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Développer les protéines végétales en Wallonie, une opportunité d’avenir pour ancrer davantage localement notre alimentation

En mars, la Fédération wallonne de l’Agriculture (Fwa) organisait son séminaire sur le développement des protéines végétales en Wallonie. L’occasion pour Jorge Ercoli, alors chargé de projets pour la Fwa, d’évoquer la situation wallonne, les productions agricoles, la consommation et la place réservée à la production desdites protéines dans la Pac ; pour François Héroufosse, directeur du pôle de compétitivité Wagralim, de s’intéresser aux innovations et aux rôles à jouer pour l’industrie agroalimentaire.

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S i l’on s’intéresse au contexte mondial et européen, on constate une augmentation de la consommation de protéines globales depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui. « L’augmentation de la consommation de protéines à destination humaine n’a pas cessé d’augmenter depuis des décennies avec une consommation de protéines végétales largement majoritaire, ce qui s’explique notamment par l’augmentation de la population mondiale qui doit encore croître de 2 milliards d’humains d’ici 2050 », explique Jorge Ercoli.

Et de préciser : « A en croire le rapport de la Commission Européenne sur le développement de ces filières, les protéines végétales sont les plantes riches en protéines dont la teneur en protéines brutes dépasse 15 % (oléagineux : colza, graines de tournesol et graines de soja ; légumes secs : haricots, pois, lentilles, lupins, etc. ; légumineuses fourragères : luzerne et trèfle, principalement) »

Le Graph. 1 montre la progression de la production mondiale des légumineuses de 1960 à 2020 avec et sans soja. La culture du soja étant proéminente sur les autres. Sans le soja, la progression des autres légumineuses est nette. Il faut toutefois diviser par un facteur 5 le tonnage du soja pour arriver à celui des autres pois secs par exemple.

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Autre observation, les légumineuses récoltées en grains secs, et qui globalement sont des cultures traditionnellement importantes, ont stagné jusqu’aux années 2000. La raison ? La difficulté pour les agriculteurs d’avoir accès aux bonnes variétés. Ce n’est qu’à partir du début 2000 qu’une redynamisation de la productivité et des productions de ces légumineuses s’est fait sentir. On estime à +3 % l’augmentation de ladite production chaque année.

Et d’en venir à l’évolution des rendements moyens des principales légumineuses dans le monde entre 1961 et 2020. Si les rendements sont variables, trois légumineuses à grains se distinguent en termes d’importance : le soja, la féverole et le pois sec. La progression de leurs rendements est en augmentation depuis 60 ans, là où pour les autres l’évolution des rendements est moins notable.

Une dépendance

protéique européenne

La production et les surfaces de soja dans le monde ne cessent d’augmenter depuis des décennies. Et 87 % de cette production en 2020 se situe sur le continent américain que l’on soit au nord ou au sud de celui-ci. Quelque 9 % de celle-ci se situent en Asie, 3 % en Europe et 1 % en Afrique.

Et si 86 % de la production mondiale de ladite plante provient des 5 grands pays producteurs. Si les États-Unis et le Brésil tirent particulièrement leur épingle du jeu, l’Argentine est troisième suivie de l’Inde et de la Chine.

Quand on évoque la dépendance européenne aux importations de protéines, c’est surtout vis-à-vis du soja. Comme le Graph. 2 le montre, les légumineuses fourragères sèches sont autoproduites chez nous, les légumes secs et les complexes de colza consommés chez nous le sont majoritairement aussi.

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Jorge Ercoli : « En 2017, il était estimé que sur les 27 Mt consommées, 17 MT sont importées, dont 13MT de soja (venant principalement, du Brésil, des Etats-Unis et de l’Argentine). La dépendance protéique européenne était donc évaluée à l’époque à 63 %. »

Pour François Héroufosse, il existe aussi une compétition grandissante avec des continents comme l’Asie. Comme la consommation de viande augmente dans d’autres régions du monde, le besoin de protéines augmente à destination du feed (alimentation animale). Et si la situation était jusqu’à présent confortable, elle risque de le devenir moins si on est davantage en concurrence.

Au niveau européen, l’un des objectifs du Green Deal est de réduire les amendements azotés de 20 %. C’est là que les légumineuses ont aussi un rôle à jouer. En Europe, les surfaces dédiées à la production de protéines végétales ne cessent d’augmenter malgré un effet yoyo. Le potentiel de développement de ces cultures est donc grand. Et les pays voisins comme la France l’ont bien compris. Selon lui, l’ambition wallonne se limiterait à terme à 15.000 ha.

Si l’augmentation de la production des protéines végétales en Wallonie est liée  à la culture de légumineuses en association, la production de féveroles et de pois  protéagineux est restée stable avec une moyenne de 500 ha plantés annuellement.
Si l’augmentation de la production des protéines végétales en Wallonie est liée à la culture de légumineuses en association, la production de féveroles et de pois protéagineux est restée stable avec une moyenne de 500 ha plantés annuellement. - J.V.

Des régimes alternatifs émergents

Si l’on s’intéresse à l’évolution des comportements alimentaires, l’émergence de régimes alternatifs comme le flexitarisme est notable. Ce dernier est davantage un mode de vie qui consiste à consommer moins de viande, sans y renoncer totalement, plus de végétal et plus d’alternatives aux protéines animales.

La proportion de flexitariens dans la population de certains pays européens est en augmentation. En 2018, une étude indiquait qu’11 % des Suédois et des Hollandais se disaient flexitariens (9 % en Allemagne, 5 % en Angleterre). Les principaux moteurs qui ont à l’origine de ces comportements alimentaires : le bien-être animal et l’environnement sont les raisons les plus déterminantes en Europe alors que l’aspect santé l’est davantage aux USA.

« Toutes ces évolutions sont bien évidemment suivies par les industriels depuis des années et qui se positionnent sur le marché de la protéine végétale. En Europe, c’est un marché qui se développe depuis une quinzaine d’années. On estime que 90 % des substituts de viande sont consommés par des flexitariens », explique M. Ercoli.

François Héroufosse abonde dans ce sens : « C’est un marché au niveau alimentaire en forte croissance, de l’ordre de 7 à 10 % par an. On parle d’un marché mondial de 40 milliards d’euros pour 2023. Le marché des aliments basés sur la protéine végétale devrait atteindre 162 milliards de dollars en 2030. Les tendances de consommation évoluent de façon très importante. En France, par ex, on constate une augmentation de 15 % de consommation sur 1 an ces dernières années. »

« Aujourd’hui, 24 % des Français se disent flexitariens, c’est un quart de la population. Peut-être ne le sont-ils pas, mais ils l’affirment. C’est déjà un signe ! » Et pour le directeur de Wagralim, l’enjeu à l’avenir est aussi de passer pour ces produits de l’imitation de produits carnés à la cuisine végétale à part entière.

Il prend pour exemple une tendance mondiale qui estime que sur les 872 millions de tonnes de protéines consommées globalement de par le monde en 2035, 97 millions t seront d’origine alternative sur seulement 13 millions t en 2020. C’est un pourcentage de l’ordre de 11 % (contre 2 % actuellement). Et si on détaille cette protéine alternative, qui couvre différentes possibilités, c’est la protéine végétale qui est la plus importante. »

« Nous avons en Europe une chaîne de valeur qui implique de gros joueurs dont certains chez nous en Wallonie », ce qui signifie pour le directeur du pôle de compétitivité qu’il existe de réelles opportunités de développement. » Nous reviendrons sur celles-ci dans un prochain article.

P-Y L.

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