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Courrier des lecteurs: «Feu sacré»

Voici un petit écho à la Voix de la Terre de V. N. qui nous parle des « coupeurs de feu », « Quand le karma sévit… Attention au retour de flamme ».

Temps de lecture : 3 min

Alors, je ne résiste pas à vous parler de mon voisin décédé il y a quelques années et qui avait une réputation méritée de « rebouteux », comme on dit ici. Il s’agit d’une circonstance spéciale : c’est le dimanche de la procession dans le village.

La situation

J’habite un ancien relais de Poste de la même année que la naissance de la Belgique, à front de grand-route, comme il se doit pour ce genre d’activité où on échangeait naguère des chevaux fatigués contre des chevaux frais. La ferme actuelle a toujours souffert de cette situation compliquée pour faire traverser la route au troupeau de vaches puisque les pâtures sont de part et d’autre de cet axe important.

Jacques, mon voisin rebouteux, célibataire, passe son temps en prières pendant la nuit tandis qu’en journée, il fait honneur à la… Jupiler ou reçoit ses « clients malades » pour les délester de leurs maux.

La Fête-Dieu

La lumière est éclatante et vibrante comme jamais en d’autres saisons. Presque tout le monde pavoise sa maison. On sort les statues religieuses de la maison et on les installe sur des stèles, porte ouverte ou derrière les fenêtres. Ces saints sont entourés de fleurs, de bougeoirs… C’est ainsi que mon voisin Jacques ouvre sa porte mais lui, il allume les bougies. Et ce n’est pas une petite affaire parce que les flammes s’éteignent souvent avec le souffle de la brise. Il n’y a d’ailleurs que lui qui s’oblige absolument à brûler des bougies. Pourquoi ? Parce que pour Jacques, qui récite des prières à longueur de nuit pour « réparer ses malades », c’est le Dieu Vivant qui lui fait l’honneur de passer devant sa demeure.

Plus qu’un pavoisement

Devant tant de préparatifs, les processionnaires ont l’habitude de regarder les maisons et leurs occupants. Mais, cette année-là, personne n’a d’yeux pour Jacques, son autel et ses bougies aux flammes tremblotantes. Tout le monde – sans exception – lève les yeux vers le ciel ou, plutôt, vers le toit de sa maison. Jacques s’en rend bien compte. Mais qu’est-ce qu’ils voient tous ?

La procession passe puis redescend aussitôt, car c’est la fin du village.

Félin pour l’autre

Dès que la procession s’éloigne, Jacques traverse la route pour se rendre compte lui-même de l’intérêt magnétique supposé. Ah ! c’est ça ! Ses huit chats se sont répartis aux deux fenêtres des chambres, attirés par la musique et les cantiques et constituent bien malgré lui, bien malgré eux, un pavoisement plus qu’original ! Je me souviens encore de son sourire en me le racontant.

Jacques les avait mis en sécurité en haut afin qu’ils ne s’échappent pas sur la grand-route.

La belle jardinière

L’autre voisine de Jacques, c’était ma belle-mère. Elle avait demandé que je lui installe des bacs à fleurs pour égayer ses deux fenêtres. J’avais choisi des géraniums rouges à port droit, des roses pendants, du lierre, des lobélias bleus et des calcéolaires – comme de petits sabots renflés jaune vif pigmentés de tout petits points rouges. L’ensemble était fort harmonieux, je dois dire.

Quand une des deux jardinières disparut, ce fut la catastrophe et pour ma belle-mère et pour Jacques qui disait profiter de la beauté de ces fleurs lorsqu’il revenait du village. Ils se lamentaient tous les deux comme si un objet de grand prix leur avait été dérobé.

Alors, Jacques a dit : « je vais lui lancer un sort ! ». Mais, du karma du voleur ou de la voleuse, on n’a jamais rien su.

Marlène André

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