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«Les planteurs doivent absolument conserver un prix de base rémunérateur!»

La fin des quotas sucre en septembre 2017 annonce la suppression du prix minimum garanti pour les betteraves et l’avènement de nouveaux contrats d’achat. La Raffinerie Tirlemontoise expose depuis peu son projet de contrat aux planteurs, même si celui-ci n’a pas encore fait l’objet d’un accord interprofessionnel.

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Dans un peu plus d’un an, la filière de la betterave sera, elle aussi, confrontée à un changement de taille: la fin des quotas sucre. La quantité de sucre vendue sur le marché alimentaire européen ne sera plus limitée et ce dernier sera donc en concurrence avec le marché mondial. Pour les betteraviers cela signifie que le prix minimum garanti pour les betteraves disparaît et que leurs contrats d’achat doivent être revus.

C’est dans ce cadre que des négociations ont été engagées entre la Raffinerie Tirlemontoise (RT) et les représentants des betteraviers wallons lui livrant la matière première. Jean-Joseph Rigo, président du comité de coordination des betteraviers de Hesbaye (Coco Hesbaye); David Jonckheere, président de la Fédération des betteraviers wallons livrant à la RT (Fédé RT) et Benoît Haag, secrétaire général pour l’Association des Betteraviers wallons (ABW) nous en disent plus sur ces négociations et sur la proposition de contrat récemment présentée à certains planteurs.

Quand les négociations pour les contrats d’achat des betteraves 2017 ont-elles débuté avec la RT?

B.H.: En 2014, cela s’est déroulé en deux phases. Différents points ont été abordés au cours de réunions de négociations jusqu’en mars 2016. C’est à ce moment que nous avons dû faire face à une rupture et qu’il nous a été annoncé que l’on oubliait tout ce qui avait été fait jusque-là et qu’une nouvelle proposition était à l’ordre du jour.

En quoi consiste cette nouvelle proposition?

B.H.: Il s’agit d’une transposition du projet d’accord établi par le groupe Südzucker pour les planteurs allemands avec quelques petits changements pour la Belgique. En fait, le projet proposé est censé être commun aux Belges, Français, Polonais et Allemands. J-J.R.: Néanmoins, nous estimons que c’est plutôt le chiffre d’affaires à l’hectare de betteraves que le groupe souhaite identique. D.J.: En fait, ils veulent payer le même prix ‘tout compris’ (prix de base, primes, indemnités, ...) à la tonne de betteraves dans chaque pays. J-J.R.: Pour y arriver, des modalités différentes sont proposées dans chaque pays. Il peut par exemple y avoir des adaptations au niveau du prix des pulpes ou de la richesse de sucre de référence. B.H.: Le changement fondamental que nous déplorons dans cette nouvelle position est qu’il a toujours été question d’aller vers quelque chose de nouveau mais en maintenant l’équilibre en place, pourtant c’est tout le contraire qui nous est proposé. Avant, il existait une clé de répartition pour la valeur de vente de sucre, 56% de celle-ci allaient à l’usine pour couvrir ses coûts de production, assurer son bénéfice… etc. et 44% revenaient aux fournisseurs, c’est-à-dire les betteraviers. D’après les estimations, ce pourcentage serait clairement revu à la baisse.

À ce jour, où en est-on dans les négociations? Un accord interprofessionnel a-t-il été passé?

D.J.: Durant les négociations, nous avons clairement exprimé notre désaccord par rapport au nouveau projet mais, malgré cela, la RT a continué sa progression en faisant fi de nos remarques et de nos propositions. Ils ont ainsi prévu d’exposer aux planteurs des éléments que nous n’avons pas acceptés. C’est pourquoi nous avons décidé d’informer objectivement les betteraviers. B.H: Un cycle de réunions a été réalisé la semaine dernière afin de leur expliquer ce qui était proposé. Nous avons réuni à peu près un quart des planteurs. Ce que nous voulions, c’est les rendre critiques par rapport à ce qui allait être présenté mais certainement pas leur donner une position unilatérale. Nous souhaitions également leur présenter les données de manière comparative en mettant en parallèle les situations actuelle et future avec des repères communs, ce qui n’est par contre pas vraiment le cas dans la proposition de la RT. J-J.R.: Aujourd’hui, nous sommes devant un mur dans les négociations. Notre volonté reste néanmoins de continuer à discuter avec l’industrie. Il est clairement stipulé dans les nouvelles règles de l’Organisation Commune de Marché que les nouveaux contrats de livraisons doivent être conclus entre les planteurs et l’entreprise, ici on en est loin puisqu’aucun accord n’a été passé. B.H.: Du côté de la RT, on met donc un peu la charrue avant les bœufs. Il est vrai que les contraintes pratiques sont bien réelles et que l’on doit pouvoir proposer quelque chose avant que les planteurs ne réalisent leurs emblavements mais, pour proposer quelque chose, il faut avoir une base interprofessionnelle que l’on n’a pas.

Quels sont les points défendus par les représentants des betteraviers?

J-J.R.: Dès le début des négociations, nous avons toujours défendu trois préalables. Tout d’abord, un prix rémunérateur qui couvre les coûts de production et donne accès à une marge familiale. Ensuite, nous souhaitions également que la pulpe reste en dehors du prix d’achat de la betterave car, selon l’Organisation Commune de Marché, elle reste encore et toujours la propriété du planteur. Dans le cas présent, ils veulent nous en garantir le prix mais se l’approprient pour faire diminuer le prix de base. D.J.: Enfin, il est pour nous totalement exclu de participer à quelques frais de transport que ce soit. Nous n’avons pas fait le choix de fermer les usines, nous n’avons donc pas à en subir les conséquences. Ces décisions leur ont permis d’optimiser leurs coûts de production et aujourd’hui, ils voudraient en plus nous imputer les coûts de transports alors qu’ils sont responsables des choix géographiques aberrants qui ont été faits dans le passé.

Vous êtes donc opposés à toute forme de frais de transport, il en est pourtant question dans le contrat additionnel?

D.J.: En effet, nous y sommes opposés et estimons également que c’est un élément pour lequel il ne peut pas y avoir de discriminations entre planteurs dans aucun contrat B.H.: Néanmoins, sur ce point, la proposition est déjà meilleure qu’auparavant car il était simplement prévu de payer les frais réels de transport. Actuellement, pour les contrats additionnels, le planteur devrait prendre en charge des frais de transport mutualisés, cela signifie que s’il se trouve à 40 km ou 80 km de l’usine, il paiera les mêmes frais de transport. Mais, pour que ces frais mutualisés ne dépassent pas un certain seuil, l’usine jouera non plus sur la distance mais sur la quantité attribuée selon la distance. Un planteur plus proche risque de se voir proposer plus de contrat additionnel qu’un planteur éloigné. Il n’y aura pas de discrimination sur le transport mais sur la quantité.

Il est également question d’un complément de prix, est-ce une bonne solution pour assurer le revenu des planteurs?

D.J.: Au cours des négociations, nous avons demandé des critères clairs et précis avec éventuellement une formule à la clé pour la détermination de ce complément de prix mais aucun détail ne nous a été fourni. J’ai bien peur que cela devienne finalement un marchandage de tapis avec autant de critères pouvant amener le prix vers le haut ou vers le bas.

Les Allemands semblent en accord avec la proposition. Qu’est-ce qui explique cette différence de point de vue?

J-J. R.: Les planteurs allemands détiennent une part majoritaire du capital de la maison mère. Nous sommes également actionnaires mais minoritaires. De ce fait, les obligations légales sont différentes, et notamment en ce qui concerne l’accord interprofessionnel qui n’est pas obligatoire chez eux. D.J.: Cette situation leur permettrait également de se garantir plus facilement un complément de prix après la campagne.

Le contrat porterait sur des betteraves entières? Cela a-t-il un impact sur le prix?

D.J.: Auparavant, les collets étaient déjà livrés mais non payés, ce qui pousse certains planteurs à s’interroger sur leur utilisation passée. La prise en compte de collets permettrait à l’usine de payer plus de tonnes à l’hectare mais nous estimons que cette quantité est surévaluée. Aux collets livrés s’ajouterait une partie supplémentaire due à un moindre décolletage à l’arrachage, c’est sur l’importance de cette partie que nous ne nous entendons pas. Nous estimons que les chiffres avancés à ce sujet permettent simplement d’équilibrer le calcul, de proposer une surface à emblaver équivalente à celle d’aujourd’hui et d’atténuer la différence de chiffre d’affaires entre les systèmes actuel et futur.

Les délais de paiement semblent également fâcher les planteurs?

D.J.: Pour la campagne 2017, nous allons déjà nous engager financièrement cet été car nous devons déjà prévoir les parcelles à emblaver. Nous allons récolter en 2017 mais être payés fin de l’année 2018. Cela signifie que nous avançons de l’argent et nous nous engageons à semer des betteraves deux ans avant de toucher le prix final pour notre produit.

En bref, quelle est donc la situation aujourd’hui?

B.H.: Notre position est la suivante: on ne peut pas parler de contrat car il n’y a pas d’accord, les négociations sont difficiles et, d’après nos calculs, il est clair que les planteurs gagneront moins demain. Actuellement, la betterave est achetée départ champ et on ne voit pas de raison que cela change. Nous avons un prix minimum qui n’existera plus mais on souhaite quand même conserver un prix de base qui donne une assurance aux planteurs de ce qu’ils vont recevoir en dehors de toutes les autres couches de paiements «bonus» (primes diverses, pulpes…).

Propos recueillis par DJ

Dans sa proposition, la RT prévoit de payer l’entièreté du chargement des betteraves. Pour les (F)-axes, un dédommagement serait payé pour le chargement en fonction de la tare terre livrée. DJ

Ce que propose la RT

Depuis quelques jours, la Raffinerie Tirlemontoise (RT) présente son contrat d’achat 2017 aux planteurs de betteraves. Voici les grandes lignes de cette proposition.

Quantité de betteraves

La RT propose un contrat de base représentant 118% du contrat/quota actuel, basé sur une richesse de 17º. Celui-ci devrait être stable dans le temps et pourrait être échangé comme le quota actuel mais sans lien à la terre. Les planteurs auraient également la possibilité de réaliser un contrat additionnel variable et annuel représentant en moyenne 21% du contrat de base, alloué en fonction des possibilités de la RT et des distances. Ces deux contrats seraient accordés prioritairement aux planteurs actionnaires de Sopabe-T (société coopérative des planteurs-actionnaires de la RT).

Le prix

Le prix de base d’achat des betteraves serait établi sur base du prix de vente du sucre «SZ4», c’est-à-dire des quatre principales filiales de SZ (Allemagne, Belgique, France, Pologne). Selon la RT, «ce partage en fonction de l’évolution de prix de vente du produit fini est inédit dans le secteur agroalimentaire». Le prix du contrat additionnel correspondrait au prix de base additionné de 4 euros/tonne mais le planteur paierait le transport des betteraves additionnelles de façon mutualisée, c’est-à-dire que le coût de transport moyen des betteraves additionnelles serait payé sur chaque tonne additionnelle. Le prix des betteraves hors contrat serait, quant à lui, décidé chaque année avec minimum 60% du prix du contrat de base. Si le contrat ne peut être livré et que la surface emblavée n’est pas suffisante pour le respecter, le planteur s’exposerait à une réduction de prix de 1,5 euro/par tonne.

Complément de prix et paiements

Le prix de base serait rehaussé d’un complément de prix, à discuter avec les représentants des planteurs chaque année durant le printemps suivant la campagne betteravière. Ce complément dépendrait de paramètres importants pour la filière. Les betteraves seraient payées en trois temps. Les premiers paiements seraient réalisés durant la campagne à hauteur de 15 euros/tonne pour les betteraves livrées en contrat. Fin mars 2018, les planteurs recevraient 85% du prix de base des betteraves établi selon le prix du sucre vendu en début de campagne, ainsi que les différentes primes. Enfin, le paiement final serait effectué en novembre 2018 sur base du prix du sucre final et d’un complément de prix discuté au préalable.

Chargement et transport

La RT devrait payer l’entièreté du chargement des betteraves. Pour les (F)-axes, un dédommagement serait payé pour le chargement en fonction de la tare terre livrée. Pour le transport, elle prévoit d’assumer 100% du transport des betteraves du contrat de base et hors contrat. Par contre, le planteur paierait le transport mutualisé des betteraves du contrat additionnel et le transport individuel de sa tare terre.

Betterave entière

Le nombre de tonnes de betteraves achetées à l’hectare serait plus important car le contrat porterait sur l’achat de betteraves entières, non décolletées à l’arrachage. Selon la RT, «grâce à cette augmentation de rendement, le chiffre d’affaires réalisé par hectare de betteraves restera assez semblable à celui réalisé à l’heure actuelle sous le régime des quotas».

Objectifs de production

Pour rester compétitive, la Raffinerie Tirlemontoise s’est fixée comme objectif de travailler des betteraves pendant 130 jours de campagne. Pour se faire, les surfaces semées pourraient croître d’environ 15%.

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