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Identifier les germes

pour un traitement

adapté à chaque animal

Bien qu’il soit très difficile de s’en défaire, la mammite est la maladie dont on dispose le plus de données. Celles-ci montrent qu’elles sont principalement dus à trois pathogènes dominants. Il convient dès lors de les identifier pour établir un plan de prévention adapté à sa ferme et à ses lots d’animaux.

Temps de lecture : 10 min

En élevage laitier, la mammite est non seulement la maladie la plus banale, mais elle est également la plus coûteuse. Pour Léonard Théron, vétérinaire et spécialiste de la mammite, elle coûte 80 millions d’euros par an en Belgique. « Si on ne compte que le lait écarté, on est déjà autour des 10 millions d’euros, c’est 10 % du chiffre d’affaires global des élevages laitiers qui se perd à cause d’une infection de la mamelle ! »

Pour appréhender une telle maladie, les éleveurs ont souvent trois approches : économique, travail et psychologique.

La première consiste à évaluer les coûts de prévention, le coût de la mammite et de les mettre à l’équilibre. La seconde est davantage corrélée à la surcharge de travail liée à la mammite, un temps qui est pris aux animaux sains. La dernière approche est davantage liée à l’émotionnel.

Chaque animal malade va occasionner un stress chez l’éleveur car il peut potentiellement quitter le plan que l’agriculteur avait réalisé pour lui.

Il est impératif d’analyser les causes pour progresser

Cela fait plus d’une centaine d’années que les recherches sur l’étiologie des mammites existent afin d’identifier le germe dominant dans la maladie. Durant cette période, celle-ci n’a pas cessé de changer de formes, passant d’une forme essentiellement subclinique (lisez vaches en cellules), entre 1900 et 1950, à une forme clinique assez sévère, davantage liée à des germes d’environnements que contagieux.

« À chaque fois que nous pensons avoir trouvé la solution, la mammite trouve une nouvelle voie. Elle s’adapte, elle est dynamique ! »

Même si les pathogènes impliqués peuvent être très différents, dans 80 % des cas, les analyses montrent que l’on est face à 3 grandes familles de germes : les streptocoques ubéris ; E. Coli et les coliformes ; les staphylocoques au sens large. Et dans certains cas un seul germe peut être la cause de 95 % des infections à la ferme (S. ubéris).

S’il est complexe de s’en défaire, il suffit souvent d’identifier ce qu’il se passe dans la ferme pour avoir un éclairage sur les solutions à mettre en place. Le problème ? Entreprendre la démarche et identifier la cause du problème !

La notion d’identification du germe est donc capitale afin de savoir sous quel angle attaquer la maladie. D’autant que chaque ferme est unique… Le recours au diagnostic permet de connaître quelle est la proportion de ces trois familles pour amorcer le plan de prévention.

Depuis 2010, grâce aux nouvelles techniques d’analyse, les scientifiques voient une augmentation nette des germes environnementaux (E. Coli et Strepto ubéris). Ils seraient la cause de près de 60 % des mammites.

Une composante majoritairement contagieuse ou environnementale ?

Et l’orateur d’insister sur la nécessité de mesurer et non se fier à ses impressions… Si les germes contagieux ne sont pas forcément présents en grande quantité dans l’environnement, une fois qu’un animal est infecté, le germe peut se transmettre assez facilement au reste du troupeau, par la salle de traite notamment.

« En présence de ces germes, il faudra donc toujours réfléchir à l’immunisation des animaux pour diminuer le stress environnemental. L’impact de la maladie sera alors fonction de la sensibilité des animaux. Tous les germes ne se transmettent pas à la même vitesse, tous n’impactent pas les bêtes de la même manière. L’enjeu de l’épidémiologie est donc de comprendre la différence entre l’environnement et le risque de contagion dans une ferme particulière. Est-on davantage face à une composante majeure infectieuse ou environnementale ? Si le vétérinaire constate la présence des deux, il va devoir doser les moyens de prévention de façon à ne pas saturer l’éleveur de conseils.

Pour l’orateur, des outils existent pour déterminer la nature des germes. « Plus on va avancer dans la lactation, plus la probabilité d’une infection d’origine contagieuse est grande ! Plus on va avancer dans l’âge des animaux, plus on va avoir des risques de contagion. Mais ce n’est pas toujours aussi évident ! »

Pour Léonard Théron, les choses changent. « Quand on s’intéresse à l’origine de des infections dues à Strepto uberis (un germe environnemental), plus de 50 % des cas sont dus à à une autre vache infectée. Ce germe, traditionnellement considéré comme environnemental, est dans les faits facilement transmissible lors de la traite. On est dès lors en droit de se demander si les installations sont propres mais aussi si les pratiques de l’éleveur sont d’un bon niveau !

L’innovation de ces 10 dernières années ? Comprendre que les mammites de début de lactation n’apparaissent pas forcément à ce moment-là ! Elles ont pour origine le tarissement, ce qui change effectivement la donne dans les moyens de prévention déployés.

L’épidémiologie peut donc déterminer le nombre d’animaux infectés très vite au vêlage et le nombre d’animaux guéris au tarissement. Et si on ne guérit pas tous les animaux au tarissement, le noyau d’animaux infectés dans la ferme ne peut que grandir. Les enjeux sont donc de maîtriser cette période tant au niveau alimentaire qu’au niveau de la prescription médicamenteuse.

Autre champ de recherches qui a subi de nombreuses modifications : le taux d’infections chez les primipares. Il a été observé que jusque 30 à 40 % des génisses d’une ferme peuvent être infectées avant le premier vêlage. « Il va de soi que si le renouvellement est déjà contaminé, l’éleveur entre dans un cercle vicieux infernal ! »

D’autant que les mammites qui coûtent le plus ne sont pas les plus sévères (seulement 10 % des cas), mais bien les infections modérées. « Peu importe la sévérité, la mammite coûte la même chose en termes de lait écarté. En termes de fréquence, on a beaucoup plus de mammites peu sévères… Et ces dernières sont le plus souvent chroniques ! Elles sont donc plus difficiles à soigner et à s’en défaire. Par exemple, 49 % des infections sont en réalité des cas apparaissant sur des animaux déjà à cellules depuis longtemps…

Pour le vétérinaire, si l’éleveur doit réfléchir à un investissement, même modéré, il doit penser à un box de vêlage ou une stabulation pour taries de bonne qualité. « C’est un enjeu capital pour la maîtrise de ces germes. »

Optimiser les conditions d’élevage

Lorsque l’éleveur veut éviter l’usage d’antibiotiques, il doit maîtriser parfaitement la composante environnementale. Celle-ci ne dépend pas d’un système mais bien de la façon dont celui-ci est géré.

Il doit avant tout chercher à avoir des trayons propres. Mais si la technique de traite est bonne, faut-il encore que le matériel de traite n’occasionne pas de dégâts !

Le challenge hivernal revient à maintenir les conditions environnementales propres et maintenir l’humidité du bâtiment sous le seuil des 60 %. Au-delà, les pathogène se multiplient. Il est donc important que le bâtiment soit bien ventilé.

Le challenge estival consiste plutôt à maîtriser le stress thermique. Plus on augmente la température et l’humidité, plus la vache sera en inconfort thermique et plus la vache va chuter en production. Elle modifiera alors la façon dont elle digère et augmentera le risque d’avoir des pertes d’immunité. Pour compenser le stress, il est important de tamponner la digestion, d’hydrater les animaux et de les protéger du soleil… ce qui revient à bien les ventiler.

Si investissement il y a pour l’hiver, il sera donc aussi utile en été.

On peut également gérer les risques en garantissant à tout moment un apport en eau irréprochable.

En outre, il convient également de gérer les stress électriques. Nombreuses sont les constructions en métal qui constituent de grandes cages de Faraday. Si elles sont mal reliées à la terre, des courants vagabonds peuvent conduire les animaux à modifier leur comportement.

Par ailleurs, il faut que les animaux puissent accéder avec qualité à l’aliment. Quelque 80 cm d’accès à l’auge par animal sont nécessaires ! « L’on aura donc beau lutter contre la mammite, si le système est malade, la mammite en devient le symptôme.

Et de rappeler : « L’hygiène est avant tout un état d’esprit et n’a rien à voir avec le travail ! »

Rappelons que le plus gros challenge reste la maîtrise de la période tarie. Ce qui n’est possible que quand l’environnement est de bonne qualité…

Adapter le traitement

Sur base des analyses des bases de données des traitements des mammites, ceux-ci ont entre 30 et 60 % d’efficacité, en fonction des animaux. LA maladie est donc très difficile à soigner, peu importent les molécules utilisées. Mais Léonard Théron se veut optimiste ! « Il est toujours possible d’optimiser les chances de réussites. Les primipares répondent généralement mieux aux traitements, les quartiers avant guérissent mieux que les quartiers arrières… À moins de 90 jours en lait, les animaux guérissent bien également… Des protocoles plus classiques ont donc tout à fait leur place. »

Toutefois, les thérapies peuvent être combinées. L’induction d’anti-inflammatoires optimise le traitement. Ce qui est paradoxal, puisque moins de 10 % des cas sont traités avec de tels produits.

Si les traitements sont plus efficaces lorsqu’ils sont ciblés, il convient d’abord de gérer l’inflammation !

Et de rappeler : « Il faut avoir un protocole ciblé pour chaque animal. Les réponses au traitement seront drastiquement différentes en fonction de chaque cas ! Il faut à minima prévoir un plan de traitement pour « nouvelle mammite » sans historique cellule et un autre pour « mammite chronique » avec historique cellules supérieur à 200.000 cellules/ml.

Les gestes qui sauvent

Au plan thérapeutique doit toujours être associé un bon plan de prévention !

Et ce plan passe par des manchons renouvelés à date, une bonne position de la griffe, des flexibles et valves bien entretenus. L’éleveur doit contrôler son matériel de manière dynamique et régulière pour éviter que la machine soit un moyen de transmission. La qualité de la traite est associée au maintien des trayons en bonne santé !

Autre pilier important : le port de gants. Seuls 30 % des éleveurs en mettent… Une étude a pourtant montré qu’un dispositif de rinçage des mains pour la traite permettait d’atteindre 85 % de réduction des germes importants sur les mains. Le simple port des gants permet déjà d’atteindre les 75 % !

« Le port de gant dans une ferme à staphylocoques ou à streptocoques, c’est 50 % de transmission en moins !

Le top ? Quand les personnes portent des gants et les nettoient pendant la traite avec des dispositifs de désinfection ! Les 100 % de réduction de transmission sont pratiquement atteints. »

Revoir son trempage est également primordial. On peut en effet développer une résistance des germes vis-à-vis des produits utilisés. Dans le temps, la sensibilité des germes va varier. Mieux vaut donc changer d’agent tous les deux à trois ans. Rappelons que le trempage n’est efficace qui si le trayon est vraiment propre.

Autre base à ne pas négliger : la maîtrise alimentaire. « Vérifier la qualité de l’alimentation, faire du dépistage… N’hésitez pas à tester régulièrement les niveaux de protéine sanguine, soit la base alimentaire de la vache. »

Pour le vétérinaire, il est également important de mesurer régulièrement les niveaux d’antioxydants (VitE/Se) dans le sang. « Quand on ne le fait pas en amont, les dégâts en aval peuvent être très importants ! » Car l’alimentation impacte tous les germes !

Bien appliqué, ce plan de prévention doit permettre à tout un chacun de prendre le contrôle des mammites cliniques récidivantes, soit celles qui causent les dégâts et les coûts plus importants.

Sept points d’attention

Et pour se prémunir de nouvelles infections, un plan à 7 points a récemment été édité par la communauté scientifique. Rappelons le brièvement.

Il consiste à :

– désinfecter tous les trayons après chaque traite et porter des gants ;

– traiter tous les cas de mammite et identifier régulièrement les germes responsables ;

– utiliser un obturateur de trayons sur toutes les vaches taries et utiliser le traitement au tarissement de façon sélective ;

– réformer les contagieuses après trois épisodes ou plus ;

– entretenir le système de traite correctement ;

– traire un trayon propre, sec et désinfecté ;

– utiliser la nutrition, les stimulants et les vaccins pour améliorer l’immunité.

P-Y L.

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