Bien gérer l’eau pour répondre aux besoins de la culture… par tous les temps!
Comme cela s’est produit à cinq reprises lors des huit dernières années, une période de déficit hydrique marque la conduite des cultures. La particularité de ce début de saison est que nous avons commencé l’année avec des structures de sol qui ont énormément souffert sous les fortes précipitations depuis l’automne 2023 jusqu’à l’hiver dernier. Or, un sol bien décompacté permet une pénétration des racines en profondeur après la levée ou la plantation.

Tout d’abord, il convient de s’adapter à la sécheresse actuelle. Le travail du sol est aussi une source de dessèchement de surface. Il faut donc décompacter, sans foisonner, et rassoir la surface.
Dans notre maîtrise de l’enherbement, nous sommes souvent amenés à faire des faux-semis. En soi, la technique permet de réduire l’emploi d’herbicides. Toutefois, un faux-semis signifie également une perte d’eau lors de cette opération. Entre deux maux, il faut prendre le moindre… En effet, les adventices consomment de l’eau pour leur croissance. Le faux-semis reste dès lors pertinent. Cette année, son effet est néanmoins limité sur de nombreuses parcelles, le sol sec ne permettant pas la germination des advendices.
De plus, le paillage permet d’économiser ce précieux liquide. Et la combinaison avec l’effet désherbant permet une réduction significative des besoins de main-d’œuvre pour le désherbage. Utiliser un voile non thermique est une technique efficace. L’avantage est de limiter l’évaporation d’eau du sol et l’évapotranspiration des plantes pour limitation de l’effet du vent. Mais il n’y a que peu d’élévation de la température, ce qui est intéressant dès le milieu du printemps.
Le binage reste bien utile dans la gestion de l’eau. En rompant la capillarité, en aérant le sol et en éliminant des adventices, il est utilisé dès que possible. Les nouveautés technologiques ouvrent des espoirs grâce au pilotage automatisé, en grandes comme en petites surfaces maraîchères, notamment en recourant à des entreprises équipées. L’intérêt est surtout marqué après une battance du sol en surface, comme suite à un orage ou une aspersion trop violente.
Les stades clés de la culture
Dans nos conditions habituelles, la période entre le semis et la levée, ou entre la plantation et la reprise a besoin d’irrigation. Les apports sont peu importants et fréquents tant que la culture n’est pas installée et reprise.
Lorsque le déficit hydrique est marqué, il faut prévoir des arrosages durant la croissance de la culture. Les apports se font sur base d’un calcul qui tient compte de la nature du sol et des besoins de cette culture. En première approche, nous retenons des apports de 1 mm (soit 1 l par m²) par cm de sol à irriguer pour l’aspersion. Pour l’irrigation en goutte-à-goutte, nous multiplions ce chiffre par 0,5 à 0,9 selon que les rangs sont écartés les uns des autres ou pas.
Choisir le bon moment de la journée
Pour l’aspersion, nous essayons d’irriguer lorsque les plantes sont encore couvertes de rosée, la nuit ou tôt le matin. L’objectif est de ne pas poursuivre la période d’humectation du feuillage suite à la rosée par une seconde période due à l’irrigation. C’est une mesure préventive contre les maladies cryptogamiques du feuillage. Cependant, cette année, c’est à peine si nous avons de la rosée. Pour le goutte-à-goutte, cela a moins d’importance.
Opter pour la température adéquate
Lorsque la configuration des lieux le permet, n’hésitons pas à aménager un bassin d’attente dans lequel l’eau acquiert une température similaire à celle observée les jours précédents. Ce bassin sera souvent à l’air libre, nous en protégeons l’accès pour éviter tous risques de noyades de jeunes visiteurs.
La crépine d’aspiration est suspendue sous un flotteur pour privilégier la prise de l’eau la mieux réchauffée.
Au niveau de la filtration, elle est nécessaire pour limiter l’abrasion des pompes et le bouchage des installations. Nous la réalisons souvent à deux niveaux : la crépine est une pré-filtration, le filtre à sable ou le filtre à tamis complète le travail.
Ainsi, le filtre à sable permet d’enlever les matières solides en suspension dans l’eau. Son fonctionnement est meilleur avec du sable calibré. Quant au filtre à tamis, il permet d’arrêter les particules de taille supérieure à 0,08 mm ou jusqu’à 0,25 mm, selon les modèles.
Aspersion ou goutte-à-goutte ?
En pratique, nous avons besoin des deux systèmes dans une ferme maraîchère diversifiée.
Le goutte-à-goutte est utilisé pour :
– les cultures paillées puisque le binage n’y est pas envisagé ;
– économiser l’eau ;
– lorsque la pression disponible est limitée ;
– les cultures sous abris de concombres, courgettes, haricots, melons, piments, tomates ;
– les cultures en plein air de cucurbitacées.
Nous utilisons l’aspersion pour :
– l’installation de la culture ;
– en terrain très drainant ;
– les cultures sous abris de betteraves, carottes, céleris, choux, laitues, mâches ;
– les cultures en plein air de bettes, céleris, épinards, laitues, oignons, persil ;
– faire descendre la température sous abris ;
– prévenir les soucis de salinité de surface.
Mesurer les apports
Notons qu’il faut une longue expérience pour pouvoir se passer de mesures précises pour piloter son irrigation.
Idéalement, nous mesurons la progression de l’humidité dans le sol grâce à deux tensiomètres positionnés à des profondeurs différentes. Le plus haut est placé pour que la cartouche sensible soit à 8 à 10 cm de profondeur lors de l’installation de la culture. Le second est positionné 15 à 20 cm plus bas.
Par ailleurs, il faut au moins un pluviomètre sur la parcelle pour estimer l’eau apportée par précipitations à tout moment.
Avec l’irrigation par aspersion, la répartition des apports peut être hétérogène, il en faut donc ajouter plusieurs autres pluviomètres pour tenir compte des recouvrements de rayons d’action des appareils, du vent, de la pression disponible, etc.
En goutte-à-goutte, un contrôle des apports par examen du profil du sol est nécessaire après creusement d’une cavité ou d’un trou de tarière.
L’irrigation et le goût des légumes
L’eau est nécessaire à la croissance, à la photosynthèse et par conséquent à l’obtention d’une saveur et d’un parfum typique du légume.
Pour les laitues et pour les chicorées, les besoins sont de 100 % par rapport à la norme telle que nous l’envisageons dans ces colonnes lorsque nous abordons ces cultures.
Au niveau des choux, nous essayons d’être à 80 % des besoins théoriques pendant les deux ou les trois premiers mois de culture, puis nous passons à 100 % des besoins lorsque la pomme ou la fleur se forme.
Pour les tomates, les poivrons, les concombres et autres cucurbitacées, nous essayons de ne satisfaire que 80 % des besoins théoriques afin d’obtenir des légumes ayant une teneur en matière sèche un peu supérieure à la norme habituelle. Le rendement en kg sera peut-être un peu diminué, mais la saveur et le parfum y gagneront largement.