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Quand le non durable l’emporte

Temps de lecture : 3 min

J’ai lu avec attention « Carême de carnage » (SB du 24/3), qui parle des 40 jours sans viande et se soucie de l’avenir du BBB. J’espère que le message a été bien compris. Son auteur aurait dû davantage utiliser les guillemets ou l’italique. Je le connais bien, Marc Assin, il est lui-même éleveur de bétail Blanc Bleu Belge et s’est fait ici l’avocat du diable. Il se désole de la situation actuelle du BBB et cherche des solutions : « Aide-toi et le Ciel t’aidera ». Pas tout le temps dire « c’est la faute aux autres » et oser se regarder dans la glace, balayer devant sa porte.

Le BBB survivra si le prix obtenu est nettement supérieur à celui des races concurrentes, vu qu’il y a des frais supérieurs à amortir, et si les jeunes en veulent toujours, et s’il reste des vétés… Cela fait beaucoup de « si », beaucoup de conditions… Il est donc possible qu’il deviendra un deuxième Piétrain, réduit à devenir un producteur de sperme et d’ovules.

À Libramont, on le présente dans son meilleur état, bien préparé, en robe de bal. Ah, si on pouvait définir un état d’élevage tel qu’on puisse bien les comparer ! Comment expliquer cela à des ignares de l’élevage, qui voient dans ses formes rebondies les effets d’anabolisants, de bidouillages génétiques, ou que sais-je ?

Les Belges ont un œil spécial pour la qualité viandeuse des animaux. Je crois qu’on ne changera pas cela. C’est peut-être dû à la nécessité de surveiller des animaux que la génétique employée a rendus fragiles. Et puis, il y a le gain réalisé avec un excellent animal. La qualité de la découpe a sans doute aussi joué, du fait que les bouchers pouvaient présenter à leur clientèle un morceau de viande se cuisant de façon homogène, contrairement aux bouchers qui découpent la viande « à l’hapiette ». Tout cela est lié.

Je crois que je l’ai déjà écrit. Pour moi, le prix reçu pour le bovin destiné à l’abattoir ne s’explique que par l’évolution de notre civilisation. Nous sommes passés d’une civilisation qui avait démarré une révolution mécanique, à une civilisation qui l’a motorisée. Au 19e, il y avait les bras, la traction animale, un peu de machines à vapeur, très peu de moteurs à essence. Le Diesel vient encore plus tard. Tout a changé, et la motorisation a permis la mécanisation d’un grand nombre de tâches. C’est le cas des cultures et des récoltes. La moiss’batt en est l’exemple parfait. Elle a un corollaire certain : la baisse du prix des céréales.

En 1950, le froment était à 5FB/kg, le même prix qu’aujourd’hui, inflation oubliée… Dans ces conditions, les animaux plus prolifiques (porcs et volailles), qu’on nourrit avec des céréales et des dérivés de céréales, ont un avantage compétitif, même si on leur apporte la nourriture devant leur nez, alors que la vache doit aller la chercher.

Comment faire pour retourner la balance en faveur de la vache ? C’est compliqué. La viande bovine reste avant tout le sous-produit de la production laitière, sauf en Belgique, où on aime la belle viande. Cela explique notamment pourquoi le BBB ne perce pas en Allemagne… Quant à la vache laitière, on lui fait à présent la concurrence avec du lait de soja, p.ex… J’espère qu’on n’arrivera pas à faire descendre son prix sous celui du lait. Dans ce cas, ce sera foutu.

Nous vivons dans un monde anormal, où ce qui est non durable l’emporte sur le durable. Je crois que tant que le monde n’aura pas compris que nous avons été trop loin, rien ne changera fondamentalement. On est encore mal parti avec ce président des USA, même s’il affirme qu’il faut réduire les gaz à effet de serre…

Papy Joseph

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