Le cas particulier des baux de courte durée et de fin de carrière
Après l’examen des baux ordinaires, des baux de 18 ans d’une première période de 18 ans au moins et des baux de longue durée, il est proposé de poursuivre ce tour d’horizon de la durée des baux à ferme par l’examen de trois baux à ferme qualifiables de « spéciaux ».

Le terme « spécial » est désigné pour les baux formatés à des situations particulières des preneurs et/ou bailleurs : l’un existe depuis bien longtemps, le bail de carrière, alors que les deux autres – bail de courte durée et bail de fin de carrière – sont le fuit de la récente réforme de la loi sur le bail à ferme depuis 2020.
De courte durée
Le bail de courte durée est, comme dit ci-avant, une nouveauté qui répond à une nécessité circonstanciée de pouvoir conclure un bail du point de vue du bailleur.
Il est visé à l’article 8 §4 de la loi sur le bail à ferme.
Il est conclu pour une durée inférieure ou égale à 5 ans. Si une durée inférieure à 5 années a été convenue, elle peut être prorogée une seule fois pour autant que l’addition de la durée 1 et de la durée 2 n’excède pas 5 années (sauf exceptions – voire ci-dessous). Si la première et unique période excède 5 années ou si l’addition des périodes 1 et 2 excède 5 années, le bail de courte durée est alors « requalifié » en bail ordinaire d’une première période de 9 ans.
Il en sera de même si, à l’approche de la fin du bail de courte durée, le bailleur ne notifie pas congé (sans motif sinon la fin du droit d’occupation) au moins 6 mois avant son terme, ou si le preneur continue d’occuper les lieux sans opposition du bailleur : requalification en bail ordinaire d’une première période de 9 années.
La loi limite encore à deux la possibilité de conclure un bail de courte durée sur une durée de 18 ans, tout en précisant (voire ci-dessous) que, si deux baux de courte durée sont conclus endéans cette durée de 18 ans, ce devra être pour des motifs différents (voire ci-dessous quant aux motifs).
Dans certaines circonstances
Le bail de courte durée n’est légalement possible, sous peine de disqualification, que dans certains cas légalement listés et identifiés. Autrement dit, il faut une cause légalement prévue pour la conclusion d’un bail de courte durée. Ces causes sont les suivantes :
– Les bailleurs sont en indivision et doivent sortir d’indivision ou liquider une succession ;
– Le bailleur a un descendant qui poursuit des études agricoles et entend exploiter le bien sujet à location à l’issue de ses études agricoles ;
– Le bailleur a un descendant qui entend s’installer comme agriculteur et exploiter le bien sujet au bail de courte durée dans un délai inférieur à 5 ans à dater de la convention du bail de courte durée ;
– Le bailleur, exploitant agricole, est en état d’incapacité ou de maladie grave justifiant qu’il ne puisse exploiter lui-même momentanément (à noter que, dans ce cas, le bail de courte durée peut être prolongé au-delà de 5 ans, année par année) ;
– Le bailleur est une autorité publique et est en attente d’une demande d’autorisation / de permis particulier (à noter que, dans ce cas, le bail de courte durée peut être prolongé au-delà de 5 ans, année par année) ;
– Le bailleur est une autorité publique et attend d’être autorisé à affecter le bien sujet au bail de courte durée à des fins d’intérêt général (à noter que, dans ce cas, le bail de courte durée peut être prolongé au-delà de 5 ans, année par année).
Autrement dit…
Par souci de précision, reproduisons le texte de l’article 8 §4 de la loi :
« § 4.
Par dérogation à l’article 4, un bail dit de courte durée peut être conclu, dans les formes prescrites par l’article 3, pour une durée inférieure ou égale à cinq ans.
Au terme de la durée convenue, le bailleur peut mettre fin au bail, moyennant un congé donné sans motif, conformément à l’article 11, 3/1.
Nonobstant toute clause ou toute convention contraire, à défaut d’un congé notifié dans les délais ou si le preneur continue à occuper les lieux sans opposition du bailleur, le bail est réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans à compter de la date à laquelle le bail de courte durée initial est entré en vigueur.
Le bail de courte durée peut être conclu et prorogé uniquement une seule fois, entre les mêmes parties, sous les mêmes conditions et sans que la durée totale de location n’excède cinq ans pour l’un des motifs suivants :
1° en attente d’une sortie d’indivision ou d’une liquidation de succession des bailleurs ;
2° en attente de la fin des études agricoles préparant à la reprise d’exploitation d’un descendant du bailleur souhaitant devenir agriculteur ;
3° en attente de l’installation effective d’un descendant du bailleur dans les cinq ans à dater de la conclusion du contrat de bail ;
4° en cas d’incapacité ou de maladie grave du propriétaire exploitant ;
5° dans l’attente d’une décision définitive sur une demande introduite sur la base de l’article D.IV.22, alinéa 1er, 1°, 2° et 7° du Code du Développement territorial, pour l’État, les Régions, les Communautés, les provinces, les communes et les établissements publics ;
6° dans l’attente de l’affectation de parcelles, à des fins d’intérêt général, par un pouvoir public.
Par dérogation aux alinéas 1er et 3, le bail de courte durée conclu pour l’un des motifs visé à l’alinéa 4, 5° et 6°, peut être prolongé au-delà de cinq ans, année par année le temps de l’obtention des réponses aux demandes introduites sur bases de l’article D.IV.22, alinéa 1er, 1°, 2° et 7°, du Code du Développement territorial.
Un bailleur peut conclure un maximum de deux baux de courte durée sur une période de dix-huit ans, à chaque fois pour des motifs différents parmi ceux visés à l’alinéa 4 et sans préjudice des causes de prorogation visées aux alinéas 4 et 5 ».
Fin de carrière
Le bail de fin de carrière est, lui aussi, une nouveauté depuis la réforme de 2020. Il est visé à l’article 8 §5 de la loi sur le bail à ferme. Il est réglementé de la façon suivante.
Il faut comprendre, avant tout, que le bail de fin de carrière ne peut « sortir de nulle part » ou exister ex nihilo en ce sens qu’il doit obligatoirement suivre un bail à ferme entre les mêmes parties qui a préexisté et qui est venu à échéance. On ne peut donc conclure, du jour au lendemain, un nouveau bail sous la forme d’un bail de fin de carrière. À noter que le bail de fin de carrière ne peut suivre un bail de courte durée.
Le bail de fin de carrière prend automatiquement fin lorsque le preneur atteint l’âge légal de la pension. Il est conclu pour une période fixe dont la durée court du jour de sa prise de cours jusqu’au jour où le preneur a atteint l’âge légal de la pension (s’il y a plusieurs copreneurs, la période est calculée sur base de l’âge du copreneur le plus jeune). En cas de décès du preneur, avant l’âge légal de la pension, le bail prend fin automatiquement au jour du décès, sans préjudice de la possibilité de récolter la culture croissante. Si, à l’issue du bail de fin de carrière, donc lorsque le preneur a atteint l’âge légal de la pension, il est laissé dans les lieux loués, le bail se prolonge année par année…
La loi précise qu’en présence d’un bail de fin de carrière, le preneur ne dispose pas de la possibilité de céder son bail (à qui que ce soit, même à des parents légalement éligibles à la cession habituellement – fils, fille, etc. etc.), et ne dispose pas plus du droit de préemption.
Selon la loi
Par souci de précision, reproduisons le texte de l’article 8 §5de la loi :
« § 5. Par dérogation à l’article 4, les parties peuvent conclure un bail dit de fin de carrière. Il est conclu pour une période déterminée égale à la différence entre le moment où le preneur aura atteint l’âge légal de la pension et son âge à la date d’entrée en vigueur du contrat. Au cas où il y a plusieurs preneurs, la période déterminée est calculée sur base de l’âge du copreneur le plus jeune.
Le bail de fin de carrière est conclu uniquement entre les mêmes parties que le bail venant à échéance, aux mêmes conditions et avantages et pour les mêmes terres agricoles, sans préjudice de l’article 3/1, § 2, du décret du 20 octobre 2016 limitant les fermages. Toutefois, un bail de fin de carrière ne peut être conclu à la suite d’un bail de courte durée.
Au terme d’un bail de fin de carrière, le bailleur retrouve automatiquement la libre disposition de son bien sans que le preneur ne puisse s’y opposer.
La sous-location, la cession de bail ainsi que le droit de préemption, prévus aux articles 30, 31, 32, 34, 35 et 47 ne sont pas applicables au bail de fin de carrière.
Lorsque le preneur est laissé dans les lieux après la durée mentionnée à l’alinéa 1er, d’un commun accord entre les parties au bail, le bail se poursuit d’année en année par tacite reconduction entre les mêmes parties au bail à ferme. Par dérogation à l’article 43, le bail est résilié au jour du décès du preneur ou à une date ultérieure permettant le complet enlèvement de la récolte croissante par ses héritiers ou ayants droit ».
Nous terminerons ce tour d’horizon par l’examen du bail de carrière la semaine prochaine.
avocats au Barreau de Tournai