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Une saison céréalière atypique, sous l’œil attentif du Carah

Le Carah organisait, le 20 juin, la visite de ses champs d’essais mis en place à Ath. Outre la thématique du renouvellement variétal, il a surtout été question de la protection fongicide des escourgeons et froments. L’occasion d’épingler les nombreuses particularités de la saison en cours mais aussi de tirer quelques enseignements pour celle à venir.

Temps de lecture : 8 min

Traditionnellement dédié aux visites de champs d’essais, le mois de juin peut être qualifié de riche en enseignements pour la saison céréalière à venir, grâce aux observations réalisées ces derniers mois. En pays hennuyer, le Centre pour l’agronomie et l’agro-industrie de la province du Hainaut (Carah) ne fait pas exception et ouvrait, lui aussi, ses portes aux agriculteurs et autres conseillers (phyto)techniques de Wallonie. L’occasion d’observer, en escourgeon et froment, le comportement de certaines variétés ou l’efficacité de divers programmes phytosanitaires, sous la houlette du service d’expérimentations et d’avertissements.

De nombreux programmes fongicides testés en escourgeon

Avant d’entamer la visite, Olivier Mahieu, responsable des expérimentations, livre ses observations. « L’escourgeon est plutôt en avance par rapport aux années précédentes. En cause ? Les températures supérieures aux moyennes qui ont prévalu durant sa croissance. » Et d’ajouter : « En raison des pluies incessantes, les parcelles sont dans un état de maturité très avancé dû, notamment, à d’importantes attaques de maladies malgré les traitements fongicides effectués ». Au 20 juin, jour de la visite, cela se constatait nettement.

Outre les essais variétaux (lire par ailleurs), le Carah conduit des expérimentations consacrées à la lutte contre les maladies cryptogamiques, à Ath et Molenbaix. Cette année, trois nouveautés y ont été intégrées : Verben (50 g/l proquinazide + 200 g/l prothioconazole), Padelli (160 g/l prothioconazole +300 g/l spiroxamine) et Panorama (90 g/l metconazole + 250 g/l prothioconazole). Pour le reste, les produits étaient issus de plusieurs catalogues en vue de travailler avec un large panel de solutions disponibles sur le marché.

Sur le premier site, KWS Orbit est la variété testée, comme l’année dernière. Celle-ci a surtout montré sa sensibilité à la rouille naine et a présenté quelques symptômes de ramulariose et d’helminthosporiose. À Molembaix, les essais ont une nouvelle fois été menés sur la variété LG Zebra qui a montré un peu de rouille naine, d’helmintosporiose et de ramulariose.

  L’itinéraire technique, à Ath

« Les semis ont été réalisés le 4 octobre, à la densité de 275 grains/m² (210 grains/m² pour les hybrides) », éclaire Olivier Mahieu.

Le désherbage des parcelles a été effectué avant l’hiver, le 18 octobre, avec Herold 0,6 l/ha + AZ 500 0,12 l/ha. Une correction a suivi au printemps, à l’aide d’Allié 15 g/ha + Primus 75 ml/ha, le 19 avril.

L’azote a été apporté à la dose totale de 145 unités, en trois fractions (60 unités le 8 mars, 45 unités le 29 mars et 40 unités le 16 avril). Les deux traitements de régulation ont été appliqués les 2 (Medax Top 1 l/ha) et 18 avril (Medax Max 0,5 kg/ha).

Un traitement insecticide a été réalisé le 17 octobre (Kendo 50 ml/ha), car quelques pucerons ont été observés. « Aucun symptôme de jaunisse nanisante n’a, cependant, été constaté. »

Les traitements fongicides mis en comparaison ont été appliqués aux stades 1-2 nœuds, le 8 avril, et dernière feuille, le 18 avril.

  Lutte et efficacité

« Comme tous les ans, nous remarquons clairement la supériorité des doubles traitements par rapport aux simples traitements », observe notre guide.

« Sur base des cotations effectuées début juin, en traitement unique à la dernière feuille, ressortent : Ascra Xpro + Stavento, Ascra Xpro + Comet New et Protendo 300 + Comet New + Stavento. Même si ceux-ci se montrent insuffisants, dans le contexte de l’année… » A Molenbaix, la piste Revytrex + Comet New se distingue également.

Une comparaison du premier traitement avec l’Ascra Xpro utilisé seul montre que lui adjoindre du folpet, grâce au Stavento, apporte un plus en matière d’efficacité. Le Revytrex, lui, semble insuffisant face à l’helminthosporiose lorsqu’il est utilisé seul. Son efficacité est améliorée par l’ajout de pyraclostrobine, que l’on retrouve dans le Comet New.

« En conclusion, l’ajout de pyraclostrobine montre encore un effet intéressant sur helminthosporiose tandis que le folpet confirme son rôle pour lutter contre la ramulariose. »

Du côté des programmes à deux traitements, les combinaisons les plus efficaces sont : Lenvyor + Comet New suivi d’Ascra Xpro, Fandango Pro suivi de Revystar Gold + Mizona, Verben suivi d’Imtrex + Balaya, Fandango Pro suivi de Priaxor + Lenvyor, Verben + Comet New suivi de Velogy Era + Mirror, Balaya suivi de Velogy Era + Mirror, et, enfin, Input suivi de Revytrex + Comet New. « Ce sont des solutions faisant intervenir le prothioconazole, le méfentrifluconazole, la pyraclostrobine ou le folpet en T1 et/ou en T2. »

Olivier Mahieu rappelle encore que le Carah a mené, voici quelques années, un essai mettant un œuvre un T3, avec une plus-value sur ramulariose. « Ce traitement aurait peut-être présenté un intérêt cette année. Pour autant que les parcelles aient été accessibles… », nuance-t-il.

Les observations, en froment

Après les escourgeons, place au blé et à un rapide point sur la situation au 20 juin. Olivier Mahieu : « La saison 2023-2024 a été caractérisée par des semis rendus extrêmement difficiles par les pluies automnales, tombées dès le 20 octobre et ce, presque sans interruption jusqu’à maintenant. L’hiver et le printemps ont été assez doux, malgré une petite période de gel, en décembre, très favorables aux maladies. On retiendra encore le manque de luminosité, défavorable aux rendements et propice à la verse ».

Sur le plan sanitaire, cette météo a été particulièrement favorable aux maladies et, sans conteste, à la septoriose. Inutile de préciser qu’elle a été aidée par un printemps très pluvieux durant la montaison et l’épiaison.

Plus étonnamment, la rouille brune a aussi été particulièrement précoce et agressive cette année. Quant à la rouille jaune, elle a parfois touché certaines variétés considérées comme sensibles à très sensibles mais elle a souvent été stoppée dans son développement en cours de montaison.

L’apparition de fusariose a été constatée. Au 20 juin, il était cependant trop tôt pour en dresser le bilan.

Côté insectes, peu de pucerons de l’épi mais quelques lémas ont été observés à l’épiaison. Les cécidomyies n’ont pas été préjudiciables dans les essais cette année.

Quel programme contre les maladies ?

Un important essai de quarante objets, orienté sur les programmes proposés par les firmes phytopharmaceutiques et sur les stratégies mises en avant par le Carah, est déployé en matière de lutte contre les maladies en froment d’hiver. Il prend place à Ath, sur la variété Positiv, et est complété par un second essai, installé à Chièvres, sur la variété Lg Skyscraper.

  L’itinéraire technique, à Ath

L’essai installé à Ath a été semé le 16 octobre à la densité de 350 grains/m².

Pour son désherbage, le Carah a opté, avant l’hiver, pour Herold 0,6 l/ha+ AZ 500 0,15 l/ha le 24 novembre. Une correction a été effectuée au printemps, le 26 mars, sous forme de Finy 20 g/ha + Primus 75 ml/ha + Starane Forte 0,1 l/ha.

L’azote a été apporté à la dose totale de 190 unités, en trois fractions (80 unités le 8 mars, 60 unités le 10 avril et 50 unités le 13 mai). Les régulateurs ont été appliqués les 26 mars (Cycocel 1 l/ha) et 8 avril (Moxa 0,3 l/ha + Cycofix 0,5 l/ha).

Aucune protection insecticide n’a été nécessaire.

Côté produits, trois nouveautés ont été mises à l’épreuve : Padelli (160 g/l prothioconazole + 300 g/l spiroxamine), Panorama (90 g/l metconazole + 250 g/l prothioconazole) et Pygmalion (755 g/l phosphonate de potassium).

Peu avant la visite, une pression forte en septoriose et rouille brune était observée, de même qu’une pression faible en rouille jaune. Les différents traitements ont été appliqués, selon les programmes évalués, aux stades 1 nœud (31) le 18 avril, 2 nœuds (32) le 29 avril, dernière feuille (39) le 13 mai, épiaison (55) le 24 mai et floraison (60) le 30 mai.

Et Olivier Mahieu d’en tirer quelques premières conclusions : « L’efficacité des traitements réalisés au stade dernière feuille est supérieure à celle des traitements d’épiaison. Toutefois, cette année, ils laissent passer de la septoriose et de la rouille brune sur les F3, F2 et F1. De même, l’ensemble des traitements uniques d’épiaison ne parviennent pas à contrôler parfaitement les maladies, car cette intervention est trop tardive pour permettre de stopper les pathogènes qui ont déjà progressé. Les doubles traitements (32 + 55) montrent, quant à eux, une efficacité supérieure aux simples traitements, mais laissent encore passer la septoriose sur F3, F2 et F1 ».

  Les principaux enseignements

Bien que ce ne soit pas la stratégie recommandée, quatre traitements uniques de dernière feuille se distinguent : Univoq, Velogy Era + Univoq, Univoq + Comet New, et Revystar Gold ; ces deux derniers étant supérieurs sur rouille brune. Seul, l’Univoq laisse passer la rouille brune.

En traitement unique d’épiaison, le Carah n’observe que peu de différence entre les produits mis à l’épreuve. Seul un petit plus est évoqué, à demi-mot, pour le mélange Univoq + Comet New.

Du côté des doubles traitements 2 nœuds – épiaison, « les interventions à base de Revysol (méfentrifluconazole) et les combinaisons Revysol en T1 et Inatreq (Univoq/Aquino/Questar) + partenaire en T2 et inversement sont les meilleurs en termes d’efficacité sur septoriose, comme en 2023 et 2022 », note-t-il.

Et d’ajouter : « Les objets incluant au moins une fois Aquino, Lenvyor, Revistar Gold et Balaya (en mélange ou pas) en T1, ou en T2, donnent des résultats intéressants ».

D’autre part, l’ajout de Stavento (à base de folpet) à 1,5 l/ha ou de soufre à une triazole en T1 montre une efficacité supérieure comparée à la triazole seule. « Le Stavento permet de freiner légèrement la montée de septoriose sur les F2 et F1. »

« En retrait, on épinglera les triazoles seules en T1 suivie d’un T2, qu’importe celui-ci. »

Enfin, comme l’an passé, les traitements multiples à doses réduites 32+39+60 donnent des résultats certes bons, mais légèrement en retrait par rapport aux meilleurs traitements 32+55.

Propos recueillis par Jérémy Vandgoor

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