave avec des suppléments de prix. Ces suppléments n’étaient pas un luxe, et peuvent ne pas être suffisants pour certains, mais lorsque le prix du sucre est extrêmement bas, il n’est parfois pas possible de faire plus.

Entre-temps, la production de sucre en Europe a fortement diminué et les prix du sucre tendent à augmenter à des niveaux plus durables. Nous n’en sommes pas encore là mais, nous pensons pouvoir y parvenir avant la récolte de betteraves de 2022. Il sera grand temps pour l’ensemble du secteur betterave-sucre.

Notre objectif est de pouvoir générer un chiffre d’affaires décent pour la betterave et de réaliser les investissements nécessaires en matière de durabilité, tant sur le terrain que dans l’usine, un prix durable étant une condition préalable.

Les producteurs sont confrontés à des augmentations de prix pour les semences, les produits phytosanitaires et surtout les engrais. Compte tenu de ces éléments et de la situation actuelle du secteur (proposition de prix pour la campagne 2022), on peut raisonnablement penser qu’il y aura moins de semis. Vous le voyez comme ça ?

Comme mentionné ci-dessus, les prix du sucre sont en hausse. Cela entraînera automatiquement une augmentation du prix des betteraves. Il est clair que les coûts, tant pour l’agriculture que pour l’usine, sont en forte augmentation. Nous découvrirons ensemble si ces augmentations sont temporaires ou si elles dureront plus longtemps, mais en fin de compte, elles seront répercutées sur le prix du produit final : le sucre.

Notre objectif, en tant qu’industrie du sucre de betterave, est de produire un sucre local et naturel conformément aux attentes de nos clients et des consommateurs. Cela nécessite non seulement une qualité élevée, mais aussi une production de plus en plus durable. Pour ce faire, nous devons pouvoir investir tant dans l’agriculture que dans la transformation et envisager l’avenir avec confiance, ce qui n’est possible que si nous parvenons à rémunérer correctement tous les efforts et les investissements faits : pour l’usine et certainement aussi pour le betteravier.

Pour terminer, avez-vous un message pour les cultivateurs de betteraves sucrières ?

En 2022, nous reviendrons à un niveau de prix qui permettra à l’ensemble du secteur, planteur et transformateur, d’envisager l’avenir avec confiance. Les défis qui nous attendent du fait des objectifs ambitieux de l’Europe engendrent beaucoup d’incertitudes mais aussi des opportunités pour un produit comme le sucre ou une culture comme la betterave sucrière.

En tant que Raffinerie Tirlemontoise, nous avons toujours essayé de soutenir nos partenaires, les planteurs, durant ces années difficiles et, maintenant que les choses s’améliorent, nous voulons construire ensemble un avenir durable avec un résultat économique intéressant pour toutes les parties.

D. Jaunard d’après Tim Decoster

A lire aussi en Betteraves

Voir plus d'articles