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Une ferme dédiée

au circuit court

En Flandre, un projet démonstratif soutenu par l’Europe et visant à développer la vente en direct de viande de petits ruminants est en cours. Celui-ci traite des débouchés pour les viandes caprines, ovines et de cervidés en circuit court. Rencontre avec un jeune couple qui s’est lancé dans la vente directe de viande ovine.

Temps de lecture : 6 min

Jeroen Hemelings et Delfien Vereecken se sont rencontrés à l’occasion d’un cours sur l’élevage ovin. Ils ont débuté la vente directe par la vente de fraises dans leur garage. Ils ont démarré leur exploitation « De Seizoenschuur » en 2012 à Schellebelle, un village de Flandre-Orientale. Leur objectif est d’élever et de cultiver en tenant compte des saisons, du caractère local, et de la durabilité. À travers le magasin à la ferme, ils veulent rapprocher le consommateur de l’agriculture et de l’horticulture.

La ferme

L’exploitation « De Seizoenschuur » cultive des légumes et des fruits et on y élève des animaux en vue de les vendre à la ferme. Les légumes proposés sont liés aux saisons : l’asperge, diverses sortes de laitues, des choux, des plantes aromatiques, des tomates, des concombres et des potirons. L’exploitation s’est spécialisée dans la culture des fraisiers et petits fruits (framboise, groseille, groseille à maquereaux, mûre). Les pommes et poires vendues au magasin proviennent d’un voisin arboriculteur.

La production animale comprend l’élevage de poulets, de pintades, de dindons et de canards, il y a des porcs et des moutons. Les produits animaux sont également liés aux saisons, et proposés à la clientèle en fonction des saisons.

Les cultures, froment, orge et maïs, sont dédiées spécifiquement à l’élevage des volailles, des porcs et des moutons. Les volailles sont logées dans la bergerie durant l’été.

L’élevage ovin

Les moutons sont quant à eux hébergés dans une toute nouvelle bergerie. Le jeune couple a opté pour le Texel français et pour le Charollais. Les raisons en sont la croissance, la fertilité, la vitalité des agneaux et la facilité d’agnelage. Le Charollais, lui, a été choisi spécifiquement pour son aptitude à désaisonner, de façon à élargir la période d’agnelage. Les béliers viennent également des deux races. Il y a aussi des croisés Texel français x Charollais. La troupe comprend une septantaine de brebis adultes, 20 antenaises et environ 130 agneaux.

Les agneaux sont élevés jusqu’à un poids vif de 50 à 60 kg, pour donner des carcasses de 25 à 30 kg. Ils sont amenés par leurs soins dans les abattoirs de Lennik, Kluisbergen ou Anderlecht. Leur propre remorque frigorifique leur assure la reprise des carcasses, notamment pour la découpe qui a lieu dans une boucherie.

Ils peuvent ainsi proposer une vingtaine de produits et préparations à base de viande d’agneau. À terme, ils espèrent pouvoir réaliser la découpe et les préparations dans le cercle familial. Jeroen a démarré des cours de boucherie.

L’offre

La viande d’agneau n’est pas disponible toute l’année, uniquement entre août et la nouvelle année, et encore seulement toutes les deux à trois semaines. Il y a toutefois des dates spéciales, les agneaux nés tardivement sont prêts pour la fête de Pâques, ou encore les agneaux nés en début de saison pour la fête des pères. La période d’agnelage a pu être étendue grâce au mouton Charollais.

La vente se fait au magasin de la ferme, en restaurants (en carcasse entière ou en morceaux choisis), via les groupements d’achat alimentaire (régulièrement) et via l’asbl Voedselteams (sporadiquement). Auparavant, on vendait des lots de viande, mais cela a été abandonné. Les animaux de réforme sont vendus vivants ou abattus, mais ils ne passent pas par la filière courte.

Le prix

La détermination du prix de vente est calculée annuellement en tenant compte des coûts (élevage, alimentation, entreprise, abattage, découpe, amortissements…). C’est à partir de ce coût de production qu’on décide d’un prix de vente qui permet d’obtenir un revenu décent. À noter que les investissements concernant le froid sont répartis entre les différentes sortes de viande.

La liste des prix nous indique notamment un gigot d’agneau à 20 €/kg, des côtes d’agneau à 24 €/kg ou du haché à 16€/kg.

Remarquons que la vente à domicile est la seule où on peut définir soi-même son prix de vente. Ce n’est pas le cas avec la vente d’animaux vivants au négoce, car là, ce sont d’autres personnes qui décident du prix. Concrètement, le jeune couple a un objectif de vente de 300 euros/agneau. La vente au négoce rapporte plutôt 100 à 120 euros, pas vraiment rentable pour le secteur donc.

Groupements d’achat

Pour l’instant, la ferme livre cinq groupements d’achat et quatre voedselteams. En Flandre, on appelle cela des « buurderijen ». C’est un jeu de mots entre voisins et fermes. En Wallonie et à Bruxelles, on trouve les dénominations : GAA, GAC, GASAP.

Le buurderij est un réseau local où on peut commander directement en ligne chez les agriculteurs de la région. Chaque semaine, chacun vient chercher sa commande au centre de rassemblement et peut rencontrer le producteur. Le premier réseau a démarré en Flandre en 2015. L’origine de ces groupements d’achat vient de France.

Quant au Voedselteams (équipe alimentaire), il s’agit d’une asbl qui gère le circuit court en Flandre mais qui, en pratique, démarre d’un réseau d’équipes locales d’agriculteurs, producteurs, bénévoles et collaborateurs rémunérés. Chaque semaine, les produits sont amenés dans un dépôt communautaire. Les commandes et paiements se font via internet. Les producteurs sont censés travailler selon des principes écologiques. L’organisation est assurée par des bénévoles. Le producteur signale chaque semaine quels produits sont disponibles, et à quel prix, et il s’arrange pour que les produits commandés parviennent au bon moment au dépôt.

Investissements

Pour la vente à la ferme, les investissements concernent avant tout l’installation générale du magasin. Un frigo séparé est nécessaire en cas de vente de viandes. L’entreprise compte aussi une remorque frigo pour conduire les carcasses de l’abattoir au lieu de découpe, et du lieu de découpe au magasin, ou pour livrer à la clientèle. Une série de boîtes frigo ou glacières sont également disponibles, et il y a également un congélateur pour la conservation à long terme.

Administration et contrôles

L’exploitation d’un magasin à la ferme est semblable à celle d’un magasin de détail. Une agréation de l’Afsca est nécessaire pour la vente de produits alimentaires. Une inspection complète par l’Afsca se fait à l’improviste deux fois par an.

Comme les animaux sont menés à l’abattoir, c’est-à-dire sur une longue distance de transport, il est nécessaire de réussir un examen pour l’obtention du certificat d’aptitude professionnelle pour le transport d’animaux domestiques agricoles.

Jeroen et Delfien tiennent à la fois une comptabilité agricole et une comptabilité fiscale.

Comme toute autre ferme, ils sont également soumis aux formalités classiques, comme la déclaration de superficie.

Comment trouver des clients

Trouver des clients, c’est essentiel pour ceux qui s’adonnent au circuit court. Pour la ferme de Jeroen et Delfien, la plus importante forme de promotion reste le bouche-à-oreille. On utilise assez peu les tracts publicitaires, les flyers. En revanche, facebook est important pour les contacts. Chaque semaine, il y a un envoi de courriel vers quelque 1.500 clients pour leur faire part de l’offre de la prochaine semaine.

La clientèle doit grandir et se construit graduellement

Enfin, le jeune couple constate que la viande d’agneau n’est uniquement prisée par des personnes fortunées. On mange peut-être moins de viande, et peut-être pas tous les jours, mais on opte pour la qualité. Chez eux, la viande d’agneau est vendue sous le label « Pastorale ».

D’après un texte d’André Calus

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