Accueil Voix de la terre

Primes PAC: à qui bénéficient-elles?

Nous nous battons pour respecter les conditionnalités des primes PAC et pourtant nous n’en avons jamais bénéficié. Pourquoi ?

Temps de lecture : 4 min

Et oui, au risque d’en choquer certains, nous ne sommes pas les bénéficiaires des primes PAC. Bien sûr, on est d’accord, c’est bien nous, agriculteurs, qui les percevons mais, ce n’est jamais nous qui en avons profité !

Vous me direz, cela mérite une explication ! En effet, autant de travail, de contraintes, de contrôles, d’administration, pour qu’en finalité un autre en profite… il faudrait être fou de continuer !

Petit rappel, les primes PAC sont des aides compensatoires attribuées aux agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune mise en place il y a bien longtemps déjà.

Compensatoire ? Car elles ont pour but de compenser la baisse de revenus des agriculteurs qui, depuis bien longtemps maintenant, ne sont plus payés par rapport à leur coût de production réel majoré d’un bénéfice décent mais bien par rapport à un cours mondial des matières premières servant de référence à tous les acheteurs de ces mêmes matières.

Cela a conduit à des situations où les pays – tel que le nôtre, qui ont des charges salariales élevées, des niveaux d’exigence de production des plus sévères - produisent des matières premières dont le prix de vente est parfois proche du coût de production.

Le constat est celui-ci : en aucun cas notre revenu n’a augmenté. Au contraire, la valeur de vente de nos produits a diminué ou en tous les cas n’a jamais subi d’augmentation, et ce pendant plusieurs décennies.

Mais alors à qui bénéficient les primes PAC ?

Voici donc un exemple fictif mais proche de la réalité qui pourrait nous aider à répondre à cette question. Les agriculteurs sont un peu comme des ouvriers qui travaillent pour des acheteurs tels que l’agro-industrie, les centrales d’achats, la grande distribution. Et oui, ce sont eux les patrons !

Partant de ce principe, on pourrait imaginer que l’on mette en place la PSC : la Politique Sociale Commune où les salaires seraient fixés selon une référence mondiale : la moyenne de tous les salaires appliqués partout dans le monde, qui pourrait être de 1.500€.

Un salarié belge qui perçoit aujourd’hui 2.000 € de rémunération pour son travail, dans le système de PSC, percevrait toujours 2.000€ mais différemment : 1.500 € payés par le patron pour son travail et 500 € de prime PSC.

Bon, jusqu’à là, tout va bien, rien n’a changé pour le salarié ; il perçoit toujours ses 2.000 €.

Sauf que psychologiquement, le fruit de son travail a diminué. La prime PSC qu’on lui octroie est mal perçue par la population et également grosse consommatrice d’argent public…

Le maintien de sa prime d’une valeur de 500€ est soumis au respect de certaines conditionnalités : au départ, prendre son vélo pour aller travailler, ensuite prendre sa gourde pour boire le midi et enfin, consigner tout cela dans un lourd dossier administratif, sans erreur, sous peine de sanctions financières bien sûr !

Il perd alors le goût au travail, il se sent dévalorisé, il est montré du doigt… Mais à part ça rien n’a changé… sauf pour le patron, qui lui ne débourse plus que 1.500 € par ouvrier. Il est vu comme un acteur indispensable pour que l’ouvrier perçoive encore ses 1.500 €, sans quoi il ne pourrait plus nourrir sa petite famille. L’ouvrier n’a plus qu’à dire « merci patron ».

Les mauvaises langues me reprendront en disant «  oui mais le patron a diminué ses prix de vente ! » Peut-être… ? Encore faut-il pouvoir le vérifier…

Tout n’est que question d’angle de vue, d’interprétation… la réalité n’est parfois pas celle que l’on croit !

Malgré l’augmentation des cours de matières premières que je qualifierais d’éphémères… car tout repart déjà à la baisse : céréales, lait… Le moral et la détermination des agriculteurs sont en baisse également. Les jeunes sont de moins en moins nombreux à vouloir reprendre l’exploitation agricole. Malheureusement, cette situation bénéficie encore à d’autres… Les patrons sont en train d’acheter nos terres… mais soyons rassurés, la politique agricole commune veille… Elle veille aussi à nous discréditer chaque jour un peu plus aux yeux du consommateur !

Voici d’ailleurs une autre aberration : À l’heure où l’on parle de souveraineté alimentaire, il est aujourd’hui possible de laisser une culture, à savoir de la nourriture, pourrir aux champs contre le paiement d’une prime, encore une ! La seule condition est de s’engager pendant minimum cinq ans. C’est un peu comme si on disait à un ouvrier dans une boulangerie qu’une journée par mois il doit jeter ses croissants quand ils sont cuits ? Cela revient à lui dire que son travail n’est pas indispensable mais qu’il doit juste veiller à respecter la conditionnalité.

Alors, à qui bénéficient les primes PAC ? Êtes-vous toujours convaincus que les agriculteurs sont les bénéficiaires de ces primes ? À vous de juger… Bonne réflexion !

Saint-Marc

A lire aussi en Voix de la terre

Paysages en pays sage

Voix de la terre Il n’aura fallu que cinq jours ! Lundi matin, l’énorme vieille ferme dressait encore ses murs orgueilleux au milieu du village, défiant le temps et les saisons depuis trois cents ans. Vendredi soir, elle n’était plus là, tout simplement ! Disparue, envolée, comme si elle n’avait jamais existé. Un bulldozer, deux pelleteuses, ainsi qu’une noria de très gros tracteurs attelés de bennes, ont tout rasé et enlevé en quelques dizaines d’heures. Sur le terre-plein ainsi dégagé, sera bientôt construit un complexe de vingt appartements. L’un après l’autre, les derniers témoins de la vie agricole d’autrefois disparaissent des paysages intérieurs de nos localités.
Voir plus d'articles