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Le cheval de travail fait son entrée dans le vignoble du château d’Annevoie

Sur la route rectiligne qui m’emmène au château, les rangées de vignes légèrement inclinées, courent devant mes yeux distraits. Soudain, je crois apercevoir des porcs dans les rangs du vignoble mais je n’ose l’évoquer à mon passager, craignant un sourire moqueur. Je ralentis pour mieux constater que l’herbe et la terre sont remuées dans les interlignes. J’en déduis que des porcs fouinent dans la terre de la vigne, mais je reste muet.

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Léopold Loumaye, arrivé juste avant nous devant la grille de la parcelle, nous expliquera que les cochons Kune Kune ont été introduits dans la vigne pour en assurer l’entretien du sol. L’expérience ne se révèle que partiellement concluante car ces animaux, principalement herbivores, se délectent aussi du pampre. Mais c’est de chevaux et d’un meneur au cheval de travail que Léopold, propriétaire des 11,5 ha de vignes du château d’Annevoie, souhaite nous entretenir. Kevin Dombret, prestataire de services au cheval en activité complémentaire, m’accompagne pour venir présenter sa candidature et faire de sa passion, son métier à temps plein.

Le CECT en tant que facilitateur et intermédiaire

Lors de la journée de promotion du cheval de travail en vignes, organisée en octobre 2023 par le Comité Européen des Chevaux de Travail (CECT) à la ferme brasserie de Bertinchamps (Gembloux), Léopold Loumaye fit la connaissance de Corentin Hannon et sa compagne Eva Filet, prestataires de services au cheval de travail, notamment dans les travaux viticoles. « CORDEVA », c’est le nom donné à l’entreprise de traction chevaline d’Eva et Corentin qui font de leur vie commune une passion du cheval de travail et dont le professionnalisme n’est déjà plus à démontrer nonobstant leur jeunesse.

Convaincu par les démonstrations très professionnelles réalisées par Corentin et Eva à Bertinchamps, l’exploitant du vignoble d’Annevoie s’est alors décidé de passer à l’action. Quelques semaines plus tard, les chevaux de trait de Cordeva évoluaient entre les rangs de vigne à Annevoie avec une charrue viticole mise en location par le CECT, pour buter un ha de rang de vignes. « Mon objectif est de réaliser, à terme, la majorité des travaux viticoles avec les chevaux sur l’ensemble du vignoble », précise Léopold Loumaye. Il ajoute « Étant en bio, le désherbage se fait mécaniquement, cela nécessite donc de passer fréquemment entre les lignes. Le tracteur tasse le sol et n’en respecte pas la vie, le cheval est la source d’énergie par excellence dans la vigne ».

Des conditions de travail particulières

À Annevoie, les sols détrempés de cet automne 2023 et leur enherbement avancé freinent le labour. Eva et Corentin sont contraints de travailler avec une paire de chevaux plutôt qu’un seul équidé afin d’accroître la puissance de traction, garder ainsi un pas de travail régulier et verser la terre le plus complètement possible sur les pieds de vigne. La paire sera positionnée en flèche avec Sitor, le hongre brabançon, en tête suivi par Jean-Baptiste dont la robe blanche trahi la race boulonnaise. Les chevaux évoluent lentement et parfaitement au pas de travail requis. Il faut dire que Corentin et Eva n’en sont pas à leur coup d’essai puisqu’ils travaillent notamment 8 ha de vigne au DomaineW à Tubize depuis quelques années.

En bout de ligne, les demi-tours ne se révèlent pas trop compliqués malgré la longueur de l’attelage car les lignes sont espacées de 2 m. Cet espacement relativement important permet une aération correcte entre les lignes afin d’évacuer l’humidité ambiante et minimiser le développement fongique sur le feuillage de la vigne. Dans les vignobles français, l’air ambiant est plus sec en comparaison avec la Belgique et les interlignes peuvent être réduits à 1 m.

Çà et là, la terre ankylosée par les pluies des semaines précédentes et les herbes hautes font retomber les ados du labour dans le sillon. Dans le sens de la pente, les chevaux redoublent d’effort. Leurs encolures se rythment davantage de haut en bas pour appuyer l’effort. La musculature des équidés montre des reliefs prononcés qui font deviner la puissance nécessaire au labeur. Une journée aura été nécessaire pour réaliser le buttage d’un hectare du vignoble.

L’engagement d’un meneur

Les prestations seront concluantes malgré les conditions du moment particulièrement difficiles et Léopold Loumaye confirmera sa volonté de réaliser ses travaux viticoles au cheval de travail. Sa réflexion ultime aboutira à la nécessité d’engager un meneur expérimenté et à acheter ou louer les chevaux qui évolueront dans les rangs des vignes d’Annevoie. Si Kévin Dombret n’a pas d’expérience en travaux viticoles au cheval, il est un éleveur, un meneur et un prestataire de services au cheval de travail bien aguerri. Peu de temps se sera écoulé pour que son contrat d’engagement soit conclu. Dans le même temps, il est convenu que Kévin suivra une formation en travaux viticoles au cheval. Corentin et Eva seront sollicités pour fournir des prestations au cheval de travail afin d’aider à mettre chevaux et meneur sur les rails. Ils viendront également en renfort lorsque la charge de travail le nécessitera.

Un projet dessiné et engagé

Rapidement, la recherche d’équidés est évoquée par Léopold Loumaye afin de créer la nouvelle écurie d’Annevoie. Un premier, Kinder, un percheron hongre de 4 ans, sera accueilli début mars 2024. Acheté chez Frédéric Lucas, lui-même prestataire de services au cheval de travail en Champagne, le percheron a été éduqué pour être mené au cordeau pour les travaux viticoles. Mais il est tout aussi apte à l’attelage, ce qui sera bien utile pour emmener, à l’occasion, les visiteurs des jardins du château.

En effet, les prestations ne se limiteront pas aux seuls travaux viticoles : l’attelage aux alentours du château, mais aussi le débardage dans la forêt du domaine ne manqueront pas d’occuper Kevin. Étant donné l’intensité du travail prévu, ce dernier mettra aussi un de ses chevaux en location afin de l’alterner avec Kinder dans les chantiers.

Avec l’augmentation des surfaces viticoles en Belgique, la prise de conscience de la nécessité de la protection des milieux et du respect de la vie des sols, le cheval de travail est considéré comme un vecteur de qualité dans la viticulture. Par l’acquisition de chevaux et l’engagement d’un meneur, Léopold Loumaye ajoute de la valeur à son vignoble et pourrait bien être suivi par une partie de la corporation des vignerons, notamment de Wallonie. Pour le Comité Européen des Chevaux de Travail, c’est une reconnaissance et une grande satisfaction d’avoir rempli ses missions de facilitateur, de conseil et de promotion du cheval de travail. La création d’un emploi constitue un réel aboutissement.

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