Accueil Voix de la terre

Courrier des lecteurs : une bombe à retardement pour l’agriculture et la souveraineté des Européens

La Commission européenne a lancé le processus de ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Nous aurons donc à voter pour ou contre cet accord en tant que députés européens.

Temps de lecture : 3 min

 À juste titre, l’attention s’est jusqu’à maintenant focalisée sur les quotas d’importations de bœuf, volaille ou de sucre et les risques pour nos agriculteurs. Aujourd’hui, nous souhaitons attirer l’attention sur une véritable bombe à retardement, restée sous les radars médiatiques : le « mécanisme de rééquilibrage » introduit dans l’Accord à la demande des pays du Mercosur.

Prenons un exemple concret pour illustrer ce mécanisme : si l’Union Européenne décidait d’étendre ses mesures miroirs sur les pesticides en diminuant les résidus de pesticides autorisés dans nos importations, les pays du Mercosur pourraient expliquer que cela aura un impact négatif sur leurs exportations. Et ils auront le droit, à cause de ce mécanisme, de demander une compensation économique, par exemple en augmentant les quotas de bœuf exportés vers le marché européen ou les droits de douane sur les exportations de voitures ou spiritueux européens vers le Mercosur. Ce mécanisme nous empêcherait donc d’imposer des clauses miroirs pour plus de réciprocité en matière préservation de la biodiversité, lutte contre la déforestation ou bien-être animal.

Nous créons pour la première fois dans un accord commercial européen un droit à compensation pour des pays qui pourront nous faire payer la simple volonté de protéger nos consommateurs et travailleurs en tirant les normes sociales ou environnementales vers le haut et d’assurer une concurrence loyale à nos industriels et nos agriculteurs ! C’est non seulement un frein à l’adoption et l’application de la législation européenne mais aussi un véritable abandon de souveraineté ; ce qui nous semble absolument incompatible avec la volonté de construire une puissance européenne.

En agissant de la sorte, nous mettons le doigt dans un engrenage. Déjà l’Inde fait de l’adoption de ce mécanisme une condition pour un futur accord de libre-échange avec l’Union européenne. Et la Malaisie également. Qui demain ? Les États-Unis de Donald Trump qui pourraient ainsi avoir un droit de regard direct sur notre souveraineté législative ?

Face à ces risques majeurs, nous avons pris l’initiative avec de nombreux autres députés européens de différents groupes et de différentes nationalités de saisir la Cour de Justice de l’Union européenne pour vérifier la compatibilité de ce mécanisme inédit avec les Traités européens.

Cette saisine doit être votée par une majorité de députés européens pour être effective. Ce vote pourrait avoir lieu dès le mois de novembre en session plénière du Parlement européen à Strasbourg. Nous voulons d’ici là, alerter les agriculteurs et les entreprises européennes, ainsi que tous les citoyens qui ne veulent pas voir notre souveraineté compromise et soumise à des intérêts non européens. Si notre démarche est soutenue par la majorité du Parlement européen, elle suspendra le processus de ratification de l’accord jusqu’à la décision de la Cour de justice.

Notre message est clair : nous disons non à cette bombe à retardement qui menace notre souveraineté européenne et notre liberté d’agir !

Benoit Cassart & Pascal Canfin

Députés européens du groupe Renew Europe

A lire aussi en Voix de la terre

Voir plus d'articles