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L’olivier, arbre sacré et emblème de la Méditerranée

Lorsque l’on évoque les fruits « méditerranéens », le premier qui vient à l’esprit est généralement l’olive puisque l’olivier fait partie du paysage dans quasiment tout le pourtour de la Méditerranée et que l’olive et son huile sont largement utilisées dans l’alimentation et dans les cuisines régionales.

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Les régions qui bordent la mer Méditerranée sont particulièrement appréciées par les Européens des régions plus septentrionales. Ils en apprécient le climat, les paysages, les sites archéologiques et les nombreux lieux de détente et de tourisme, sans oublier la gastronomie ! Les amateurs de nature y trouveront une flore et une faune particulière, et les jardiniers y verront en plein air diverses espèces parfois inconnues chez nous, ou présentes sur les étals de nos marchands de fruits « exotiques ».

Dans ces régions, certaines espèces fruitières sont cultivées depuis si longtemps qu’on les considère comme autochtones ; c’est le cas de l’olivier et de la vigne. D’autres ont été introduites de très longue date par les civilisations qui se sont développées sur le pourtour méditerranéen, comme les agrumes, qui sont en réalité originaires d’Extrême-Orient. D’autres espèces fruitières sont d’introduction très récente, comme les kiwis, également originaires de l’est de l’Asie.

Sur une centaine d’espèces fruitières cultivées dans le Monde, on peut dire qu’un quart est adapté aux climats tempérés, un tiers aux climats méditerranéens, et le reste (plus de 40 %) aux climats de la zone intertropicale.

La richesse et la diversité des vergers méditerranéens constituent en toutes saisons un plaisir à la fois pour les yeux du visiteur et du photographe, ainsi que pour le palais des gourmets. Avec le progrès des techniques de conservation pendant leur transport, certains fruits exotiques sont même présents sur nos marchés tout au long de l’année grâce à la complémentarité des productions de l’hémisphère nord et de l’hémisphère sud, mais les voir « en nature » et sur la plante-mère plutôt que rangés sur un plateau est une perception tout à fait différente.

La zone à climat méditerranéen en bref

Nous ne nous intéresserons ici qu’au pourtour réel de la Méditerranée : en Europe, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, mais il existe dans le Monde diverses régions dont le climat correspond au « Climat méditerranéen » défini par L. Emberger dans une formule qui divise la pluviométrie de juin + juillet + août (en mm) par la température moyenne maximale des mois les plus chauds. Si le résultat est inférieur à 7, on se trouve dans un climat méditerranéen véritable.

Le climat méditerranéen est caractérisé par quatre saisons : un été chaud et sec, un hiver doux et humide, séparés par un automne et un printemps, saisons intermédiaires assez courtes.

Les températures moyennes annuelles sont plus élevées à l’Est qu’à l’Ouest, et sur la rive Sud que sur la rive Nord. La température hivernale varie entre 4 et 12ºC, et la température moyenne de l’été est supérieure à 21ºC. Elle peut atteindre 30ºC en Afrique du Nord. Entre l’Ouest et l’Est, la pluviosité moyenne annuelle varie en raison inverse de la température : elle est de 750 mm à Alger, de 550 mm à Marseille et de 390 mm à Athènes.

L’orographie, soit le relief du terrain, exerce une très grande influence sur le climat local et le microclimat. Ainsi, par exemple, sur la rive Nord, la zone allant en France de Cannes à Menton, et en Italie de Vintimille à Gênes, protégée des vents froids du Nord par plusieurs chaînes de montagnes, a été colonisée depuis le milieu du 19ème  siècle par la classe aisée britannique qui venait y passer l’hiver. Des mesures faites plus récemment ont confirmé que l’ensoleillement hivernal y est nettement plus important que dans les régions voisines. En choisissant cette zone, les hivernants britanniques ne s’étaient pas trompés, non plus que les cultivateurs de fleurs de la Riviera.

La zone à climat méditerranéen forme un ruban quasi continu autour de la mer du même nom ; elle se localise entre les latitudes 20-25º Nord et 45º Nord ; elle se prolonge vers le Nord le long de la côte Atlantique du Portugal et de l’Espagne, et vers le Sud le long de la côte Atlantique du Maroc ; elle s’interrompt sur la côte libyenne où la température est plus élevée et la pluviosité plus faible.

De telles espèces chez nous ?

Deux questions sont souvent posées ; la première plus fréquemment que la seconde : dans le contexte actuel d’une dérégulation et d’un réchauffement du climat, la culture d’espèces fruitières « méditerranéennes » peut-elle être envisagée dans notre pays ? ; la culture des espèces fruitières des régions tempérées peut-elle être envisagée dans la zone méditerranéenne ?

À la première, la réponse peut être à la fois positive et négative : le facteur déterminant est la tolérance à une période de gel, si courte soit elle. L’hiver 2022-2023 n’a connu que quatre épisodes de gel nocturne de respectivement 7, 2, 5 et 3 nuits. La température relevée à Wépion n’a jamais atteint -10ºC, qui semble un seuil sensible pour la végétation de divers arbres. La sensibilité d’un arbre au froid n’est pas une valeur absolue ; elle dépend énormément du contexte physiologique des arbres et du déroulement de l’hiver.

Une réponse détaillée à la deuxième question sort du cadre de cet article. Il faut savoir qu’il existe plusieurs techniques qui permettent de remplacer le froid hivernal qui lève la dormance des arbres. On peut y recourir après un hiver trop doux où la « somme de froid » relevée est insuffisante. Un autre point à analyser est l’hygrométrie de l’air en été dans la zone méditerranéenne. Diverses plantes ont été introduites d’autres régions chaudes et trouvent ici une température certes suffisante, mais dans leur climat d’origine, l’hygrométrie de l’air peut être très élevée, alors que dans le Bassin méditerranéen, l’été est chaud et trop sec. Cela peut provoquer des dégâts au feuillage et affecte la photosynthèse, comme chez les kiwis qui souffrent alors de folletage, c’est-à-dire de brûlures du bord des feuilles.

Des arbres sacrés

Lorsque l’on évoque les fruits « méditerranéens », le premier qui vient à l’esprit est généralement l’olive (Olea europea, famille des Oléacées), puisque l’olivier fait partie du paysage dans quasiment tout le pourtour de la mer Méditerranée et que l’olive et son huile sont largement utilisées dans l’alimentation et dans les cuisines régionales. Certains botanistes préféreraient utiliser le chêne vert, le chêne kermès ou le pin d’Alep comme plante indicatrice parce que l’olivier n’est pas originaire de cette région. En fait, il aurait été introduit d’Asie mineure (Syrie et Iran) dès la Préhistoire. Nous les laisserons à leur querelle et nous rallierons à la majorité qui peut constater que 97 % des oliviers du Monde se trouvent dans le Bassin Méditerranéen, où il a été diffusé sur les deux rives, progressivement d’Est en Ouest par les civilisations qui s’y sont succédé jusqu’à l’époque romaine.

Les Grecs anciens donnèrent aux oliviers une réputation qu’ils ont largement méritée d’arbres sacrés, qui a été relayée par les Romains. En Europe occidentale, le nom de famille et le prénom « Olivier » font référence à la très grande longévité, à la solidité de son bois, à sa fructification abondante, et à son importante capacité de régénération. Mon grand-père paternel avait Olivier comme second prénom. Il décéda à 96 ans dans les années 1970, et ayant été gymnaste ; il faisait encore quotidiennement 20 minutes de gymnastique !

Vue de plusieurs oliviers adultes, en Tunisie.
Vue de plusieurs oliviers adultes, en Tunisie.

Le succès de l’olive et de son huile dans l’alimentation humaine fait que la culture de l’olivier et la technologie oléicole sont en développement et qu’elles se modernisent. Les productions et la qualité s’améliorent. Mais une grave menace d’ordre phytosanitaire pèse sur les oliveraies extensives que l’on rencontre dans tout le bassin méditerranéen sur des sols très pauvres et des zones montagneuses où aucune culture alternative n’est possible. La question est donc alors davantage environnementale qu’économique.

Outre l’huile et les fruits, l’olivier apporte à l’humanité d’autres produits utiles : par exemple l’huile industrielle de grignons (= noyaux), du combustible, des aliments pour le bétail…

Dans certaines régions oléicoles, les oliveraies font partie du patrimoine des familles que chaque génération a le devoir d’entretenir et de préserver du mieux qu’elle peut afin de la transmettre à la génération suivante.

L’olivier, en quelques caractères généraux

L’olivier est un arbre à rythme végétatif cyclique qui suit celui des saisons. Sa très grande longévité vient de sa capacité de produire des rejets nombreux qui apparaissent à la base du tronc sur des épaississements appelés « souchets », parfois utilisés pour multiplier la plante-mère. Lorsque l’on évoque des arbres centenaires (ou millénaires !), cela concerne en réalité la souche, alors que la ramure est plus jeune et a été formée plus récemment à partir de rejets. À Sfax (Tunisie), il se dit que des oliveraies actuelles plantées à 24 m auraient des souches mises en place à l’époque romaine.

Le système radiculaire d’un semis se développe d’abord en profondeur selon le profil du sol, puis en largeur. Les distances de plantation dépendent de la pluviosité de la zone. Les transplantations réalisées en pépinières limitent le développement des racines principales pivotantes.

Le tronc d’un arbre jeune est droit et son écorce est lisse. Avec l’âge il devient tortueux. Sa hauteur dépend de la forme donnée par la taille.

Le feuillage est persistant pendant trois années. Les feuilles sont simples, avec un pétiole court. Leur longueur peut aller de 3 à 8 cm. La face supérieure est vert-foncé, brillante, avec une cuticule épaisse, tandis que la face inférieure paraît grisâtre suite à la présence d’un feutrage dense. Ces deux caractéristiques indiquent clairement que l’olivier est équipé d’un dispositif anti-sécheresse !

La floraison intervient au printemps sur les rameaux de l’année précédente, en grappes composées implantées à l’aisselle des feuilles ; elles comportent de 10 à 40 fleurs. Chaque fleur est très petite ; elle se compose de 4 sépales, 4 pétales, 2 étamines et 2 pistils. La fécondation des fleurs est assurée en proportions variables selon les variétés soit par le pollen de la variété même soit par celui d’une autre variété. Associer plusieurs variétés compatibles et qui fleurissent en même temps est donc un facteur favorable à la fructification.

Au centre du fruit charnu de forme ellipsoïde se trouve un noyau fusiforme allongé, très dur. La chair est verte ; elle passe au violet ou au rouge chez certaines variétés. La mise à fruits d’un jeune olivier débute vers la septième année, puis elle augmente progressivement pour atteindre la pleine production vers 35 ans.

La durée de la phase adulte dépend du climat (gel et/ou sécheresse), des soins, dont la fumure, et de la qualité du sol. La fin de la phase adulte se marque par une diminution de la production. Elle peut intervenir après 150 ans !

La pulpe de l’olive fraîche est composée en moyenne de 25 % d’eau, 55 % de lipides, 7 % de protéines, 10 % de glucides et 3 % de substances diverses, dont un glucoside amer, l’oleuropéine. La récolte se situe entre octobre et février, selon l’endroit, la variété et le type de maturité souhaitée.

La dormance des arbres est levée par le froid hivernal, par exemple un mois de janvier où la température moyenne est inférieure à 10 ou 12ºC.

Un grand nombre de systèmes de culture

Comme l’olivier a été « domestiqué » de très longue date et que sa zone de culture s’étend sur tout le bassin méditerranéen, et diverses autres régions du Monde qui présentent un climat comparable, le nombre de systèmes de culture adoptés est très grand. Les arbres âgés ont été le plus souvent formés en gobelet, c’est-à-dire en un buisson dont la ramure du centre est moins dense afin de faire pénétrer la lumière en son cœur. La forme générale peut être une sphère aplatie ou un cylindre. Les anciennes oliveraies non irriguées sont plantées en carré, en rectangle ou en triangle à des distances qui dépendent de la pluviométrie locale.

Afin d’intensifier la production et d’améliorer sa qualité, on a augmenté la densité de plantation et la forme des arbres, par exemple un fuseau ellipsoïde avec un axe central. Les arbres sont plantés en lignes parallèles. Ce mode de conduite nécessite un apport d’eau suffisant (pluies + irrigation localisée) et une fumure adéquate.

Multiplication et matériel végétal

Plusieurs modes de multiplications des oliviers existent.

  Multiplication végétative traditionnelle

Des oliviers âgés et francs de pied (c’est-à-dire non greffés : à vérifier !) peuvent être multipliés traditionnellement en prélevant en février-mars un souchet porteur d’un beau rejet. S’il s’agit de gros souchets (poids supérieur à 3 kg), ils peuvent être mis en place définitive directement ; s’il s’agit de petits souchets, il est préférable de les mettre en pépinières pendant une année afin qu’ils développent un système racinaire, avant de les mettre en place. Afin d’obtenir un beau rejet, il est possible un an plus tôt de réserver un rejet en éliminant tous les autres que porte le souchet.

Dans le même cas, il est possible de prélever au même moment des boutures ligneuses d’une longueur de 30 cm et d’un diamètre de 3 ou 4 cm, qui seront mises en pépinière pendant un ou de préférence deux ans. Une variante consiste à prélever des grandes boutures ligneuses d’une longueur de 1 m et d’un diamètre de 5 cm que l’on appelle « garrottes » et qui sont des sortes de plançons. Elles sont mises directement en place, groupées par 3, 4 ou 5, et elles formeront rapidement un bouquet d’arbres à plusieurs troncs.

Sur des oliviers greffés, ces techniques permettent de produire des sujets porte-greffe.

  Multiplication végétative intensive

Le bouturage herbacé ou semi-ligneux pratiqué abondamment en horticulture sous serre avec nébulisation d’eau et emploi d’hormones d’enracinement s’applique également aux oliviers afin de produire des arbres francs de pied ou des sujets porte-greffe.

  Multiplication générative par semis

Comme le semis donne en général des résultats irréguliers, il est déconseillé ; de plus il n’y a pas toujours reproduction de la variété, si les fleurs ont été pollinisées par une autre variété.

Le prélèvement des noyaux a été fait en août ; les noyaux sont maintenus en serre à 15ºC ; ils germent à partir de décembre.

  Multiplication végétative par greffage

La greffe en couronne peut être pratiquée en juin sur des sujets issus de semis, de bouturage ou de souchets. Les résultats dépendent de la qualité sanitaire du matériel végétal, des conditions climatiques et… de l’habileté du greffeur !

Un nombre considérable de variétés !

Le nombre de variétés d’olives cultivées dans le Monde est considérable, et leur identification se complique encore par les très nombreux cas de synonymie. Rien qu’en France, en 1918, une centaine de variétés différentes ont été identifiées, et on a relevé pour elles plus de deux cents noms ! Comme pour les prunes, les caractéristiques du noyau permettent une identification fiable.

Ir André Sansdrap

Wépion

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