Le regard de Syngenta sur les biostimulants et le biocontrôle
Comme d’autres acteurs de la phytopharmacie, Syngenta porte un intérêt croissant aux biostimulants et autres produits de biocontrôle. Petit à petit, ceux-ci intègrent, en effet, l’arsenal des moyens dont disposent les agriculteurs pour accompagner ou protéger leurs cultures. L’occasion de détailler comment ces produits voient le jour mais aussi quels sont leurs rôles.

Les nombreux défis auxquels sont confrontés les agriculteurs (changements climatiques, résistances, santé des sols, restriction d’usage de certains intrants…) valent aussi pour les acteurs de la phytopharmacie. Syngenta constate d’ailleurs que les ventes de phytos « traditionnels » reculent. Cependant, la société s’attend à voir la valeur marchande des produits de protection des plantes croître en raison, notamment, de l’apparition de nouvelles technologies (produits de biocontrôle, agriculture de précision…) et de l’émergence de nouveaux marchés. À ce sujet, sont cités les biostimulants, les fixateurs d’azote ou les produits agissant sur la santé des sols.
Le phytopharmacien estime toutefois que les produits dits « traditionnels » ne disparaîtront pas du marché, bien qu’ils devront répondre aux exigences les plus strictes en matière d’environnement et de santé. En parallèle, ils ne constitueront pas la seule approche à mettre en œuvre. Syngenta pressent qu’ils cohabiteront avec de nouvelles variétés, adaptées aux défis actuels et futurs (sécheresses, résistance aux maladies et ravageurs…) ; de nouvelles technologies, facilitant le trajet vers une agriculture durable et régénératrice (drones, scanner de sol…) ; et les biostimulants et produits de biocontrôle, permettent de gérer les stress abiotiques et de lutter efficacement contre les ravageurs.
Deux catégories de produits auxquelles croit fermement la firme suisse. Pour preuve, elle entretient plus de 40 collaborations commerciales et de recherche et développement dans ce domaine. Ce qui se traduit par le lancement de plus de 45 nouveaux produits au cours des cinq dernières années.
Un complément à la chimie traditionnelle
Myriam Van Hecke, technical lead disease control, livre quelques chiffres relatifs au marché des produits de biocontrôle. On apprend ainsi que les insecticides (40 % des parts de marché), fongicides (32 %) et régulateurs de croissance (16 %) composent le top 3 des produits les plus vendus. Concernant les biofongicides en particulier, les États-Unis et le Canada en sont les plus grands utilisateurs (38 % des produits écoulés), suivis par l’Europe (24 %). « Cette différence peut s’expliquer par le fait qu’il ne s’écoule que deux ans, aux États-Unis, entre la soumission d’un dossier auprès des autorités et la mise sur le marché. En Europe, ce délai est de dix ans… », détaille-t-elle.
Elle détaille encore que les produits de biocontrôle sont majoritairement utilisés dans les cultures spéciales (vignes, noix mais aussi pommes de terre), suivies des légumes et, en retrait, des grandes cultures. Et d’interroger : « Pourquoi un tel recours en cultures spéciales et légumes ? ».
Premièrement, les produits de biocontrôle confèrent un accès sécurisé au marché (respect des règles de l’agriculture biologique et/ou gestion facilitée des résidus). Deuxièmement, ils permettent de réduire l’utilisation des produits chimiques mais comblent aussi certaines lacunes dans le portefeuille de produits. Enfin, ils réduisent le risque de développement de résistance.
« Dans cette optique, Syngenta voit en ces produits des solutions complémentaires à la chimie conventionnelle, dont le positionnement est flexible (en solo ou en mélange, en conventionnel ou en bio…). Dans tous les cas, ils doivent être développés selon les besoins des agriculteurs. »
Ainsi, la firme est déjà présente sur le marché avec plusieurs produits élaborés en collaboration avec divers partenaires. C’est le cas, notamment, de Taegro (13 % Bacillus amyloliquefaciens souche Fzb24) pour le biocontrôle de l’oïdium et du botrytis de la vigne, et de Thiovit Jet (80 % soufre) combinant gestion des maladies et traitement acaricide. À moyen terme, d’autres produits issus de collaboration seront mis sur le marché.
« Nous investissons aussi en vue de mettre au point nos propres produits. À l’horizon 2030, le département recherche et développement devrait être en mesure de dévoiler des nouveautés. »
Tirer parti des bactéries fixatrices d’azote
Aux côtés des produits de biocontrôle, le phytopharmacien s’intéresse à l’efficience de l’utilisation des nutriments. Pour lui, outre les engrais à libération contrôlée ou la fertilisation sur le rang, cet objectif peut être atteint grâce aux bactéries fixatrices d’azote. Ces dernières permettent, en effet, de réduire les applications azotées.
Plusieurs types de bactéries fixatrices d’azote sont intégrés à la gamme de produits. À l’échelle internationale, celle-ci intègre Nuello iN, un traitement de semences à base de Curtobacterium salicaceae et Pseudomonas siliginis qui agissent dans la tige et la feuille, mais aussi dans les racines. Plus connu, le Vixeran (également commercialisé sous les noms Nuvenio et NutribioN) mise sur Azotobacter salinestris. Enfin, Cepacet est un biostimulant à vocation racinaire, dont l’action repose sur Azotobacter salinestris et Bacillus megaterium.
En pratique, il est difficile de chiffrer l’économie d’azote résultant de l’application de ces bactéries. Syngenta parle plutôt de « compensation d’une réduction d’azote ». Des essais menés en Grande-Bretagne sur Nuello iN ont montré qu’une parcelle de froment traitée avec ledit produit affichait dès 140 kg N/ha un rendement similaire à celui d’une parcelle fertilisée à 170 kg N/ha. Une compensation moyenne de 30 kg N/ha est donc évoquée. Du côté du Vixeran, un essai similaire conduit sur escourgeon aux Pays-Bas, témoigne d’une compensation de 40 kg N/ha.
La firme explique que la fixation d’azote, en combinaison avec d’autres propriétés favorisant la croissance, assure une utilisation plus efficace des nutriments pour la plante. Selon le produit appliqué, certains nutriments du sol seraient plus accessibles à la culture. La production d’hormones serait stimulée, ce qui favorise la croissance des racines, entre autres.
Vixeran, Viva, Kuanavo…
Vixeran, disponible sur le marché belge, permet à la culture de bénéficier d’une nouvelle source d’azote. « La bactérie présente dans la solution, Azotobacter salinestris (souche CECT 9690), pénètre dans la plante via les racines et les feuilles, colonise les tissus et forme un biofilm autour des racines. La plante capte, ainsi, l’azote atmosphérique et du sol et en tire parti », détaille Christian Walravens, crop advisor pour la Wallonie.
Mais pourquoi avoir choisi cette bactérie ? « Bien évidemment, pour sa capacité à fixer l’azote », glisse Esteban Rodriguez, product manager chez Ceres Biotics, partenaire de Syngenta sur ce produit. Et de poursuivre : « La fixation d’azote se fait à basse et à haute température, ce qui est très intéressant. A. salinestris est active dès 4°C. Ses autres atouts sont sa croissance endophytique, c’est-à-dire au sein de la plante, et sa capacité à former un biofilm, augmentant sa résistance en conditions défavorables ». Enfin, elle rend disponible le phosphore insoluble, le fer et le potassium.
« Pour vérifier l’effet bénéfique du produit, nous travaillons sur froment d’hiver, en chambre climatique. Celles-ci permettent de reproduire des conditions météorologiques particulières tout au long de l’année, ce qui accélère nos travaux de recherche », enchaîne Christian Walravens. Après analyse des plants traités et non traités, les résultats montrent que Vixeran accroît le poids des feuilles et des racines, mais aussi et surtout la surface du sol colonisée par les racines.
Viva est un autre exemple de biostimulants. Il s’applique par irrigation (goutte à goutte ou aspersion) et stimule l’activité du sol (amélioration du cycle des nutriments, activation du microbiome, augmentation de l’activité biologique du sol, croissance des racines et de la biomasse végétale…).
Enfin, Kuanavo, lancé l’an dernier sur le marché français, est un traitement de semence destiné aux cultivateurs de maïs, tant en conventionnel qu’en bio. À base de soufre d’origine microbienne, il assure une meilleure croissance de la plante (surfaces foliaire et racinaire s’en trouveraient accrues) et la rend plus forte face aux ravageurs divers. On épinglera notamment le fait que plus la croissance de la plantule est rapide, moins sa période de vulnérabilité aux corvidés est longue.